--- Seul le prononcé fait foi ---
Mesdames, Messieurs les Préfets,
Il y a maintenant plus de deux ans, conformément à la volonté du Président de la République, le ministère de la Défense a engagé l’une des réformes les plus importantes que nos Armées aient connues depuis près de quarante ans, l’une des plus ambitieuses menées au sein de l’Etat.
Cet effort vise à adapter notre outil de défense aux menaces et aux défis du XXIe siècle pour permettre à notre pays de continuer à peser de tout son poids dans les affaires du monde. Il illustre la capacité d’adaptation des Armées françaises, qui ont toujours su se moderniser pour remplir au mieux leurs missions. Il traduit la volonté, après le tournant de la professionnalisation, de concrétiser les orientations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008, en s’attaquant aux chantiers essentiels de l’organisation des armées et des modes de fonctionnement du ministère. Mutualiser les soutiens, rationaliser les implantations et clarifier la gouvernance pour améliorer l’équipement des Armées et rendre notre outil de défense toujours plus efficace et réactif : tel est le sens de la réforme.
Vous êtes bien placés pour le savoir : cette réforme se traduit par une rénovation profonde de la carte des implantations militaires, avec deux objectifs.
- Créer des pôles territoriaux cohérents avec la préparation opérationnelle des Armées - c’est dans cet esprit que sont rassemblées autour d’Haguenau les unités de la brigade de renseignement, dans le Sud Ouest les unités des forces spéciales de l’armée de Terre, et en Bretagne les flottilles de patrouille maritime de l’aéronautique navale ;
- Poursuivre au niveau local l’effort d’interarmisation et de mutualisation de l’administration et du soutien, avec la création au 1er janvier 2011 de 60 bases de défense, dont les commandants sont désormais pour vous, avec les délégués militaires départementaux, des interlocuteurs privilégiés.
Concrètement, d’ici 2015, 47 unités seront transférées et 82 seront fermées, dont 22 régiments, 11 bases aériennes, 21 bâtiments de la Marine nationale et une base aéronavale. 54.000 emplois sur les 317.000 que comptait le ministère en 2008 seront supprimés. Pour la communauté de défense tout entière, ces changements représentent un immense défi.
Pour le relever, j’ai besoin de vous. Car c’est de l’ensemble des forces de l’Etat dont nous avons besoin pour réussir la réforme.
J’ai besoin de vous pour qu’aucun militaire, aucun agent civil de la communauté de défense ne soit laissé sur le bord du chemin.
Chaque année, ce sont 8.500 postes qui sont supprimés au sein du ministère. Mais ce sont aussi 2.500 militaires et civils de la Défense qui sont reclassés dans les fonctions publiques, grâce à la mobilisation des services de l’Etat placés sous votre autorité. Je pense notamment au service public de l’emploi et aux plates-formes régionales des ressources humaines placées auprès des secrétaires généraux pour les affaires régionales. A Limoges, où un état-major de forces et le 15e Régiment du train seront dissous cet été, 57 agents civils de la Défense sur les 256 concernés ont ainsi pu retrouver un emploi dans d’autres administrations.
Je vous demande de continuer à mobiliser vos services pour que dans le cadre des restructurations de l’été 2011, mais aussi de 2012, nous puissions trouver une solution pour chaque agent du ministère, à Metz, à Marseille, à Bordeaux ou encore à Nîmes.
J’ai aussi besoin de vous pour piloter l’accompagnement économique des territoires qui connaissent les restructurations les plus importantes.
Afin de compenser l’impact économique de ces opérations en volume d’emploi et d’activité, avec le ministère chargé de l’Aménagement du territoire, le ministère de la Défense met en œuvre un dispositif complet de reconversion économique à hauteur de 320 millions d’euros sur la période 2009-2014.
Mais c’est à vous qu’il revient de transformer une situation qui peut être vécue comme difficile en opportunités de développement.
Je pense en particulier à la délicate problématique des bases aériennes, et notamment à Metz, à Reims et à Cambrai, où je me suis rendu il y a 8 jours. Nous l’avons vu en 2009 à Toulouse-Francazal, où un aérodrome civil a pu prendre la relève à la fermeture de la base : grâce à la mobilisation de tous, du préfet, des services de l’Etat et des collectivités locales, on peut trouver des solutions efficaces et durables pour les territoires que quitte la Défense.
Notre objectif, c’est en effet de développer des projets au profit des entreprises et de l’emploi local, dans les domaines les plus variés, qu’il s’agisse de parcs d’activités pour l’industrie, les services et l’artisanat, comme nous l’avons fait à Arras, ou de reconversion d’emprises militaires en établissements scolaires et en logements, comme nous l’avons fait à Sourdun et Givet.
Au moment où je vous parle, vous avez d’ores et déjà signé 15 contrats de sites. Ce chiffre doit être doublé d’ici la fin de l’année, avec des territoires particulièrement marqués par la réforme, comme Caen, Bourg-Saint-Maurice, Papeete ou Bordeaux. Je vous demande de vous assurer du bon déroulement des processus.
Enfin, j’ai besoin de vous pour accélérer les cessions des emprises que quitte la Défense.
Au total, près de 300 emprises doivent être cédées, pour une recette d’un montant d’environ 1 milliard d’euros, qui bénéficiera directement à l’équipement des armées et au personnel de la défense. Le succès de ces opérations est donc un enjeu économique majeur. C’est aussi un enjeu d’aménagement du territoire important.
L’exercice est difficile, car il implique non seulement la plupart du temps des travaux préalables de dépollution, mais aussi l’existence de projets économiques viables. Pour autant, nous avons des leviers pour accélérer les procédures pour les sites les durement touchés par les restructurations, comme l’autorisation des cessions avant dépollution.
Vous pouvez nous apporter une aide précieuse dans ce domaine. J’en veux pour preuve le succès du transfert au ministère de l’Education nationale de l’ancien site de l’Ecole militaire supérieure d’administration et de management de Montpellier. Grâce à un travail interministériel complexe mené sous l’égide du préfet, un internat d’excellence a pu être construit en quelques mois.
Mesdames et Messieurs les préfets,
Au-delà de la réforme territoriale, je compte sur vous pour que le ministère de la Défense puisse prendre toute sa part à la vie de la cité. Il en va de la force du lien Armée-Nation.
Je vous demande d’abord de nous aider à accompagner les jeunes de notre pays sur le plan social et professionnel.
Avec 20 000 jeunes embauchés chaque année, la plupart sans qualification, le ministère de la Défense, qui figure parmi les premiers recruteurs de l’Etat, joue un rôle majeur d’intégration et de promotion sociale. Grâce à un système de formation extrêmement diversifié, qui va de la lutte contre l’illettrisme à l’acquisition des plus hauts diplômes universitaires, grâce aussi à des dispositifs spécifiques nombreux et variés, il contribue pleinement à renforcer l’égalité des chances dans notre pays.
Parmi ces dispositifs, je vous suggère de développer les ateliers et chantiers d’insertion qui vont être organisés au sein des bases de défense pour la réalisation de travaux d’aménagement, par exemple d’espaces verts. Vous trouverez dans le dossier qui vous a été remis les informations nécessaires sur ce point.
Je souhaite également que, sur le modèle de l’opération organisée à la Seyne-sur-Mer entre la classe relais et un bâtiment de la Marine nationale, des classes de collège ou de lycées soient désormais jumelées avec des régiments, des navires ou des escadrons de chasse.
Je souhaite aussi que le dispositif d’accueil d’élèves de milieu modeste dans les lycées militaires soit mieux connu et développé.
Enfin, vous le savez, le ministère, ce sont des activités industrielles, notamment dans le secteur aéronautique, qui constitue un vivier exceptionnel pour les formations en alternance. Qu’il s’agisse de former des cuisiniers, des pyrotechniciens ou des mécaniciens aéronautiques, je vous demande, dans le cadre du dispositif des emplois aidés, d’orienter les jeunes qui le souhaitent vers les services compétents.
Parallèlement à cet engagement en faveur des jeunes, je vous demande de nous aider à soutenir le tissu local des PME-PMI qui irriguent la défense.
L’industrie de défense, ce sont 4.000 PME-PMI, soit 30.000 emplois. Parmi ces entreprises, 10 % sont suivies directement par le ministère pour leur potentiel de technologie et d’innovation.
Nous menons en effet une politique spécifique dans ce domaine. Notre objectif, c’est de garantir la pérennité des PME identifiées comme stratégiques pour la réussite des programmes d’armement en cours ou à venir. C’est aussi de détecter sans cesse de nouvelles PME innovantes, qui ne sont pas fournisseurs de la défense mais disposent de solutions intéressantes pour satisfaire les besoins des Armées.
Je souhaite d’abord que vous m’alertiez lorsqu’une PME du secteur de la défense traverse des difficultés, notamment quand il s’agit de l’une des entreprises identifiées comme stratégiques par la Direction générale de l’armement. Vous pourrez pour cela vous appuyer sur la mission « PME » du ministère de la Défense, comme certains d’entre vous l’ont fait en 2010 face aux difficultés rencontrées par le programme Chorus.
Je souhaite également que vous facilitiez le développement d’une solidarité de filière entre les grands donneurs d’ordres et les PME, dans l’esprit des opérations de mobilisation que vous avez menées dans le cadre des états-généraux de l’industrie.
Pour mettre en œuvre ces actions, vous devrez mobiliser les moyens des directions de l’Etat, de ses opérateurs (je pense à OSEO ou à la Caisse des dépôts), mais aussi les fonds européens.
Permettez-moi à ce stade d’évoquer un sujet qui me tient particulièrement à cœur pour un ministère qui passe 2 milliards d’euros de commandes par an aux PME : le soutien à l’économie locale.
Les marchés d’alimentation, d’entretien immobilier et de service sont autant d’opportunités de resserrer les liens avec les PME des territoires. Des partenariats existent, notamment dans le secteur de l’industrie-agroalimentaire, en Alsace, à Lyon ou en Mayenne, où des PME locales approvisionnent les Armées en produits frais et transformés.
Je vous demande de nous aider à développer ces pratiques. Les chargés de mission régionaux pour les achats pourront s’appuyer sur la mission « achats » du ministère de la Défense et sur l’économat des Armées. Vous devrez également prendre l’attache des commandants de base de défense, qui vous donneront l’état de leurs besoins, par exemple en matière d’alimentation, et vous aideront à mettre en place des filières locales avec vos partenaires agricoles.
Enfin, je vous demande de nous soutenir dans notre engagement en faveur de l’environnement.
Vous le savez, le ministère de la Défense dispose de 250 000 hectares de terrains en métropole et outre-mer. Ces terrains ont été préservés de l’urbanisation et de l’agriculture intensive et présentent souvent une richesse reconnue au niveau national et européen.
Cependant, nous rencontrons des difficultés dans la mise en œuvre d’une gestion durable des sites classés Natura 2000.
- D’abord, parce que pour la moitié des sites militaires Natura 2000, le document d’objectifs (DOCOB) n’a pas encore été réalisé (soit 103 sur 187 sites).
- Ensuite, parce que ces plans d’actions sont trop rarement mis en œuvre. Je pense par exemple au camp de la Valbonne, où un contrat Natura 2000 a été conclu entre l’Etat et le Conservatoire régional des espaces naturels pour un montant de 300 000 euros afin de préserver les steppes sèches.
J’ai demandé à Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET d’engager les moyens des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement pour vous y aider. Nous signerons fin mars une convention en ce sens.
Avant de conclure, de manière plus générale, je compte sur vous pour permettre une meilleure intégration des Armées dans la gestion des moyens de l’Etat.
Les actions de mutualisation interministérielle ne sont pas un objectif en soi, mais un outil efficace pour optimiser les ressources de l’Etat, notamment dans les départements où les moyens militaires sont peu nombreux. Grâce au contact qu’elles établissent entre le monde civil et militaire, les mutualisations constituent aussi un atout majeur pour renforcer le lien Armée-Nation. Pour autant, je sais combien il est difficile de les mettre en œuvre localement.
Des initiatives ont été prises, telles que des conventions d’utilisations d’installations sportives ou d’installations de tirs.
Je vous demande de développer ces pratiques dans des domaines où la Défense et les administrations civiles partagent des besoins - je pense aux crèches, aux transports collectifs, aux forums de recrutement, à l’aide à l’emploi des conjoints d’agents publics en mobilité géographique ou encore aux formations. Je vous demande tout particulièrement de veiller à une meilleure mutualisation de certains moyens de soutien avec le ministère de l’Intérieur, comme par exemple les dépôts d’explosifs.
Mesdames, Messieurs les Préfets,
La réforme que nous avons engagée est difficile. Mais c’est une réforme indispensable, pour garantir la capacité de nos forces à mener à bien leurs missions, pour consolider l’économie de notre pays et pour renforcer le lien Armée-Nation.
Mon cabinet se tient à votre disposition pour vous aider et vous orienter dans cette tâche.
Je sais pouvoir compter sur vous pour relever ces défis. Je vous remercie.