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« Jedusor » : le « Lorraine » en exercice pour un raid Scalp de haute intensité

Mise à jour  : 09/04/2021 - Auteur : armee de l Air et de l Espace - Direction : DICOD

Les 24 et 25 mars 2021, l’escadron de chasse 3/30 « Lorraine » a vibré au rythme de « Jedusor », troisième édition du genre. Propre au 3/30, cet exercice tactique et pédagogique a vu la montée en puissance de l’ensemble de l’escadron Rafale et de la base aérienne 118 de Mont-de-Marsan. Objectif : délivrer huit Scalp (Système de croisière conventionnel autonome à longue portée) sur un objectif ennemi, en 48 heures.  

                  

Il est 7h57, ce mercredi 24 mars, lorsqu’un message officiel parvient au bureau des directeurs des vols de la base aérienne (BA) 118 de Mont-de-Marsan. Les Aviateurs de l’escadron de chasse 3/30 « Lorraine » ne le savent pas encore, mais leur quotidien s’apprête à être bousculé. Dans 48 heures, les équipages du 3/30 doivent mener un raid aérien pour larguer huit missiles de croisière Scalp sur un objectif ennemi. Une frappe ordonnée par l’état-major des Armées, suite à une attaque aérienne sur les troupes françaises. Nom de code de la mission : Jedusor. Cet entraînement, pensé et organisé par le « Lorraine », en est à sa troisième édition en six mois. Extrêmement réaliste, l’exercice se veut pédagogique. « Notre objectif est de casser la routine, confie le lieutenant-colonel Guillaume, commandant du 3/30. Pilotes, exploitants renseignement, secrétaires… Chacun est concerné par cette montée en puissance qui peut paraître théâtrale mais qui, finalement, correspond à ce que l’on a pu connaître pour Harmattan ou encore Hamilton. »

                   

                    

Première étape, la constitution des équipes. Objectif : répartir au mieux les rôles de chacun afin de mener à bien la mission assignée. À la manœuvre « Milf », chef des opérations de l’escadron, et « Caba », commandant d’escadrille et Mission Commander désigné pour ce raid « Jedusor ». Sous l’œil attentif du commandant d’escadron, ils passent en revue les pilotes disponibles et leurs qualifications. « La composition des équipages se fait assez naturellement, explique « Caba ». Nous répartissons les pilotes en deux patrouilles, les sweepers et les strikers, selon qu’ils soient qualifiés chefs de patrouille, sous-chefs de patrouille, pilotes opérationnels, ou encore à l’utilisation de jumelles à vision nocturne en basse altitude et à la mise en œuvre des Scalp. Pour ce raid, une seule composition était possible ! » L’officier renseignement de l’escadron assiste également à cette entrevue confidentielle. Lui-même aura du pain sur la planche pour recueillir un maximum d’informations sur les capacités ennemies et ainsi faciliter, à l’aide de ses exploitants renseignement, la mission des équipages.

              

                     

9h15, un appel sono résonne dans les locaux flambant neufs de l’escadron de chasse 3/30 « Lorraine ». L’ensemble du personnel est invité à se rendre en salle de briefing. « Nous passons en état d’alerte pendant 48 heures, prévient le lieutenant-colonel Guillaume. Les stores vont être baissés, et l’escadron est désormais fermé. » À l’exception des animateurs de l’exercice, formant la « white cell », personne n’était informé de la tenue de cet entraînement. « Je vous demande de mettre toute votre énergie dans cette mission », lance « Caba ». Chacun sait désormais ce qu’il a à faire. Alors que le personnel administratif se charge du soutien (commande des repas, réservations de véhicules, demande de lits picot, vérification des systèmes d’information et de communications, etc.), les spécialistes du renseignement et les équipages se plongent dans la documentation technique et tactique. Les couloirs fourmillent pour préparer cartes, ordinateurs, imprimantes et classeurs. Derrière les portes, l’heure est à la concentration dans l’ambiance feutrée des différentes salles de l’escadron.

           

                  

12h30, l’élaboration du game plan se met en route. « Caba » mène la préparation tactique de la mission en passant en revue l’objectif, la cible, les menaces et la tactique : Task, Target, Threat, Tactic (tâche, cible, menace, tactique), les 4T chers à tout Mission Commander. Véritable chef d’orchestre, il anime le brainstorming. Les questions fusent entre les pilotes et les officiers renseignement. Conditions météorologiques, capacités et positionnement de défense ennemis, dangers en cas d’éjection… Tous les paramètres sont étudiés afin de pouvoir bénéficier d’une Situation Awareness (SA – conscience de la situation) la plus aboutie possible. « Nous nous lançons dans une analyse macroscopique, en débutant par les éléments qui pourraient nous faire abandonner la mission (showstopper), avant de rentrer petit à petit dans le détail en définissant les what if (NDLR : solutions de secours en cas de changement de dernière minute), explique « Caba ». Mon rôle est alors de coordonner les échanges et d’organiser les différents briefings qui jalonnent cette préparation de mission. » D’un côté, les quatre sweepers, premiers remparts de chasseurs, devront balayer la zone en menant des actions de combat aérien. De l’autre, les quatre strikers, protégés par leurs équipiers, seront chargés de délivrer les huit Scalp sur l’objectif.

               

                      

Pendant ce temps, les membres de la white cell veillent au grain. Un pilote, un officier et deux exploitants renseignement ont concocté en secret le scénario, en se basant sur des données réelles quant à l’ennemi identifié. « Nous avons simulé cette montée en puissance pour entraîner les équipages, tout en impliquant l’ensemble de l’escadron et de la base aérienne 118, confie le capitaine Romain. Sans oublier que pour cette troisième édition, nous avons ajouté une dimension supplémentaire en incluant la chaîne C2 (commandement et conduite). » Équipages E-3F, traitant du Centre national de ciblage (CNC), LEGAD (Legal Advisor : conseiller juridique opérationnel), ou encore Joint Mission Commander (JMC) de l’état-major opérationnel Air sont ainsi partie prenante de « Jedusor » 3. Charge à la white cell de veiller au réalisme de l’exercice, en alimentant le scénario en temps réel, et en jouant le rôle du Centre de planification et de conduite des opérations  (CPCO).

Jour J, les équipages peaufinent les derniers détails. Le mass brief permet à tous les acteurs de se coordonner avant de fouler le tarmac et de mettre en route les huit Rafale. « À 19h, nous nous alignons en bout de piste, raconte « Caba ». Après un ROLEX imposé de dix minutes, nous décollons pour frapper l’objectif. La menace aérienne est bel et bien présente. Les sweepers la prennent en compte pendant que nous, les strikers, évoluons en basse altitude. On entre dans la zone jusqu’à arriver à notre point de décision. À partir de ce moment, nous passons dans un état d’esprit dans lequel on sait que nous allons effectivement tirer nos Scalp. Nous parvenons à larguer six missiles en temps et en heure. Les miens partiront avec quelques minutes de retard accepté. Néanmoins, un avion non classifié s’approche de nous. Il est finalement identifié comme hostile et neutralisé par les sweepers. Le fuel va commencer à manquer et la menace est toujours présente. Nous parvenons à rentrer en ne déplorant aucune perte, contrairement aux Reds avec cinq avions abattus. » Mission accomplie pour le « Lorraine ».

               

                

L’ensemble des trajectoires et des actions des pilotes est passé au peigne fin, permettant à chacun d’en tirer des enseignements. Pour « Caba » en premier lieu. « En tant que Mission Commander, le plus difficile est de guider mes partenaires vers l’objectif, de manière organisée et minutieuse, petit à petit. Déléguer certaines actions à mes coéquipiers m’a permis de tenir ce rôle. En revanche, je me rends compte que ma préparation Scalp n’était peut-être pas assez aboutie, ce qui a engendré un léger retard au niveau de mon tir. » Et d’ajouter : « La gestion de l’avion ennemi non identifié aurait pu également avoir des conséquences dramatiques. Nous aurions pu anticiper ce risque avec le JMC lors de la préparation de la mission. » Un retour d’expérience qui ne déplaira pas au lieutenant-colonel Guillaume, qui, au lancement de l’exercice confiait : « J’attends de mes troupes qu’elles soient au rendez-vous. L’idée ce n’est pas de gagner la guerre, mais d’identifier un maximum de failles, pour gagner en expertise et ainsi être prêt. » Côté soutien, les réflexes obtenus grâces aux éditions précédentes ont porté leurs fruits, avec une réactivité grandissante des services de la BA 118. Dernier atout de « Jedusor », et non des moindres, la cohésion. « Cet esprit de cohésion est bouleversé par la situation sanitaire actuelle, conclut le commandant d’escadron. Pendant 48 heures, le 3/30 se recentre sur lui-même, avec un objectif commun : amener nos équipages à accomplir la mission confiée à l’escadron. » Nul doute que « Jedusor » 4 sera au centre de toutes les attentions.


Sources : armee de l Air et de l Espace
Droits : armee de l Air et de l Espace