Accueil | Actualités | Chroniques | Chronique du Potomac : « Vol 93 » contre « L'armée des 12 singes » Actualités ... Chroniques | Chronique du Potomac : « Vol 93 » contre « L'armée des 12 singes »

Chronique du Potomac : « Vol 93 » contre « L'armée des 12 singes »

Mise à jour  : 12/07/2010 - Auteur : Colonel Jean-Christophe Noël - Direction : IRSEM

La menace terroriste reste au cœur de l’actualité américaine. Des chercheurs invitent toutefois à la vigilance quant à ce qui doit être attribué à Al Quaïda ou aux dérives violentes de la contestation sociale.

19 septembre 2009 : Najibullah Zazi, un jeune chauffeur de bus de Denver (Colorado) d’origine afghane, est arrêté alors qu’il semblait préparer un attentat contre le métro à New York. 5 novembre 2009 : le major Hasan, de l’US Army, tue 13 personnes sur la base de Fort Hood après être entré en relation avec un imam résidant au Yémen. 25 décembre 2009 : Omar Farouk Mutallab échoue dans sa tentative de destruction d’un avion de ligne au-dessus du territoire américain.
 
 Ces trois événements récents ont rappelé de manière brutale aux Américains qu’ils demeuraient toujours sous la menace d’actions terroristes, notamment d’Al Qaïda. Plusieurs think tanks de Washington se sont emparés de cette actualité et ont organisé une série de rencontres avec des experts pour discuter de cette recrudescence des actes terroristes.
 
 Les nombreux intervenants ont paradoxalement insisté sur le fait que Al Qaïda connaissait actuellement de sérieuses difficultés. Ses responsables changent souvent et ont de plus en plus de mal à lever des fonds. Les jeunes recrues sont dans l’incapacité de s’entraîner sérieusement.
 
 Ce déclin relatif de l’organisation terroriste s’explique notamment, selon ces spécialistes, par les différentes mesures prises par les Américains. Soulignant que l’attaque est souvent la meilleure défense, ils ont vanté le succès de la politique d’assassinats ciblés menée par la CIA à l’aide de drones. De nombreux responsables d’Al Qaïda ou du mouvement taliban auraient ainsi quitté leurs refuges traditionnels pour se refugier dans des mégapoles anonymes comme Karachi. Le mollah Omar aurait par exemple fui Quetta à la suite de la publication d’un article du Washington Post qui précisait que les drones allaient multiplier leurs orbites au-dessus de la ville.
 
 Tous les observateurs se félicitent par ailleurs de la coopération des autorités pakistanaises dans la lutte contre les réseaux terroristes, ce qui change radicalement la donne. Al Qaïda comme les Talibans sont pris à revers et doivent combattre sur deux fronts.
 
 Les experts insistent enfin sur le fait qu’Al Qaïda a commis des erreurs, en négligeant parfois la sensibilité de l’opinion publique musulmane. Les attentats suicides ont frappé bien souvent aveuglement et tué des innocents, provoquant la colère de nombreux musulmans modérés. Les actions d’Al-Zarkawi en Irak entre 2004 et 2006 et les réactions qu’elles ont suscitées sont de ce point de vue emblématiques.
 
 La guerre contre Al Qaïda serait-elle donc sur le point d’être gagnée ?
 
 Une majorité d'experts pensent que ce serait une grave erreur de le croire. L’organisation terroriste continue d’abord de regrouper sous sa franchise de nombreuses organisations qui sont assurément moins capables et moins disciplinées qu’auparavant, mais qui se montrent aussi moins prédictibles et moins compréhensibles. Autrement dit, le danger existe toujours, même s’il change de forme.
 
 En outre, Ben Laden n’a pas été capturé et il est difficile de crier victoire alors que le chef militaire adverse reste toujours libre de ses mouvements. Ben Laden reste une icône et demeure aux yeux de nombreux musulmans un « Robin des Bois » moderne, résistant à la nouvelle croisade lancée par les Occidentaux.
 
 Surtout, les spécialistes américains s’inquiètent d’une nouvelle tendance. Quelques jeunes musulmans de nationalité américaine ont ainsi été arrêtés alors qu’ils semblaient être prêts à aller combattre en Somalie ou en Afghanistan avec des milices islamiques.
 
 Les commentaires les plus originaux sur cette affaire ont été ceux de Marc Sageman, bien connu pour avoir publié une des premières études scientifiques sur les réseaux d’Al Qaïda. Il a suggéré d’être très vigilant sur ce qui pouvait être attribué à Al Qaïda et sur ce qui était plutôt du domaine du fait divers ou du fait social. Le fameux Major Hasan a par exemple envoyé seize courriels au fameux imam Al-Awlaki et n’a obtenu… que deux réponses !!! Sageman estime que le cas d’Hasan ne doit pas être simplement abordé comme celui d’un apprenti terroriste, mais qu’il doit être aussi analysé comme celui d’un « banal » meurtrier de masse. Il compare également ce qui se passe actuellement dans certaines communautés musulmanes aux mouvements de révolte des minorités américaines dans les années soixante et soixante dix. Une contre-culture se développe actuellement, autorisée par le système démocratique. Un très faible nombre d’activistes sont cependant déçus, estiment que rien ne change, et ont tendance à abandonner l’action légale pour privilégier la violence.
 
 Finalement, la crainte de quelques experts est plutôt celui d’un attentat bactériologique, qui pourrait tuer des millions d’hommes. Ils abandonnent momentanément la piste d’Al Qaïda pour citer quelques sites extrémistes sur Internet qui s’inspirent vaguement de l’hypothèse Gaïa. Ces sites expliquent qu’il est indispensable de réduire massivement et brutalement la surpopulation humaine si l’on ne veut pas détruire définitivement la Terre. Nul besoin d’être un spécialiste en terrorisme pour deviner quel mode d’action serait privilégié si ces esprits illuminés décidaient de passer à l’acte.


Sources : Ministère des Armées