L’ouvrage Pilotes de combat de Nicolas Mingasson a reçu le 12 décembre le prix Erwan Bergot 2018. L’auteur y relate l’accident en Afghanistan, en 2011, d’un hélicoptère Gazelle et de son équipage. Pour ce faire, il adopte le point de vue du pilote, Mathieu Fotius, qui a perdu alors son chef de bord, Matthieu Gaudin.
Mon capitaine, comment vous êtes-vous retrouvé à témoigner dans l’ouvrage de Nicolas Mingasson ?
Alice, l’épouse du capitaine Matthieu Gaudin, m’avait demandé lors de notre deuxième rencontre en janvier 2012 de coucher sur le papier l’histoire qui me liait à son défunt mari. J’ai mis énormément de temps à m’y mettre et c’est en 2015, lorsque Nicolas est arrivé, que nous avons réellement lancé le projet ensemble. Le journaliste travaillait en effet sur un projet de livre sur le deuil de guerre et a rencontré à ce titre Alice Gaudin, la femme de mon chef de bord. Elle nous a ensuite mis en relation.
Nicolas est venu quinze jours à la maison. Tous les jours, du matin au soir, il me posait des questions et notait, notait, notait. Une fois qu’il est parti, on s’est appelé régulièrement. Lorsqu’il a commencé la rédaction, il me demandait des précisions, si c’était juste, s’il avait bien compris. Je lui disais « ça ce n’est pas bon, ça ne s’est pas passé comme ça, il ne faut pas écrire ça comme ça ». Puis nous l’avons fait lire à Alice Gaudin avant édition.
Pour moi, c’est un prix qui récompense l’auteur, Nicolas Mingasson. Cela fait plusieurs années qu’il travaille sur des thèmes qui touchent l’institution militaire, sur des sujets très forts. Il s’est intégré à un groupe de combat, a fait six mois en Afghanistan, a côtoyé les soldats. Il a écrit sur le deuil avant qu’on travaille ensemble. Ce prix est un signe pour lui dire qu’il a bien fait de travailler sur ce sujet. On ne s’engage pas pour mourir. On s’engage pour un métier qui nous passionne et qui nous permet d’aider les autres.
Je ne vais pas dire que je l’ai clôturé. Je suis toujours en relation avec la famille de mon chef de bord, que je vois régulièrement. Pour moi, j’ai juste accompli une mission que l’on m’a donnée, une nouvelle fois. C’est la seule demande qui m’a été faite suite à l’accident, la seule chose que sa femme m’ait demandé. Tout ce qui tourne autour du livre, que ce soit le prix ou la notoriété de l’ouvrage, c’est juste du plus.
Sincérité, authenticité et réalité. C’est la réalité de la vie du militaire. Tout le monde peut s’y retrouver. Quand le livre est sorti, j’avais deux peurs. La première, c’est que l’ouvrage ne convienne pas à la famille. La seconde était la vision qu’auraient mes pairs sur celui-ci. Au final, l’ouvrage a été très bien accueilli et j’ai reçu beaucoup de messages de personnes qui l’ont lu ou sont venues me voir. D’épouses de militaires par exemple, qui ont découvert un peu plus le quotidien lié aux opérations extérieures, nos peurs et nos angoisses de militaires.
Tout à fait. Ce livre montre comment vit le militaire au quotidien, dans son intimité. Comment il ressent les choses. Il reflète très bien notre histoire, j’en suis extrêmement content et j’en remercie vivement l’auteur. Nous avons eu une liberté totale sur la façon d’écrire le livre, sur ce qu’on y écrivait. L’idée n’était pas de faire du sensationnel.
En 2011, la cellule d’aide aux blessés de l’armée de Terre était en pleine évolution. Elle a fait un travail que je respecte énormément, pour moi et ma famille. Puis, d’autres associations se sont manifestées et sont intervenues. Enfin, l’esprit de corps de l’institution militaire a pris le relais. Dans une unité de combat, on sait qu’on est plus que des collègues, c’est indéniable. Dans l’armée de Terre, on est tous frères d’armes. Je ne me suis jamais retrouvé seul, jamais. C’est ce qui caractérise le mieux notre institution et je peux en témoigner encore maintenant.
C’est la camaraderie, tout ce qui fait l’armée, ce qui nous unit. Cela va au-delà du travail de tous les jours, ça transcende. Ces relations qui nous lient tous au travers de la vie et de la mort nous dépassent.
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