Le militaire est-il un justiciable comme un autre ? Pour une faute commise dans l’exercice de ses fonctions, comment sera-t-il jugé ? Notre rédaction s’est rendue au tribunal correctionnel de Paris pour vous faire vivre une audience militaire. Compte-rendu.
Chambre 10.2 du tribunal correctionnel de Paris. Le prévenu et la victime se rendent à la barre, assistés d’un avocat. Le président rappelle les faits : N’Djaména (Tchad), avril 2018. Un groupe de militaires poursuit une soirée déjà bien arrosée dans une chambre - en violation de la consigne leur interdisant de consommer de l’alcool après la fermeture du bar du régiment. Les esprits s’échauffent et une discussion tourne au vinaigre. Le motif de la discorde : l’avancement rapide d’un sergent-chef. Le prévenu est accusé d’avoir jeté une pierre en direction du crâne de son subordonné. Il reconnaît la « prise de tête », la consommation excessive d’alcool et les infractions qui lui sont imputées, mais ensuite « c’est le trou noir. Je n’explique pas mon acte, je ne bois jamais d’alcool. Je m’excuse, j’y pense chaque jour », murmure-t-il. « Ce geste n’apparaît pas très courageux de la part d’un militaire et encore moins venant d’un supérieur hiérarchique », souligne le magistrat. « Vous trouvez que dix bières et un fond de whisky ce n’est rien ? Vous connaissez le règlement en opération extérieure (OPEX), c’est maximum deux bières. Comment vous expliquez cette consommation ? », renchérit le procureur. L’avocat du plaignant pointe la violence du comportement et l’incompréhension de son client à être agressé par un supérieur. Prostré, le prévenu écoute les réquisitions du ministère public. Les bras croisés, yeux fixés vers le sol, aux bords des larmes. L’avocat de la défense plaide que son client est un professionnel passionné, ayant le sens de la hiérarchie et des responsabilités. Jamais sanctionné au cours de sa carrière, il s’est toujours comporté comme un soldat exemplaire. « Il pèse sur lui une faute plus grave que sa faute disciplinaire, celle d’avoir failli à sa règle de vie à 44 ans », argumente-t-il. Après la suspension de l’audience, la sentence tombe : le militaire est jugé coupable des faits qui lui sont reprochés. « Quatre mois d’emprisonnement assorti d’un sursis simple. C’est un avertissement », alerte le président.
Parmi les affaires traitées ce 12 juin, une majorité de cas de violences et une désertion. Le tribunal correctionnel de Paris traite des infractions commises par des militaires à l’occasion de leur service, sur le territoire national et en OPEX. Son ressort est vaste puisqu’il reçoit les affaires du ressort des cours d’appel de la capitale, mais aussi de Versailles, Orléans, Bourges et des juridictions de premier degré d’Outre-mer (à l’exception de la zone Antilles)... A un large champ d’action, s’ajoute une variété des dossiers : infractions purement militaires en lien avec le respect du Code de la justice militaire ou infractions de droit commun. A Paris, les audiences militaires se déroulent une à deux fois par mois.
Sources : Ministère des Armées