La phagothérapie est une approche thérapeutique qui consiste à utiliser des bactériophages (des virus prédateurs de bactéries) pour lutter contre certaines maladies infectieuses d’origine bactérienne. Le projet PNEUMOPHAGE a pour objectif de développer un traitement des infections pulmonaires en utilisant des phages administrés par aérosol afin d’offrir des options thérapeutiques lorsque les bactéries sont résistantes aux antibiotiques. Le projet PNEUMOPHAGE, d’intérêt dual, est porté par deux PME, Pherecydes Pharma, et DTF médical, ainsi que par le Centre d’Etudes des Pathologies Respiratoires (CEPR) de l’Inserm (U1100) et de l’Université de Tours.
Un regain d’intérêt pour la phagothérapie
Les bactériophages ont été découverts par Félix d’Hérelle de l’Institut Pasteur au début du XX° siècle et ont été utilisés dès lors comme médicaments. La découverte des antibiotiques dans les années 1940/50 a entraîné une très forte baisse de leur utilisation dans les pays développés occidentaux. Néanmoins, la phagothérapie traditionnelle ne s’est jamais arrêtée dans les pays d’Europe de l’Est. Cette longue pratique leur a permis d’acquérir des connaissances empiriques sur l’efficacité et la sureté de la phagothérapie. Dans les pays occidentaux, la phagothérapie connait un regain d’intérêt depuis quelques années, face au double constat de l’augmentation d’infections bactériennes multi résistantes aux antibiotiques à l’échelle mondiale et à la raréfaction de nouveaux antibiotiques efficaces. La phagothérapie pourrait constituer un complément voire une alternative en cas d’échec thérapeutique avec les traitements antibiotiques dans le cadre d’une médecine de précision et pour des traitements « sur mesure » adaptés à chaque patient.
Figure1. Les bactériophages : virus naturels des bactéries. Crédits : Pherecydes Pharma
Le cas d’étude du projet PNEUMOPHAGE est l’infection pulmonaire à Pseudomonas aeruginosa (PYO), une bactérie naturellement résistante à plusieurs classes d’antibiotiques pouvant être responsable d’infections graves, notamment à cause de sa capacité à déjouer les défenses immunitaires du malade. Les infections pulmonaires à PYO constituent un enjeu majeur de santé dans les services de réanimation des hôpitaux militaires et civils. La première phase du projet a consisté à développer une formule de bactériophages inhalables combinée à un dispositif d’inhalation (nébuliseur) pour permettre une administration et une action directement au niveau pulmonaire. La deuxième partie du projet a étudié la pharmacologie et l’efficacité des bactériophages dans des modèles animaux. Ces expérimentations, dites précliniques, ont permis de montrer la supériorité de l’administration du traitement par voie aérosol plutôt que par voie intraveineuse, et de mettre en évidence une équivalence d’efficacité du traitement bactériophage face au traitement antibiotique de référence (amikacine). Ont aussi été observées une diminution de la charge bactérienne pulmonaire ainsi que l’absence de bactériophages dans les urines et la circulation sanguine, dans un modèle reproduisant la clinique humaine.
Une étude aux résultats très prometteurs, qui ouvre de nombreuses perspectives en termes de traitements.
Ces deux étapes ont permis de mettre au point un cocktail de 5 bactériophages pour inhalation industrialisables et efficaces à 95% sur une large collection de souches respiratoires à PYO incluant des souches cliniques multi-résistantes aux antibiotiques ainsi que la définition d’une formulation de bactériophages pour l’inhalation par nébulisation à tamis. PNEUMOPHAGE a de fait abouti à la création d’un prototype de nébuliseur à tamis statique très performant, et garantissant la viabilité des bactériophages lorsqu’ils sont produits sous forme aérosol. Le nébuliseur a été conçu notamment pour délivrer les bactériophages dans les services de soins intensifs à l’aide de respirateurs. La conception du nébuliseur à tamis statique est novatrice pour ce mode d’administration : il permet d’obtenir des rendements de nébulisation de plus de 50% dans des modèles de voies respiratoires.
Figure 2 : Dispositif prototype de nébuliseur à tamis statique. Crédits : DTF Medical
Au final, cette étude a rassemblé, un ensemble important de données précliniques permettant de constituer un dossier réglementaire indispensable à la programmation d’une étude clinique.
Le projet PNEUMOPHAGE ouvre ainsi d’importantes perspectives pour le traitement d’infections respiratoires bactériennes critiques, dont certaines, peuvent être retrouvées chez des patients recevant une assistance respiratoire par ventilation mécanique. L’intérêt militaire de ce projet repose dans le traitement de plaies complexes de guerre surinfectées par des bactéries multi résistantes et pour lesquelles les traitements antibiotiques disponibles sont peu efficaces. Il ouvrira aussi des perspectives pour traiter des infections respiratoires critiques potentiellement causées par des bactéries de la menace biologique. D’un point de vue civil, il pourra permettre de soigner les patients atteints d’infections respiratoires graves dont les traitements conventionnels par antibiothérapie n’apportent pas de résultats satisfaisants ou ne suffisent plus : mucoviscidose, surinfections multi résistantes, pneumopathies nosocomiales. Une fois finalisé et certifié le prototype nébuliseur pourra aussi être commercialisé de manière individuelle et destiné aux services hospitaliers civils et militaires. Avec une interface adaptée, il pourra également être employé pour les soins à domicile lors de traitements par nébulisation. Enfin il sera proposé aux laboratoires pharmaceutiques souhaitant un dispositif d’administration pour leurs médicaments en cours de développement.
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