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Développement d’une nouvelle technique d’invisibilité destinée aux aéronefs

Mise à jour  : 10/07/2020 - Direction : AID

Geoffroy Klotz est ingénieur diplômé de l’École Centrale de Lille et ancien doctorant DGA/CEA(1). Le 30 juin dernier, il a soutenu sa thèse en électromagnétisme, portant sur la conception et la réalisation de revêtements d’invisibilité radar. Ses travaux de thèse ont été conduits en partenariat avec l'Institut Fresnel de Marseille.

Les véhicules, qu’ils soient sur terre, sur mer ou dans les airs, peuvent voir et être vus à très grande distance grâce aux radars. Les radars émettent en effet un rayonnement électromagnétique, invisible et imperceptible à l’œil nu, qui rebondit lorsqu’il rentre en contact avec un objet. L’ensemble des systèmes de détection, qu’ils soient embarqués ou au sol, reçoivent une partie de cette énergie réémise et peuvent donc repérer, suivre et identifier les véhicules. C’est ainsi grâce aux rayonnements électromagnétiques que les tours de contrôle des aéroports connaissent en temps réel la position des avions dans le ciel et qu’elles peuvent communiquer par radio. Il existe cependant des véhicules pour lesquels la discrétion est recherchée, en particulier ceux destinés au secteur de la Défense : ce sont les engins furtifs. Pour de tels engins, il est nécessaire de limiter au maximum la Surface Équivalente Radar (SER), c’est à dire l’énergie réfléchie sous forme électromagnétique et produite par les constituants des engins (surfaces, protubérances, cavités, antennes). la SER d’un objet dépend de sa taille, de sa forme ainsi que des matériaux qui le recouvrent et le composent.

Dans une logique de protection, disposer d’une faible SER permet à un engin militaire de mieux échapper au contrôle et à la détection par les radars adverses. L’utilisation de matériaux absorbant les ondes radar ainsi que les formes extérieures des systèmes contribuent à les rendre moins détectables par les radars.

 

Réduire la Surface Equivalente Radar par un revêtement d’invisibilité

Geoffroy Klotz a orienté ses recherches sur une nouvelle manière de réduire la Surface Équivalente Radar, telles que des antennes, sur la surface des aéronefs. Il a pour ce faire, travaillé à la conception de revêtements d’invisibilité permettant de masquer ces éléments perturbants.

L’« optique de transformation  développée à compter des années 2000,» permet d’envisager la réalisation de dispositifs d’invisibilité, qui étaient il y a peu encore de la pure fiction. Il s’agit de mimer un espace déformé à l’aide de revêtements présentant des propriétés électromagnétiques spécifiques. En faisant croire aux rayons électromagnétiques que l’espace se courbe dans le revêtement entourant un objet, celui-ci agit comme une cape d’invisibilité. Les ondes émises par les radars sont alors piégées, contournent la cible, empêchant le rayonnement d’atteindre la cible.

 

Illustration 1: La cape d'invisibilité entoure l'objet central et déroute le rayonnement, de sorte que l’objet reste caché.

 

La réalisation de tels dispositifs, souvent comparés aux capes d’invisibilité telles qu’on les trouve dans la littérature, repose sur l’utilisation de méta-matériaux, dotés de propriétés physiques pouvant atteindre des valeurs bien plus extrêmes que pour les matériaux naturels. Ce sont ces propriétés particulières qui permettent d’envisager de nouvelles possibilités de contrôle des ondes.

 

Illustration 2: Cape d'invisibilité cylindrique constituée d'un assemblage de 80 couches minces, composées de différents matériaux

 

1- Une structuration complexe des revêtements d’invisibilité
Afin de concevoir les propriétés complexes au sein des capes, les travaux de thèses ont mis en évidence une manière de structurer par empilement successif d’un grand nombre de couches. Chacune de ces couches est composée d’un matériau ou d’un méta-matériau qui à lui seul ne permettraient pas de créer les effets recherchés : c’est le comportement collectif de ces couches dans ce mode de structuration précis qui permet de rendre un objet invisible.

 

2- Une intégration de méta-matériaux micro-structurés
Dans certaines de ces couches, l’utilisation de méta-matériaux composés de petites structures semblables à des circuits imprimés sont nécessaires. Elles permettent d’accélérer la vitesse de propagation des ondes sur leur parcours. Les travaux ont donc abordés la manière dont ces structures doivent être conçues et intégrées dans les revêtements multicouches pour contribuer à l’effet d’invisibilité.

 
3- Des revêtements d’invisibilité qui s’adaptent à la fréquence de l’onde
Généralement, les méta-matériaux sont dispersifs en fréquence, c’est à dire que la vitesse de propagation de l'onde dépend de la fréquence de cette onde. Les dispositifs d’invisibilité utilisant des méta-matériaux sont donc malheureusement limités à une bande de fréquence très étroite. Durant sa thèse, Geoffroy Klotz a développé une approche alternative de l’optique de transformation, consistant à adapter la cape d’invisibilité à ces changements de comportements observés dans les méta-matériaux. Tel un prisme, le revêtement décompose le rayonnement qui le traverse, provoquant un effet arc-en-ciel.
 

 

Illustration 3: Cape d'invisibilité et effet arc-en-ciel. Cet effet permet de garantir un bon fonctionnement du dispositif sur une large plage de fréquences.

  

Applications et perspectives

Une première application de ces revêtements a été réalisée par simulation sur l’empennage d’un avion(2). Les méta-matériaux conçus avec cette nouvelle méthode ont ainsi permis une réduction importante de la Surface Equivalente Radar. Par ailleurs, un prototype de méta-matériaux est en cours de production pour la réalisation de mesures, il permettra notamment de confronter les travaux de simulation à des résultats expérimentaux. Ces mesures seront réalisées au centre d'expertise technique de la Direction générale de l’armement DGA-Maitrise de l’information3 à Bruz, grâce aux différentes installations de mesures de la SER.

 

1/Commissariat à l’Énergie Atomique et aux Énergies Alternatives

2/ Surface à l’arrière de l’avion qui permet de lui donner de la stabilité.


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