À l’occasion du 75e anniversaire de la libération de Paris, Jean Pietri a accepté de replonger dans ses souvenirs pour nous livrer son histoire, celle d’un adolescent qui s’est porté volontaire pour entrer dans les Forces françaises libres (FFL), et plus particulièrement dans la 2e division blindée (DB).
D’une voix assurée malgré ses 95 ans, Jean Pietri se remémore, comme si c’était hier, sa décision de s’engager.
Il a 18 ans lorsqu’il décide de quitter Alger avec son ami d’enfance, Serge Coche. C’est de nuit qu’il partira rejoindre les FFL, avec la complicité de sa sœur, sans même prévenir ses parents de son choix.
Pendant plusieurs semaines, les deux amis vont devenir des frères d’armes, arpentant l’Afrique du Nord de Constantine (Algérie) à la Tripolitaine (Libye) où ils seront affectés au 4e escadron du 1er régiment de marche des spahis marocains (RMSM), le 15 mai 1943.
Quelques mois plus tard, Jean repart vers l’ouest en direction d’Alger, occasion pour lui de revoir son père : « Mes parents sont venus m’embrasser. Je crois que mon père m’a pardonné à ce moment. » Près de quatre-vingts ans plus tard, l’émotion est toujours présente à l’évocation de ce souvenir.
Au port de Hull (Angleterre), Jean et Serge apprennent qu’ils vont participer au débarquement de Normandie.
À la reconquête de la France
Le 3 août 1944, Jean Pietri débarque à Grandcamp-Maisy, non loin d’Utah Beach, au volant d’une jeep. Son unité passe au travers des mines et des barbelés et s’enfonce dans le Cotentin à la reconquête de la France.
Le 11 août au petit matin, dans le nord de la Sarthe au carrefour de La Hutte a lieu le premier affrontement réel de l’escadron. De ce premier contact avec le feu, Jean se souvient encore très bien. Il verra six de ses camarades mourir sous les balles allemandes, dont son chef de peloton, le lieutenant Claude de Follin de Laguiche.
Jean se souvient qu’ils étaient tous impatients d’arriver dans la capitale. Toutefois, une question trottait dans tous les esprits : « Allons-nous y parvenir ? » Puis, après Rambouillet, ce fut « une promenade de santé jusqu’à Paris. Nous n’avons pratiquement pas tiré un coup de fusil jusqu’à la porte de Saint-Cloud », s’étonne-t-il encore aujourd’hui.
Toujours accompagné de son ami Serge Coche, ils vont stationner à Longchamp pendant une dizaine de jours. Depuis cette base ils vont vider Paris des dernières poches de résistance allemande. La présence de l’escadron à proximité de Paris redynamise les Parisiens et Parisiennes, heureux de rencontrer leurs libérateurs. C’est à l’hippodrome que Jean fait connaissance avec celle qui deviendra son épouse.
Libérateur de Paris
Le 26 août 1944, ils remontent la Seine jusqu’à la place de l’Étoile et suivent le général de Gaulle. « C’était irréel, jamais je n’aurais pensé revenir à Paris dans ces conditions-là. » Une liesse avait envahi les rues parisiennes. « On n’avait pas les mitraillettes à la main, on vivait un grand jour. »
Pour Jean, ce ne sont pas eux qui ont délivré Paris, « ce sont les Parisiens les vrais libérateurs, ceux qui ont orchestré la gronde et la résistance. »
Paris libéré, l’escadron reprend la route vers l’est. Peu de combats, « nous ramassons plutôt les Allemands et les faisons prisonniers ».
Lui s’arrête après Strasbourg et part en permission en Corse. C’est là qu’il apprend la fin de la guerre. Plus tard, il retrouve son ami Serge Coche à Fontainebleau. Il sera démobilisé le 11 août 1945.
Jean estime avoir eu de la chance dans l’épopée qu’il a vécue. Il n’a eu « que des bons copains »,il ne s’est pas « fait trouer la paillasse » et il a acquis « une préparation à la vie pendant la guerre ». Il a « le sentiment d’avoir fait le boulot pour faire sortir les Allemands, mais pas d’être un héros. Les héros, ce sont ceux qui sont morts. »