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[Spécial Verdun 2016] Le rôle des femmes dans l’industrie de la Grande Guerre

Mise à jour  : 10/03/2016 - Auteur : Domenico Morano - Direction : DICoD

Factrices, conductrices de tramways, « munitionnettes », ouvrières, guichetières, employées de bureau, laboureuses, gardes-champêtres… Autant de professions qui se sont ouvertes aux femmes durant la Grande Guerre, leur offrant ainsi une participation active à l’industrie de guerre. Focus sur cette période souvent perçue comme celle de la libéralisation des droits de la femme.

« Debout, femmes françaises, jeunes enfants, filles et fils de la patrie, déclare René Viviani le 7 août 1914. Remplacez sur le champ de travail ceux qui sont sur le champ de bataille. Préparez-vous à leur montrer, demain, la terre cultivée, les récoltes rentrées, les champs ensemencés. » C’est sur ces paroles que le président du Conseil exhorte les femmes de France à remplacer les hommes partis au front.

En effet, comment pallier la pénurie de main-d’œuvre entraînée par la mobilisation générale ? Et comment ralentir, voire inverser la chute du pouvoir d’achat des ménages due à l’absence de salaire du conjoint affecté au front ? En légalisant le travail féminin.

L’allocation pour les femmes de mobilisés – 1,25 francs par jour – ne suffit pas à nourrir une famille. Le prix des denrées premières, du fait de leur raréfaction, hausse démesurément. Par conséquent, nombreuses sont les femmes à se présenter à des emplois jusqu’alors réservés aux hommes. Elles deviennent guichetières de banque, employées de bureau, conductrices de tramways, facteurs, etc. Les femmes de paysans remplacent leurs maris dans les champs. Mais ce travail étant harassant, certaines préfèrent l’exode rural et rejoignent alors les ateliers d’usines. Là, elles effectuent des tâches répétitives et aliénantes lors de journée éreintantes allant de 10 à 14 heures de travail : la réflexion tayloriste a aussi fait son chemin en France. Les usines Renault de Billancourt voient décupler le pourcentage de femmes au sein du personnel, passant alors de 3,8% en janvier 1914 à 31,6% au printemps 1918, alors que les effectifs totaux de l’usine n’ont, quant à eux, que quadruplé (4 970 employés début 1914 contre 21 400 au printemps 1918). Plus largement, dans le secteur de la métallurgie, la part du personnel féminin passe de 5% avant 1914 à 25% en 1918.

Une « munitionnette » porte 35 tonnes d’obus par jour

Celles affectées aux usines d’armement sont appelées « munitionnettes ». Une journaliste, Marcelle Capy, s’immerge anonymement dans l’une de ces usines. Son témoignage, paru dans l’hebdomadaire La Voix des Femmes entre novembre 1917 et janvier 1918, est sans appel : « Chaque obus pèse sept kilos. En temps de production normale, 2 500 obus passent en 11 heures entre ses mains. Comme [l’ouvrière] doit soulever deux fois chaque engin, elle soupèse en un jour 35 000 kg. […] Je la regarde avec stupeur et ces mots résonnent dans ma tête : 35 000 kg ».

La propagande officielle valorise la présence des femmes dans l’industrie ou à des postes jusqu’alors exclusivement masculins comme une participation à l’effort de guerre. Toutefois, les munitionnettes ne représentent qu’un quart environ des ouvriers d’usines en 1918.

Par ailleurs, si un baccalauréat féminin est effectivement créé en 1919 et que les comptes bancaires sont désormais accessibles aux femmes, le projet Dussausoy, qui proposait que les femmes accèdent à l’électorat et à l’éligibilité au niveau municipal, a été rejeté après-guerre par le Sénat. De même, si la loi du 3 juin 1915 transfère l’autorité paternelle à la femme d’un soldat mobilisé, cet état de fait ne vaut que pour la durée du conflit. En effet, en 1918, le retour des hommes signent la fin de la libéralisation temporaire des droits de la femme. Hormis les veuves de guerre, la plupart regagnent leurs pénates.

C’est pourquoi cette période acte surtout une redéfinition moins genrée des rôles de l’homme et de la femme au sein de la société et de la famille, ainsi que l’ouverture de certains secteurs à la main-d’œuvre féminine, mais en aucun cas une entrée des femmes dans le monde du travail. Avant le début de la guerre, sur 20 millions de Françaises, 8 millions travaillaient déjà.

La peur de la confusion des genres – sujet d’actualité s’il en est – mais surtout la peur du déclassement social et familial des hommes du fait de la relative émancipation de leurs compagnes donnent naissance à une littérature misogyne et antiféministe florissante. Pierre Drieu La Rochelle, Maurice Barrès ou Louis-Ferdinand Céline, pour ne citer qu’eux, en sont un bel exemple. Bien qu’ils aient été des monuments de la littérature française, les représentations féminines présentes dans Gilles (1939), dans Le Feu Follet (1931) ou encore dans le Voyage au bout de la nuit (1932) ne sont pas des plus reluisantes.

Il faudra attendre 1944 non pas pour que meure cette littérature antiféministe mais pour que les femmes accèdent à une citoyenneté complète, après avoir servi sous les drapeaux alors qu’elles ne possédaient toujours pas l’ensemble des droits civiques du citoyen français.

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Sources : Ministère des Armées