Fin mai, dans les Pyrénées-Atlantiques, 104 militaires du 13e régiment de dragons parachutistes (13eRDP) ont manœuvré pendant dix jours. Cet exercice de restitution a permis à 42 sous-officiers de valider la partie « pratique » de leur brevet (BSAT ou BSTAT).
Il faut nuit. Pas un bruit dans le sous-bois. L’air est frais. Un tapis de feuilles humides frémit, légèrement bercé par la brise. Quelques branches craquent. Au sol, des ornières boueuses ont été formées dans l’après-midi. Les empreintes des randonneurs sont encore visibles. La forêt est à présent déserte. Rien ne bouge, et pourtant ils sont là, quelque part. Tapis dans l’obscurité, dissimulés dans un bosquet, ils observent. Immobiles dans le noir, le visage camouflé, ils sont postés depuis deux jours. Les militaires du 13 sont en exercice. Ils jouent à cette occasion la validation de leur brevet : le brevet de spécialiste de l’armée de Terre (BSAT) pour plusieurs d’entre eux, le brevet supérieur de technicien de l’armée de Terre (BSTAT) pour d’autres. Ces deux diplômes interviennent successivement dans le parcours d’un sous-officier et donnent accès à de plus hautes responsabilités. Au 13, pour chacune de ces qualifications, la formation théorique est bien différenciée par niveau, mais la pratique est mutualisée. C’est cette partie qui est ici évaluée.
La restitution des savoir-faire est organisée par le régiment dans les Pyrénées-Atlantiques, aux environs de Pau. La direction de l’exercice (DIREX) s’est installée dans un bâtiment de l’école des troupes aéroportées (ETAP). Le capitaine Nicolas, responsable d’une partie de la formation, en explique l’objectif : « A l’issue d’une formation longue et sélective faisant appel à des qualités autant intellectuelles que physiques, les stagiaires doivent restituer au cours d’un exercice de synthèse l’ensemble des savoir-faire propres au régiment. Notre cœur de métier, c’est la recherche humaine avec la spécialité aéroportée. Le 13eRDP est le seul régiment à détenir cette capacité, c’est la raison pour laquelle les équipiers sont formés et évalués en interne. Le niveau d’emploi du régiment exige du personnel réactif et compétent. » Le thème tactique est général et fait intervenir différents types d’ennemi. Programmé sur deux semaines, l’exercice est divisé en deux parties. La première est consacrée au ciblage ; c’est une étape de tri et de vérification des informations. « Des “objectifs potentiels”, c'est-à-dire des points considérés comme suspects, sont attribués à chacune des équipes. Insérées à proximité de ces points, elles ont quelques jours pour quadriller les abords, étudier le terrain et noter les habitudes, précise le capitaine Antoine, responsable des stagiaires BSAT. Les informations rapportées doivent permettre de déterminer les objectifs prioritaires et la meilleure façon de les surveiller. » Leur observation dans la durée sera au cœur de la seconde phase de l’exercice.
Surmonter la monotonie
À la DIREX, une carte et un tableau de suivi des positions sont punaisés sur un panneau de contreplaqué. Des coups de marqueurs irréguliers indiquent la progression du scénario et les positions des hommes. Sur le terrain, chaque équipe est constituée de deux cellules. La première, dite « d’observation », se concentre sur la surveillance ; ce sont les capteurs. La seconde, appelée « radio », est chargée d’assurer la liaison avec le PC.
Une équipe se démarque ; elle semble ne pas avoir transmis de compte-rendu depuis plusieurs heures. « Ils doivent rencontrer des problèmes de réseau », estime un examinateur. Depuis la DIREX, le responsable des transmissions envoie un message de vérification. A des kilomètres de là, perchée sur une crête, la cellule « radio » de l’équipe 41 répond. Les hommes se sont déplacés pour repositionner leurs antennes. Dans l’obscurité, appareil de vision nocturne sur les yeux, sans bruit, sans trace, ils ont basculé sur un autre flanc de montagne. Les observateurs de leur équipe, toujours immobiles, sont, quant à eux, restés au même endroit. Á plat ventre dans la mousse, le maréchal des logis-chef Max fixe une bergerie en contrebas. Sa position surplombe la vallée et lui offre une vue panoramique sur l’objectif. Aucun mouvement depuis quatre heures. « La monotonie est dangereuse, surtout quand les hommes sont fatigués, chuchote le sergent-chef Pascal, évaluateur de cette équipe. Mais ici, ils sont tous expérimentés et ils peuvent encore tenir. Ils sont en BSTAT ; ils ont déjà plusieurs années d’entraînement, ça se sent. »
« Creuser des caches et durer »
Dans la vallée voisine, même constat pour le contrôleur de l’équipe 28. « Ils se débrouillent bien, ils savent où se placer et ne font pas de faute de procédure. Cela pourrait changer pendant la seconde phase de l’exercice ». Dans le noir, un tas de feuilles semble acquiescer. C’est le maréchal des logis-chef Pierrick allongé en tenue Ghillie4. « Pour le moment, on est seulement camouflé en surface car on sait qu’on ne va pas rester longtemps et ça nous permet d’être mobiles, confie-t-il. Pendant la seconde phase, il va falloir creuser des caches et durer. C’est physique, c’est rustique, mais c’est notre meilleur gage de sécurité. » Les équipes seront exfiltrées le lendemain et ramenées au PC. De retour à l’ETAP, elles auront une journée pour mettre en commun leurs informations et affiner les objectifs avant de se lancer dans la seconde phase : l’observation dans la durée. Parfois chargés de plus de 50 kg, les hommes rejoindront lentement les positions repérées avant de disparaître sous terre.
Au terme de ces 15 jours d’exercice, tous les militaires évalués auront obtenu leur brevet.
Sources : TIM n°237
Droits : Armée de Terre 2012