Alors que nos soldats rentrent de Bolivie où ils ont lutté contre les feux qui ravagent l’Amazonie, nous vous proposons les témoignages croisés de Marina, Raphaël, Antoine et Philippe, tous soldats à l’UIISC1 de Nogent-le-Rotrou.
BTS en analyse de biologie médicale, licence professionnelle « mission qualité pour les établissements de santé », puis 5 ans dans un laboratoire privé. Sapeur-pompier volontaire, devenue professionnelle en intégrant l’UIISC1.
« Cette semaine on est allé à la rencontre des élèves de San Ignacio de Velasco. La mairie nous a ouvert les portes de trois établissements : une école publique, un lycée privé et un « convenio », un établissement à la croisée entre l’église et l’Etat. Différentes classes sociales, différents mondes qui ne se côtoient pas forcément.
Les enfants nous prennent pour des « bomberos », on leur a précisé qu’on était en quelque sorte des « bomberos » militaires. On insiste bien sur le côté militaire ! Le but c’était aussi d’échanger avec eux : on est des étrangers sur leur territoire, c’est normal d’expliquer notre présence ici, notre travail sur le terrain, les sensibiliser à la protection de la forêt amazonienne, et par le biais des enfants, ça permet d’impacter les adultes. En rentrant le soir, ils vont raconter ça à leurs parents. »
Bac Littéraire, puis métiers de l’animation. A toujours voulu être en contact avec les autres et leur apporter un soutien, transmettre son énergie et sa bonne humeur. A besoin de challenges dans sa vie et s’est donc naturellement tourné vers l’armée de Terre.
« C’est ma première mission opérationnelle à l’étranger, je mesure la chance que j’ai ! Entre le décalage horaire et la chaleur étouffante, on a mis quelques jours pour s’acclimater, mais c’est un grand honneur d’être ici. Les gens sont toujours ravis de nous voir, de nous prêter main forte et les conducteurs qui nous accompagnent tous les jours, ce sont des héros, ils sont à fond avec nous, malgré la fatigue, il y a une vraie collaboration et c’est un plaisir de bosser avec eux ! On montre au peuple bolivien qu’ils ne sont pas seuls dans leur lutte contre les feux de forêt.
Je me suis aussi improvisé interprète sur le camp. Mon petit « talent » d’hispanophone est mis à contribution pour le bien de la mission, donc dès qu’il y a un besoin, je suis là ! La dernière fois on a fait une instruction aux boliviens sur le fonctionnement des groupes électrogènes qu’on leur a donnés, ce n’est pas forcément évident de traduire des termes techniques, mais on s’en est bien sorti ! »
Bac pro vente puis travail dans la restauration pendant 3 ans. A toujours été passionné par le monde du secours et les métiers qui touchent à l’urgence.
« On intervient essentiellement sur de la protection de villages avec les pompiers locaux et l’armée de Terre bolivienne. Pour stopper la progression du feu, on réalise des layons et des contre-feux. En gros, on éteint des feux … sans eau, comme c’est une ressource très limitée ici ! Il fait très chaud. Plus de 40°C. On transpire énormément, on boit plus de six litres d’eau par jour, c’est très physique, la progression dans la jungle est difficile, mais on est préparé pour ça !
On a été très bien accueillis par les Boliviens. Les personnes qui nous ont accompagnées pour la traduction, le président de la République bolivienne – en personne – l’ambassadeur de France, le consul et bien sûr la population locale qui nous témoigne souvent des gestes d’attention. Sur le terrain, ils nous apportent des fruits ou de la limonade. Nos conducteurs aussi, ils enchaînent les heures de route, ce n’est pas leur métier, mais ils sont très endurants.
A la sortie de l’avion, il y avait une foule de journalistes … et le président Evo Morales, en bas des marches, sur le tarmac, qui nous a salué un par un. C’était très impressionnant. La mission est hors-norme. On a cinq hélicoptères à notre disposition (français, chiliens et armée bolivienne), ce qui est assez rare dans les missions extérieures de la sécurité civile, c’est un sacré atout, même s’ils ne sont pas toujours utilisés à cause de la fumée qui recouvre souvent la région entière en fonction du vent.
C’est une mission assez exceptionnelle dans le sens où nous n’allons pas souvent faire du feu de forêt à l’étranger*. Lorsque nous intervenons à l’extérieur de nos frontières, nous sommes davantage sur de l’aide humanitaire, des ouragans, des tsunamis… Ici, nos jeunes sapeurs ont les moyens de travailler, grâce aux vecteurs terrestres et aériens mis à notre disposition. Ils sont aussi très motivés de pouvoir enfin mettre leurs compétences au service des Boliviens. Et la mission est belle : sauver le poumon de la planète !
Un conseil pour les jeunes : il faut résister jusqu’au bout, « être et durer », penser à s’économiser, on n’a jamais le visuel sur la fin de la mission. Profiter de chaque instant aussi, même dans l’adversité, pour ne pas avoir de regrets une fois de retour au pays. Chaque mission comporte son lot de difficultés. Ici les moyens sont présents certes, mais toujours incertains du jour au lendemain. Ça joue parfois sur le moral. Mais réussir avec très peu de moyens, c’est plus enrichissant que de réussir avec plein de moyens !
Droits : armée de Terre/FORMISC