Comment revenir indemne d’un enfer sur terre ? Aucun chiffre, aucune considération, des traitements répressifs et une mise à l’écart automatique, les blessés psychiques de la bataille de Verdun ont souffert au plus profond de leur être. Cependant, les grandes batailles de la Première Guerre mondiale marquent le tout début de la reconnaissance d’un syndrome tristement célèbre aujourd’hui : l’état de stress post-traumatique.
« Huit jours sans boire et presque sans manger, huit jours à vivre au milieu d'un charnier humain, couchant au milieu des cadavres, marchant sur nos camarades tombés la veille. Par quel miracle suis-je sorti de cet enfer, je me demande encore bien des fois s'il est vrai que je suis encore vivant », écrivait Gaston Biron à sa mère, le 25 mars 1916. Toujours en vie mais blessé au plus profond de leur être, un grand nombre de poilus ne sont pas ressortis indemnes de la boucherie de Verdun. Méconnus, délaissés puis oubliés, les blessés psychiques n’ont pu que trop rarement bénéficier de soins psychiatriques adaptés à leurs pathologies encore incomprises à l’époque. Pourtant de nombreuses avancées en psychiatrie ont vu le jour durant la Première Guerre mondiale. En 1916, une commission de neurologie distingue la névrose traumatique, le trouble hystérique et les simulations.
« Nous sommes montés mille deux cents et nous sommes redescendus trois cents ; pourquoi suis-je de ces trois cents qui ont eu la chance de s'en tirer, je n'en sais rien, pourtant j'aurais dû être tué cent fois, et à chaque minute, pendant ces huit longs jours, j'ai cru ma dernière heure arrivée. » Gaston Biron, 25 mars 1916.
Selon le médecin général Louis Crocq, psychiatre, docteur en psychologie et spécialiste des névroses de guerre, plusieurs types de pathologie ont marqué l’histoire de la psychiatrie durant la Première Guerre mondiale. Avec l’hypnose des batailles, les soldats rescapés des combats errent hébétés sur les routes, revoyant sans arrêt devant les yeux l’hallucination cinématographique de la bataille. L’avènement de l’artillerie provoque le shell shock, ou le « vent du boulet » : excès de stress et de peur dus aux bombardements incessants. Parfois un soldat soufflé par un blast (effet de souffle) est retrouvé plié en deux avec l’incapacité de se relever, totalement paralysé alors même que l’examen clinique ne montre aucune lésion physique. Les troubles hystériques, souvent associés à de la simulation, peuvent toucher un soldat durant plusieurs mois. Les méthodes répressives comme la faradisation (qui consiste à infliger au patient une brève décharge électrique pour lui donner un choc, censé améliorer son état mental) sont utilisées par les médecins, qui s’acharnent pour renvoyer les soldats au front. Ces derniers préfèrent alors se déclarer guéri pour échapper à cette douleur physique. Cependant, ces méthodes sont peu à peu mises de côté au profit de la psychanalyse, de l’hypnose et surtout de la psychiatrie de « l’Avant ». Cette technique, héritée de la guerre russo-japonaise de 1904-1905, permet de traiter immédiatement les blessés psychiques, à proximité du front, par des psychiatres déployés au plus près des lignes de combat.
« Nous avons beaucoup souffert et personne ne pourra jamais savoir par quelles transes et quelles souffrances horribles nous avons passé. » Gaston Biron, 25 mars 1916.
Mis à l’écart pour éviter toute contagion, soupçonnés de simuler pour ne pas retourner sur le front puis, après la guerre, pour obtenir une pension, les victimes de psychonévrose de guerre n’ont pas été reconnues et aucun chiffre ne permet de savoir combien ils étaient. Aucun chiffre, car beaucoup sont morts pendant la guerre. Certains fusillés, accusés de désertion, car ils erraient sur le champ de bataille en pleine crise. A la fin de la guerre, les symptômes de l’hystérie disparaissent mais les cauchemars sont quotidiens. Les poilus se referment sur eux-mêmes et ne parlent surtout pas à leur famille de ce qu’ils ont vécu pendant la guerre, pendant la boucherie de Verdun.
Il faudra attendre 1980 pour que le concept d’état de stress post-traumatique (ESPT) apparaisse officiellement dans les classifications internationales. Et le décret du 10 janvier 1992, pour les ESPT liées à un fait de service ouvrent droit à réparation.
Sources : Ministère des Armées