Portrait : l’adjudant Nadège Donzé s’est impliquée auprès de soldats blessés en opération. Elle fait désormais partie de leur vie, et ils ont bouleversé la sienne.
« Comment fais-tu ? Moi, je ne pourrais pas. » Voilà ce que j’ai souvent entendu au sujet de mes visites aux blessés. Mais pour moi, c’était une évidence. Je me disais : « Cela aurait pu être moi. Car avant d’être des spécialistes, nous sommes tous des soldats. » J’ai été affectée à la cellule Intervention du cabinet du ministre de la Défense en mai 2008. En août, c’était Uzbeen. J’ai alors été chargée d’une partie des dossiers sur les soldats décédés et blessés afin que le ministre dispose d’éléments concrets pour les familles. Je suis entrée dans l’intimité des soldats.
Après quelques mois, j’ai voulu mettre un visage sur les noms de ces hommes qui étaient allés au bout de leur engagement. Début 2009, le caporal-chef Devos (un de mes collègues) et moi-même avons pris la décision de leur rendre visite à l’hôpital Percy. C’était une initiative personnelle, menée en dehors de nos heures de service. Et c’est devenu un rituel.
Une fois les visites officielles passées et les familles rentrées chez elles, souvent trop loin pour venir régulièrement, les soldats se sentent très seuls. Mon objectif était de leur changer les idées, de leur apporter un peu de joie de vivre.
Même si j’ai parfois été très impressionnée par leurs blessures, je ne l’ai jamais montré. Ils n’ont pas besoin que l’on s’apitoye sur leur sort, mais plutôt qu’on les aide à supporter le quotidien. C’est passé par de petites attentions : boisson, hamburger, gâteau d’anniversaire, faire la lecture, les aider à manger…
Avec les blessés, un lien très fort s’est noué. Ils avaient mon numéro et je leur disais de m’appeler dès qu’ils en sentaient le besoin. Certains le font encore !
Marsouin d’honneur du 3
De nombreux blessés à qui je rendais visite sont issus du 3erégiment d’infanterie de Marine (3eRIMa), durement touché en Afghanistan à cette période. Je me souviens tout particulièrement du caporal-chef Abdou, grièvement blessé au bras par IED. Encore en réanimation lorsque je l’ai rencontré, il n’arrivait à prononcer qu’un seul mot, incompréhensible. Après quelques recherches, j’ai réussi à découvrir qu’il s’agissait du nom de son meilleur ami, un légionnaire. J’ai contacté son régiment qui l’a immédiatement mis dans un train pour Paris, pour venir lui rendre visite.
Ensuite, une relation particulière s’est nouée avec le 3eRIMa. Jusqu’au jour où j’ai eu la chance de recevoir la médaille du mérite colonial pour mon action auprès des blessés du 3. J’ai également été faite Marsouin d’honneur. Quelle émotion ! Ce régiment m’a véritablement adoptée, et je ne m’y attendais pas.
Ces blessés m’ont donné une leçon de vie car malgré leur souffrance quotidienne tant physique que psychologique, ce sont des soldats qui n’ont jamais perdu leur sens de l’engagement. Et même si je leur ai beaucoup donné, ils me l’ont rendu au centuple.
Aujourd’hui, l’adjudant continue à suivre avec attention le parcours des blessés qu’elle a rencontrés lors de ses visites.
Quelques dates
Agenda : ce week-end, aura lieu à Vannes la traditionnelle cérémonie du 11 Novembre en présence des autorités locales. Au cours de cette cérémonie, le caporal-chef Abdou, blessé en Afghanistan recevra la médaille militaire, l’adjudant Donzé, sera présente à cette occasion.
Sources : TIM 239 - CNE S. Fosseux
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