[Soutien psychologique] lorsque le 18 a mal…

Celle des victimes civiles et celle de leurs frères d’armes. Sous leur uniforme se cachent des hommes avec des blessures invisibles qu’ils ont appris à canaliser. Comment ? Zoom dans les coulisses secrètes des sapeurs-pompiers, au sein de la cellule médico-psychologique, Division Santé BSPP, dirigée par le médecin-chef Nelly Lavilluniére.

« Grâce à leur histoire vieille de 202 ans, les sapeurs-pompiers ont une mémoire collective qui se transmet de génération en génération. Ils ont forgé, au cours des siècles, une fraternité d’armes exceptionnelle. Ils ont su créer des rituels, des langages codés, des plaisanteries sous forme d’humour noir qui leur servent d’exutoire aux visions d’horreur affrontées. C’est cette initiation qui leur permet de surmonter de nouvelles épreuves. Après chaque intervention difficile, ils se retrouvent en groupe pour en parler, en rire aussi en rejouant les scènes. Des moments indispensables pour entretenir la force du groupe et évacuer le stress ou le trop plein d’excitation. À chaque fois, cette parole commune leur permet une auto régulation en une sorte de sas de décompression.

Mais parfois cela ne suffit pas ! Lorsque les images traumatisantes reviennent en boucles en des flashs cauchemardesques, comme celle d’un enfant qu’on n’a pas pu réanimer, ou celle d’une femme en torche que la main tendue n’a pas pu extraire des flammes, la souffrance émerge. Selon les individus, les réactions diffèrent : colère, culpabilité, angoisse, repli sur soi, agitation, refoulement, dénégation…C’est dans ces moments-là, qu’en tant que psy, nous intervenons. Toujours d’une manière discrète, réservée et prudente.

Nous sommes là pour écouter, apporter notre compréhension- de psy et de pompier- Nous sommes disponibles en permanence, jour et nuit. Notre rôle ? Redonner aux intervenants commotionnés les outils leur permettant de sortir du marasme émotionnel. Lorsqu’un pompier, en toute confiance, vient nous voir c’est sans détour qu’il nous parle. Il attend de nous, au cours de longs entretiens individuels, une réponse en urgence, sans langue de bois. La confidentialité demeure primordiale. Pas question de stigmatiser celui qui nous dévoile sa souffrance !

Mais au-delà de nos aides ponctuelles, nous avons pour mission de former les sapeurs-pompiers. À tous les niveaux, du caporal-chef à l’officier de garde, nous leur apprenons à identifier les moindres signes de comportement inhabituel lors de situations pathogènes. C’est un long processus de sensibilisation qui va permettre à chaque maillon du groupe de repérer les symptômes provoqués par la confrontation brutale avec la mort.

Les sapeurs-pompiers exercent bien plus qu’un métier. La nature de leur engagement relève d’une vocation, au service du public. Leur force ? Celle du groupe vivant et travaillant ensemble. C’est le monde du « nous » à l’opposé du « moi je ». C’est cela un véritable pompier ! Un homme ou une femme, attiré par le mythe du pompier, qui fait l’impossible pour rester à la hauteur de son idéal. Exposés 24 heures sur 24 à des situations dramatiques, ils savent conjuguer en continu les valeurs d’altruisme qui forment le socle de leur éthique. En signant le pacte « sauver ou périr » ces soldats du feu engagent leur être, leur esprit et leur âme pour accomplir leur mission. Nous, en tant que psy, sommes présents pour les aider à évacuer leurs souffrances psychologiques pour qu’ils puissent repartir sauver des vies, au risque de perdre la leur. »