Accueil | Actualités | Articles | [Culture] « Coeurs tranchées » au festival d'Avignon Actualités ... Articles | [Culture] « Coeurs tranchées » au festival d'Avignon

[Culture] « Coeurs tranchées » au festival d'Avignon

Mise à jour  : 05/07/2018 - Auteur : Camille Brunier - Direction : DICoD

En 1914, deux jeunes amoureux, Mina Fischer, infirmière à Paris, et René Tronquoy, lieutenant au 67e régiment d'infanterie, sont séparés par la mobilisation. Ils entretiennent une relation épistolaire, jusqu'en 1915, date à laquelle René est porté disparu. Cette histoire vraie retrouve vie, près de 100 ans plus tard, grâce au spectacle « Cœur tranchées », mis en scène par la comédienne Blandine Baudrillart, petite-fille de Mina, et François Patissier, comédien et chanteur. Le duo jouera cette pièce sur les planches du théâtre Atelier Florentin, en juillet, au Festival d'Avignon. Une pièce soutenue par le ministère des Armées. Entretien.

« Cœur tranchées », de qui ce spectacle raconte-t-il l'histoire ?

Blandine Baudrillart : « Cœur tranchées raconte l'histoire d'un amour naissant brisé par la Grande Guerre, celui de Louis-Mina Fischer et de son cousin éloigné, René Tronquoy. En août 1914, la mobilisation les sépare. Lui est envoyé sur le front, elle devient infirmière à Paris. Pendant près d'une année, jusqu'à ce que René soit porté disparu en 1915, ils vont s'écrire. Mina est une jeune femme atypique, elle lui raconte la vie de l'arrière et son désir fort de lutter pour la liberté de la France. Elle sera même à l'initiative d'une pétition, adressée au ministre de la Guerre, défendant la participation des femmes à l'effort de guerre. René, de son côté, est moins bavard sur son quotidien, sur la vie dans les tranchées, il en minimise l'horreur et la dureté. »

Cette histoire est vraie, c’est l’histoire de votre famille, Blandine : Mina est votre grand-mère.

BB : « Oui, je suis la petite-fille de Mina Fischer. Ce spectacle-lecture que nous jouons, François et moi, a été conçu à partir de son échange épistolaire avec René Tronquoy. De fait, le souvenir de la Grande Guerre était très présent dans ma famille. Ma grand-mère nous chantait souvent des mélodies d'époque. Toutes les Pentecôtes aussi, nous nous rendions aux Éparges, en Lorraine. Mina y a fait édifier une œuvre en 1925, sculptée de ses propres mains, en souvenir de René et de tous "ceux qui n'ont pas de tombe", c'est-à-dire les 10 000 combattants français et allemands disparus pendant la guerre des mines. Ma grand-mère n'a appris avec certitude la mort de René qu'en 1935. »

FP : « En 1999, en fait, nous avions eu l'envie de faire quelque chose avec Paroles de poilus. Lettres et carnets du Front 1914-1918, mais les droits avaient déjà été achetés par Radio France. Blandine nous a alors suggéré une idée : mettre en scène les lettres que s'était échangé sa grand-mère et son bien-aimé durant la Première guerre mondiale. Toute l’équipe a été immédiatement partante. »

Outre l'histoire d'amour naissante entre Mina et René, « Cœur tranchées » raconte aussi la Grande Guerre à travers les yeux d'un caporal, Louis Barthas, qui a lui aussi bel et bien existé.

François Patissier : « Oui, la lecture des lettres de Mina et de René est entrecoupée d'extraits de l'ouvrage Les carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier 1914-1918. Nous nous étions rendus compte, à l'écriture de la pièce, qu'il n'y avait pas beaucoup d'informations sur la guerre elle-même dans les échanges de Mina et de son bien-aimé, c'est pourquoi nous avons souhaité rajouter ce troisième personnage. Louis Barthas était artisan tonnelier dans son village de l'Aude, Peyriac-Minervois, avant d'être mobilisé en 1914 au 280e d'infanterie, basé à Narbonne. Il sera caporal toute la guerre et en réchappera. Une fois rentré chez lui, il recopiera ses notes prises tout au long du conflit et rédigera son propre journal de guerre, sur 19 cahiers d'écolier. »

BB : « Leur lecture donne une consistance historique au spectacle. Ils viennent aussi rétablir un peu l'équilibre, ma grand-mère Mina était une fervente patriote, enthousiaste et exaltée. Louis Barthas est plus critique et plus lucide, il dénonce l’horreur de la guerre. »

« Cœur tranchées », ce n'est pas que des lectures. Des chants viennent les agrémenter.

FP : « Oui, le spectacle est ponctué par des chansons et mélodies d'époque, populaires et lyriques... Mais je les chante toujours simplement, sans lyrisme ! La roulante, Les chemins de l'amour... Elles viennent donner un peu de légèreté et d'humour au spectacle. Ces chansons sont des témoignages d'époque : elles ont été une soupape pour les Poilus et l'arrière, l'occasion de rares moments de répits. Nous les avons aussi pensées comme ça, dans l'écriture et la mise en scène du spectacle. »

BB : « Ces mélodies populaires et lyriques chantées par François habillent les lettres de Mina et René. Le spectacle repose sur des lectures, beaucoup de textes. Les chansons sont comme des respirations pour le spectateur, confronté à une histoire tragique... »

Voilà près de 20 ans que vous racontez cette histoire, est-ce toujours la même émotion ?

BB : « On ne se lasse pas. Je suis toujours émue pour ma part de jouer Mina et chaque fois, je découvre et redécouvre ses lettres, des subtilités... C'était un sacré bout de femme, ma grand-mère. »

FP : « Chaque représentation est différente. Je pourrais vous raconter des milliers d'anecdotes ! Comme celle de cet officier, sûrement un colonel, venu nous féliciter, après notre représentation à Péronne, pour l'originalité de la pièce et son équilibre : "ni trop patriotique, ni trop antimilitariste" !

Cette année de centenaire de la Grande Guerre a-t-elle une résonance particulière pour vous ?

BB : « Nous ne pouvions pas rater le centenaire de la Grande Guerre, nous avions envie de remonter sur scène et raconter à nouveau l'histoire de Mina et René, et de Louis Barthas. »

FP : « C'est un moyen pour nous de participer à sa commémoration. La Grande Guerre est aujourd'hui passée dans une autre dimension, il n'y a plus aucun Poilu. Nous, comédiens, pouvons être utiles et participer à son souvenir. »

Le spectacle a d'ailleurs reçu le soutien du ministère des Armées.

BB : « Oui, le spectacle bénéficie d'une subvention du ministère des Armées, par le biais de la Direction des patrimoines, de la mémoire et des archives (DPMA), pour le Festival d'Avignon. Tout ça a un coût important : l'inscription au festival, les droits d'adaptation, d'auteur, musicaux, la location du théâtre, les salaires... Cette aide est importante pour nous. Le spectacle avait déjà fait l'objet, dans sa seconde version, d'un soutien de la part de l'Office national des anciens combattants et vétérans de guerre (ONACVG). L'Établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense (ECPAD), nous avait de son côté réalisé un superbe tirage de photos d'archives de la Grande Guerre. »

En quelques mots, pourquoi est-ce qu'il faut aller voir "Cœur tranchées" ?

FP : « Il faut aller voir ce spectacle parce que c'est important de ne pas oublier, parce qu’il permet d'avoir à la fois un récit historique de la guerre 14-18 et une histoire d'amour, sans tomber dans le drame. Il mérite d'être vu, pour son émotion, son humour, mais aussi par devoir de mémoire. »

BB : « Et parce que c'est une histoire vraie. »

En savoir plus

« Cœur tranchées », spectacle tout public

Du 6 juillet au 29 juillet 2018, tous les jours à 10H, sauf le jeudi

NOM
  • Actuellement 5 sur 5 étoiles.
  • 1
  • 2
  • 3
  • 4
  • 5
Évaluation : 4.8 / 5 ( 4 vote(s) )

Merci d'avoir évalué

Vous avez déjà voté sur cette page, vous ne pouvez pas à nouveau voté!

Votre évaluation a été changé, merci de votre évaluation!


Sources : Ministère des Armées