Dans chaque bataille, la logistique tient une place centrale. Verdun n’a pas fait exception à cette règle intemporelle. Acheminer les unités, les munitions et les vivres sur le champ de bataille, nourrir près de deux millions de soldats chaque jour, trouver de l’eau potable, évacuer les blessés et les prendre en charge immédiatement. Chaque action logistique est vitale pour défendre les lignes françaises.
Cette semaine, découvrez la logistique mise en place pour permettre aux poilus de survivre au front.
« Sans aucun ravitaillement depuis deux jours, rien de chaud au corps, je suis privé d’eau pour ma bouche, non guérie d’une ancienne blessure et qui s’infecte. La dysenterie me prend et il faut avoir vécu des jours entiers, assis ou debout dans un trou humide au milieu d’odeurs épouvantables, pour savoir ce qu’est la vie d’un soldat perdu entre les lignes de Verdun. » Témoignage du caporal-mitrailleur Blaise du 26 régiment d’infanterie, mars 1916.
Aux premières lignes du front de Verdun, nous ne pouvons pas parler de conditions de vie des poilus, mais de survie. « Ils se battaient dans des conditions inimaginables aujourd’hui », souligne le lieutenant-colonel Rémy Porte, historien, spécialiste de la Première Guerre mondiale. Manger et boire, avoir un peu de réconfort, tout faire pour garder le moral et la force de défendre Verdun. Seule une logistique bien rodée au service du poilu peut leur venir en aide, dans leur quotidien souvent inhumain.
Premier point, décisif dans la victoire française à Verdun, le roulement des unités sur la ligne de front. Principe français de la noria, le roulement des sections permet aux soldats de garder un peu le moral et de se dire qu’ils doivent tenir de 4 à 6 jours en première ligne, avant d’être positionnés un peu plus à l’arrière. Alors que les forces allemandes ne sont jamais relevées, les unités françaises se succèdent sur le champ de bataille. Les voies de communication permettent ce roulement continu. Près de 13 000 soldats passent quotidiennement par la Voie sacrée. Dans les camions étaient également transportées les tonnes d’eau et de vivre, indispensables à la survie des hommes.
« L’un des gros problèmes sanitaires à Verdun est le manque d’eau potable, explique le lieutenant-colonel Rémy Porte. Certes, les soldats ont bien souvent les pieds dans la boue, mais les flaques d’eau qui remplissent les trous des obus sont polluées, notamment par les cadavres en décomposition. Pour faire face à ce problème et éviter toute pénurie, des forages sont réalisés à l’arrière puis l’eau est transportée sur le front dans des tonneaux. » La nourriture est également un problème quotidien pour le combattant en première ligne. L’homme-soupe remonte à pied par les boyaux de communication, parfois plusieurs kilomètres, pour amener sur le front la ration aux soldats. « Pour certains poilus, l’homme-soupe était la personne la plus importante durant la bataille, ajoute le lieutenant-colonel Rémy Porte. S’il est blessé ou tué au cours de sa route, l’unité au front doit attendre parfois 24 heures pour un nouveau ravitaillement. » A l’arrière du front, les cuisines roulantes servent à préparer les repas qui, une fois dans les mains du soldat de première ligne, est froid depuis longtemps. Cependant, insiste le lieutenant-colonel Rémy Porte : « Pour la nourriture, il faut bien prendre en compte que l’objectif de nourrir deux millions d’hommes par jour était globalement bien réalisé. En dehors de très dures conditions de vie en première ligne, le poilu était nourri convenablement. »
Les colis des familles font également parti du ravitaillement. Récupérés par leur destinataire à l’arrière des lignes, ils contiennent souvent de la nourriture, mise de côté par le poilu pour quand il sera au front. Ces colis, des familles mais également des associations caritatives, sont essentiels au moral des soldats. Parfois l’homme-soupe amène, en plus de la pitance, des lettres à ses camarades situés en première ligne. Pour l’habillement, tous les hommes qui reviennent des tranchés passent par le centre de « ré-habillement » en zone arrière. Ils y sont déshabillés puis complètement rééquipés.
Sans logistique, aucun soutien au soldat n’aurait pu être assuré. Et sans ce soutien, réel bien que souvent rudimentaire face aux atrocités vécues quotidiennement, la bataille de Verdun aurait sans nul doute évoluée différemment.
Sources : Ministère des Armées