Le programme SCORPION sera accompagné d’outils de préparation opérationnelle spécifiques en vue de préserver les savoir-faire des unités et optimiser le temps qu’elles consacrent à l’entrainement. Cette modernisation prendra notamment d’emblée en compte les systèmes de préparation opérationnelle (SPO). A l’occasion d’Eurosatory, le général Quevilly, chef de la division SCORPION au commandement des forces terrestres (CFT) de Lille, revient pour nous sur les changements engrangés par la force SCORPION, permettant à l’armée de Terre de conserver l’ascendant sur un ennemi en perpétuelle mutation.
A court et moyen termes, le programme SCORPION aura peu d’incidences sur l’organisation générale des forces terrestres et notamment celle des régiments.
SCORPION correspond d’abord à une transformation profonde du système de combat de l’armée de Terre. Ce sont donc les procédés tactiques et les capacités opérationnelles qui seront améliorés et transformés. Bien évidemment, au sein des régiments, des cellules nouvelles, des fonctions et des expertises inhérentes à SCORPION verront le jour mais elles ne remettront pas fondamentalement en cause les structures régimentaires actuelles.
La transformation sera conduite de façon progressive, sans bouleversement de notre organisation mais au contraire, en s’appuyant justement sur ce qui aujourd’hui fonctionne parfaitement, qu’il s’agisse de la formation ou de la préparation opérationnelle. Le 1er régiment de chasseurs d’Afrique (1er RCA), l’école des transmissions, l’école de la maintenance ainsi que toutes les écoles d’armes joueront un rôle essentiel pour les primo-formations puis les formations.
La FECS (force d’expertise du combat Scorpion), qui poursuit sa montée en puissance au sein du futur E2CIA, accompagnera la préparation opérationnelle des unités SCORPION, en se plaçant à la poignée d’éventail entre les expérimentations, l’entraînement et les mises en condition avant engagement opérationnel. La CERES (compagnie d’exploitation des réseaux SCORPION) du 53e régiment de transmissions (53e RT) sur le segment des systèmes d’information et des réseaux jouera également un rôle clé dans cette montée en puissance.
En bref, nous rendrons justement possible l’ambition opérationnelle de SCORPION en nous appuyant sur notre organisation actuelle, complétée par la FECS et la CERES et ce qui fait sa force : nos savoir-faire de formation et nos capacités et procédés d’entraînement.
D’ici l’atteinte de nos premiers objectifs opérationnels de 2021 et 2023, qui sont des jalons opérationnels de projection SCORPION, l’économie générale de la préparation opérationnelle des forces terrestres (équilibres entre la préparation opérationnelle métier et la préparation opérationnelle interarmes, définition des standards opérationnels et mise en condition finale) ou même le tempo des forces terrestres en termes de cycle d’activités changeront peu. Une politique de préparation opérationnelle SCORPION devrait d’ailleurs voir le jour pour la rentrée 2018.
Cette transformation sera progressive, comme je l’ai déjà dit, et s’appuiera sur notre mode de fonctionnement actuel, qui est éprouvé. Elle sera conduite au rythme de l’arrivée des nouveaux équipements, rapide pour les systèmes d’information et de communication (généralisation du système SICS à toutes les forces terrestres), plus cadencée pour ce qui concerne les engins de combat majeurs (GRIFFON et JAGUAR).
Dans ce premier temps, avec l’arrivée des nouveaux systèmes, les forces devront utiliser et mettre simultanément en œuvre des technologies de générations différentes. Il s’agira de réfléchir en termes d’interopérabilité et d’hybridité pour les équipements, les systèmes et les unités, et en termes de polyvalence pour ce qui concerne les compétences et les capacités. La gestion de cette coexistence constituera le défi majeur des premières années de l’ère SCORPION.
Par ailleurs, l’impact de SCORPION se produira d’abord sur le fond de la préparation opérationnelle (le contenu) et non sur sa forme (l’organisation), car nous pourrons nous appuyer sur nos modes d’entraînement actuels pour acquérir et maîtriser des procédés de combat nouveaux et plus efficaces, tirant tout le parti possible des nouvelles capacités mises à notre disposition : infovalorisation, protection, mobilité, agression, combat collaboratif mais également outils de simulation. Dans cette optique, la FECS jouera également un rôle majeur en ayant contribué en amont à l’élaboration, l’expérimentation puis l’enseignement des modes d’action, de procédés d’exécution et des savoir-faire tactiques des unités Scorpion.
Parmi tous les apports de Scorpion, c’est certainement par le biais de la simulation, une fois les autres capacités parfaitement maîtrisées, que la préparation opérationnelle évoluera très certainement dans sa forme.
En résumé, jusqu’aux premiers engagements opérationnels, c’est surtout le fond de la préparation opérationnelle et non sa forme qui évoluera : nous développerons de nouvelles capacités de combat en s’appuyant sur les modes de préparation opérationnelle actuels qui ont le grand avantage d’être solides et éprouvés, tout en gérant la mixité des équipements et des compétences. Ensuite, à l’horizon 2023-2025, de nouvelles capacités de simulation conjuguées aux premiers retours d’expérience nous permettront très certainement de faire évoluer nos procédés d’entraînement.
Les systèmes de simulation de SCORPION innoveront dans de nombreux domaines : entraînement en réseau, entraînement multi-sites, préparation de mission. Regroupés de façon sous le terme générique de système de préparation opérationnel (SPO), ces systèmes constitueront une grande part de la « révolution » SCORPION en termes de préparation opérationnelle. Leur apport sera à la fois individuel et collectif, pour les cadres comme pour la troupe. L’armée de Terre s’est déjà mise en marche pour accueillir le système de préparation opérationnelle SCORPION.
Le système de préparation à l’engagement SCORPION prendra en compte l’ensemble des nouveaux porteurs (GRIFFON, JAGUAR, char LECLERC rénové) et des nouvelles armes (HK 416, MAG58, futur FM5.56 et 7.62, le MMP, etc.). Toutes les forces terrestres seront concernées, notamment par l’extension des capacités des simulateurs de tir et de pilotage, en stand et en cabine. L’entraînement des servants et des équipages sera ainsi grandement rénové et facilité.
En garnison, la véritable révolution dans la préparation opérationnelle viendra de la capacité de mise en réseau et de la capacité d’entraînement multi-sites du système de préparation opérationnelle (SPO) des espaces d’instruction collective NEB SIMU NG. Différents types de simulateurs pourront ainsi être associés sur une même garnison voire à distance avec d’autres formations.
En outre, certains de ces simulateurs seront nativement embarqués dans les véhicules de combat (JAGUAR et GRIFFON), qui deviendront ainsi des cabines de simulation temporaires. L’entraînement sera alors individuel et collectif à un très haut niveau de réalisme pouvant aller jusqu’à des capacités de préparation de mission.
Ainsi, dès 2021, tous les systèmes (SEMBA, SERKET, ETS) connectés, un capitaine d’infanterie pourra s’entraîner au combat embarqué avec les équipages de ses sections embarqués dans ses GRIFFON, ainsi qu’avec ceux d’un peloton sur JAGUAR, reçu en renforcement mais resté dans sa garnison. A l’avenir, la connexion avec EDITH, principal simulateur de l’aviation légère de l’armée de Terre, permettra sur la même logique de connexion à distance de travailler des séquences d’aérocombat.
De même, la simulation multi-sites (en s’appuyant sur SPARTE dès 2020 et SOULT en 2021), permettra l’entraînement des PC, en garnison, associant leurs interlocuteurs interarmes restés dans leurs propres garnisons.
En centre d’entraînement spécialisé, la simulation instrumentée permettra un haut niveau de préparation dans un cadre de réalisme encore jamais atteint. En effet, au centre d’entraînement tactique (CENTAC) comme au centre d’entraînement en zone urbaine (CENZUB), les unités seront désormais vulnérables au tir à travers les murs, aux tirs missiles au-delà de la vue directe, aux tirs indirects dans les habitations. Les plus-values seront alors autant individuelles que collectives. En outre, la formation et l’entraînement des tireurs sur certains systèmes d’arme tels que le missile moyenne portée (MMP) se feront désormais exclusivement par simulateurs.
Plus encore qu’aujourd’hui, un effort de formation sera à consentir pour utiliser toutes les capacités désormais permises par ces nouveaux simulateurs. L’encadrement de contact des unités sera le centre de gravité de cet effort de formation à l’emploi de la simulation opérationnelle.
Enfin, les outils de simulation pourront être engagés en opération dans la phase de préparation des missions en confrontant, par exemple, les modes d’actions « ami » et « ennemi ». Déjà testés sur certains théâtres, ces moyens de préparation de mission constitueront un apport conséquent pour les unités, d’autant plus qu’ils seront associés à des supports cartographiques évolués, y compris en 3D.
Face à toutes ces évolutions, un autre défi consistera à s’approprier et à maîtriser de nouvelles aptitudes tout en conservant nos valeurs faites de capacité de réaction et d’adaptation, d’aguerrissement et de rusticité, sans oublier le fonctionnement en mode dégradé. Il s’agira de savoir parfaitement conjuguer innovation et esprit guerrier.
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