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[Travailler avec les alliés] Comment se préparer à un exercice multinational ?

Mise à jour  : 19/04/2013 - Auteur : AB - Direction : DICOD

Chef du centre des opérations amphibie à la 9e brigade d’infanterie de marine (9e BIMa) de Poitiers, le chef de bataillon Thierry Gelas-Dore travaille à la préparation d’exercices multinationaux depuis plus de 2 ans. Corsican Lion, Joint Warrior, Catamaran, Bold Alligator, Emerald Move, Skreo n’ont pas de secret pour lui… Nous avons voulu en savoir plus sur ces exercices, sans éluder certaines idées reçues.

Cellule web > Vous avez participé à la préparation de plusieurs exercices multinationaux, notamment avec les britanniques. Comment cela se passe-t-il ?

Chef de bataillon Gelas-Dore > Pour Joint Warrior, par exemple, il s’agit d’un exercice sous « UK lead » : les Britanniques organisent un exercice pour lequel l’état-major de la 9e brigade d’infanterie de marine (9e BIMa) va fournir un renfort spécifique. Leur but est la certification de leur capacité à déployer une force amphibie d’assez haut niveau. On en profite pour travailler la coopération, comprendre la façon de travailler britannique pour petit à petit s’intégrer dans le dispositif : notre objectif pour 2016 est la création d’une force expéditionnaire conjointe (CJEF). Participer à un tel exercice nécessite de participer à 3 réunions en Grande-Bretagne.

CW > Il faut donc bien parler anglais…

CBA Gelas-Dore > La 1re étape pour préparer ce type de coopération, c’est de cibler les bonnes personnes, de connaître leur potentiel. Comprendre la langue est un minimum, une expérience spécifique des bâtiments britanniques est incontournable. Les unités arrivent toujours à trouver un correspondant aux qualités suffisantes pour comprendre et s’exprimer en anglais. L’usage des courriels facilite les échanges. D’ailleurs les Britanniques sont souvent étonnés de notre capacité à parler leur langue.

CW > Les unités qui y participent subissent un « casting », alors, pour pouvoir embarquer sur un navire britannique ?

CBA Gelas-Dore > Le choix des unités impliquées dans ce type d’exercice est contraint en 1er lieu par leur disponibilité. Il n’y a pas de régiment plus « English friendly » qu’un autre. En fait on peut dire que le niveau en anglais des cadres est correct. Chez les commandants d’unité et les lieutenants, il existe une ressource certaine de bons correspondants, pouvant devenir des contacts privilégiés pour échanger entre Français et Britanniques. Se comprendre est nécessaire, il ne faut pas avoir peur de demander des précisions s’il y a un doute. C’est valable dans les deux sens.

CW > Vous embarquez le 8 avril 2013 sur le HMS Bulwark, navire de la flotte britannique. Appréhendez-vous les repas et la réputation culinaire de vos hôtes ?

CBA Gelas-Dore > Pas du tout ! Ce n’est pas la 1refois que j’embarque sur ce navire et je dois dire que j’ai été surpris par la nourriture britannique qui est très bonne ! Cela étant, il est tout de même vrai que, manœuvres mises à part, le thé est servi à 10h et 16h avec des biscuits, à l’anglaise !

CW > Et que disent les Britanniques de notre « gastronomie » ?

CBA Gelas-Dore > Lors de discussions informelles au cours de Corsican Lion, ce qui revenait en premier c’était les repas. Les Britanniques étaient toujours très contents des menus servis à bord du bâtiment de projection et de commandement (BPC) Mistral et émerveillés de la qualité de la nourriture.

CW > Autre « particularité » outre-Manche, la conduite à gauche… Comment ça se passe sur le terrain, entre Français et Britanniques ?

CBA Gelas-Dore > Concrètement, la question du côté de la conduite ne se pose pas. La brigade commando britannique est équipée de Vikings (équivalent de notre véhicule haute mobilité – VHM). Il est très rarement déployé pour des exercices en France. Donc la plupart du temps, ce sont des séquences à pied qui sont planifiées. Ou alors, nous leur mettons à disposition des véhicules… avec pilote ! Typiquement, le fait d’être motorisés ou pas va compter pour beaucoup dans la participation ou non d’une unité britannique lors de l’exercice Skreo fin mai 2013.

CW > Avons-nous des rythmes de travail bien différents ? Comment faisons-nous pour nous adapter ?

CBA Gelas-Dore > Si les journées sont rythmées différemment, il y a adaptation quasi immédiate, surtout sur un bâtiment. Les différences sont plus remarquables sur les méthodes de travail, la façon de planifier par exemple : nous Français planifions selon la méthode OTAN (comprehensive operations planning directive – COPD), les Britanniques ont leur méthode : « 7 Questions Estimate ». Mais globalement, on arrive à se comprendre !

CW > Depuis que vous travaillez avec les alliés, quel est votre souvenir le plus marquant de différence culturelle ?

CBA Gelas-Dore > Travailler avec les alliés, c’est devenu une réalité et mon quotidien depuis ma dernière affectation chez les US Marines à Camp Lejeune (Caroline du nord) été 2008. Et je dois dire que j’ai vécu un moment assez particulier lors de Corsican Lion en 2012. Nous étions cinq Français à bord du HMS Bulwark pour la partie planification. Lors du transit de Plymouth (Angleterre) en Corse, l’escale à Gibraltar fut une expérience originale pour nous : les Britanniques ont commémoré la victoire de… Trafalgar en même temps que le 348e anniversaire du Royal Marine Corps ! Porte arrière baissée en terrasse au ras de l’eau, 5 Français ont en quelque sorte participé à une victoire… du camp adverse…

CW > Quelles sont les prochains rendez-vous de la coopération avec les alliés ?

CBA Gelas-Dore > C’est une affaire planifiée dans la durée. Nous y prêtons une attention permanente. Tous les ans, les Britanniques déploient des forces pour la mission Cougar, et pendant ce déploiement se tient en exercice commun : c’était Corsican Lion en 2012, en 2013, ce sera Djiboutian Lion en novembre. En 2014, se tiendra l’exercice Catamaran à Fréjus et Canjuers normalement dans le cadre européen de l’initiative amphibie européenne (IAE), suivi de Emerald Move en 2015. On a une vision des exercices amphibies bilatéraux et multinationaux jusqu’en 2016.

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Sources : Ministère des Armées
Droits : Armée de Terre 2013