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Interview du commandant Benoît projeté sur Irma

Mise à jour  : 14/11/2017

Le commandant Benoît, chef du bureau opérations et instruction du 3e RPIMA a été projeté à St Martin lors du déclenchement de l’alerte guépard. Arrivée sur place, prise en compte de la mission et résultats obtenus, bilan du mandat.

Comment votre régiment a-t-il été déployé, sur court préavis, aux Antilles ? 

Le samedi à 19h30, nous avons reçu un appel de la 11e brigade parachutiste nous annonçant notre projection, information qui fut confirmée le dimanche matin par le centre de planification et de conduite des opérations. A midi, 165 militaires et 13 tonnes de fret embarquaient à l’aéroport de Toulouse-Blagnac. Dès l’atterrissage des premières unités à St Martin, nous avons débuté les patrouilles. L’ensemble du groupement tactique déployait 500 personnes et près de 700 avec la partie génie.

Comment décririez-vous votre arrivée à Saint Martin ?

A notre arrivée, nous avons pu constater l’état de l’île. Nous n’avions pas pu savoir en avance l’ampleur des dégâts car les communications étaient quasiment coupées. Ce qui nous a surpris, c’est que nous n’étions pas dans un schéma classique. Ici, les forces de l’ordre et de secours étaient elles aussi touchées par les dégâts causés par l’ouragan. Il n’y avait plus de préfecture, il nous a donc fallu trouver un autre lieu décisionnel avec la préfète déléguée. Il n’y avait plus d’électricité, plus de réseaux de communication, les débris jonchaient les routes, ce qui rendait l’action des autorités locales quasiment impossible. 

Quelles étaient vos principales missions ?

Il faut réellement imaginer une population en état de choc dans un contexte d’insécurité. Dans ces circonstances, il fallait répondre avec un « choc de sécurité » que nous avons contribué à mettre en place par notre savoir-faire militaire afin que la population soit rapidement rassurée. 

Le GTIA avait 3 missions : sécurisation, flux logistiques et aide au rétablissement sommaire. Le bataillon infanterie avait pour mission immédiate de rétablir les conditions minimales de sécurité de la population et des lieux. Parallèlement, nous étions chargés de garantir les flux logistiques, notamment en contrôlant l’aéroport et le port. Quelques jours après l’arrivée des soldats, lorsque le climat d’insécurité s’est estompé, nous avons adapté notre posture nous permettant en complément de la sécurisation, de participer au déblaiement sommaire des quartiers et des axes routiers. Cette mission fut effectuée avec les unités de génie sous les ordres de l’état-major du 3e RPIMa, ainsi qu’avec les autres compagnies présentes.

Quelle était la mission principale du détachement ? 

Notre mission de sécurisation consistait notamment à anticiper, empêcher et arrêter les pillages. Nous avons fait face à de nombreuses situations. Pour répondre à des besoins physiologiques ou de subsistance, certains habitants se rendaient par effraction dans les maisons vides voisines, sans violences. D’autres, en bande organisée, effectuaient des mises à sac coordonnées dans les commerces (comme les magasins de téléphonie), sans mise en danger directe d’autrui. Mais nous avons malheureusement tout de même dû faire face à des pillages avec agressions dans les habitations encore occupées. Dans ce cas, nous remettions les assaillants aux forces de police judiciaire. 

Quels résultats avez-vous obtenu ? 

Les premières 48h, nous nous sommes concentrés sur de la sécurisation pure auprès de la population. Ensuite, nous avons eu un rôle et une posture de dissuasion, rassurante, humaine tout en gardant une mission 100% sécuritaire durant la nuit. Durant ces deux semaines, nous sommes passés d’une situation de crise à une situation de rétablissement sommaire. Nous avons d’ailleurs permis la réouverture du supermarché 6 jours après notre arrivée. En effet, celui-ci avait fait l’objet d’une grande sécurisation avant et pendant sa réouverture. Encore une fois, il faut vraiment se rendre compte du poids symbolique de cette réouverture marquait le début de la relance de l’île. 

Les bénéfices de notre présence là-bas se sont mesurés autant concrètement (déblaiement, soutien aux populations, ravitaillement) que sur le plan psychologique avec une population rassurée, plus sereine et apaisée. Les réactions de la population aux vues des premières patrouilles nous ont tous marqués. Imaginez que nous étions parfois les premiers à livrer de l’eau ou des rations dans certains quartiers. Nous avons été accueillis de la meilleure des manières.

Comment vous êtes-vous préparé à ce mandat ?

Le 3e RPIMa arme en permanence l’alerte Guépard, nous rendant réactif dans un contexte d’urgence. C’est notre expérience et notre force. Notre régiment organise plusieurs exercices d’alerte par an nous permettant d’améliorer constamment notre capacité de réaction dans l’urgence. De plus, à titre individuel, chaque soldat développe sa rusticité et sa gestion du stress durant l’année. Toutes ces démarches nous permettent, dans le cadre de l’alerte Guépard, de déployer une première capacité 12h après l’alerte (avec une partie de l’état-major tactique), une seconde 48h après, comprenant le reste de l’état-major tactique et un soutien logistique.

Quelles sont les qualités dont vous avez dû faire preuve ? 

Pour cette mission, les soldats du 3e RPIMa ont démontré leur grande capacité d’adaptation et leur agilité afin de se réarticuler en fonction des ressources pour affirmer notre présence. La rusticité était aussi un aspect non négligeable pour les patrouilles à pied, sans eau courante ni électricité. 

Habituellement, nous adaptons le type de fret à la mission. Mais pour cette mission, compte tenu des très faibles moyens de communication suite aux dégradations des réseaux, nous avons eu peu d’informations préalables sur les dégâts et le contexte dans lequel nous allions opérer. Nous avons dû nous adapter. A ce titre, nous sommes partis avec 13 tonnes de frets nous permettant de répondre à de multiples situations comme une antenne chirurgicale, des protections pare-balle ou encore des capacités logistiques. 

Quelles ont été vos relations avec les autorités civiles ? 

A tous les niveaux, la relation avec les autorités civiles se faisait quotidiennement. Au niveau des différents chefs d’éléments, ceux-ci participaient aux réunions de coordination organisées par la préfète déléguée dans lesquelles nous intervenions sur la partie sécuritaire. Les commandants d’unités quant à eux, échangeaient chaque jour avec la gendarmerie pour opérer de manière conjointe et coordonnée. 

Cette mission pourrait-elle s’apparenter à l’opération Sentinelle ? 

Même si les patrouilles et le déploiement pouvaient ressembler à l’opération Sentinelle sur le territoire national, la mission était différente. Le fonctionnement des entités de l’Etat était fragilisé à Saint Martin et le contexte sociétal était tendu. Nous étions dans une situation exceptionnelle qui sort du cadre Sentinelle. 


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