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[Témoignage] La vie à Paris lors de la libération

Mise à jour  : 28/08/2019 - Auteur : Alix Watin-Augouard - Direction : DICoD

Gladys Thibaud avait dix-sept ans lors de la libération de Paris, le 25 août 1944. Soixante-quinze ans plus tard, elle relate ses souvenirs, encore vifs bien que souvent douloureux, de cet épisode de l’histoire de la capitale.

Quel était votre quotidien sous l’occupation allemande ?

On voyait souvent notre dernière heure arriver. Dès qu’on entendait la sirène, on se précipitait dans le métro à la gare du Nord pour se mettre à l’abri. Avec mes parents et mon frère, on ne se déshabillait même plus la nuit pour ne pas perdre une seule seconde. Mon père voulait nous libérer de cette peur, et nous donnions des concerts de musique classique en banlieue. Les gens étaient heureux d’avoir cette échappée, même pendant seulement quelques heures. Nous avons exercé cette activité durant deux ans. À côté de ça, nous allions en cours avec nos masques à gaz en bandoulière. Les exercices effectués pour les tester nous donnaient la trouille. Quant à la vie quotidienne, tout était rationné. On prenait un bain par mois et nous étions tous les quatre dans la baignoire. Nous n’avions pas de chauffage, l’électricité sautait quotidiennement. Malgré toutes ces restrictions, nous, les femmes, nous voulions nous en sortir avec élégance. À défaut d’avoir suffisamment de coupons de tissu, nous prenions des foulards pour nous coudre des jupes. C’était une période de débrouillardise. Il y avait une vraie solidarité entre les voisins.

Lorsque je ferme les yeux, je peux encore entendre les bruits des bottes allemandes frapper le sol pendant leur ronde nocturne. Nous étions constamment surveillés, ils nous faisaient très bien ressentir qu’ils étaient victorieux. Cependant, malgré cette oppression constante, nous voulions vivre.

Comment avez-vous vécu la libération de Paris, le 25 août 1944 ?

Dans le nord de Paris, nous avons été les derniers à être libérés. Nous ne savions rien, et surtout pas que la 2e Division blindée (2e DB) allait arriver. J’ai commencé à comprendre quelques jours avant la libération de Paris que les choses bougeaient. Un homme a crié en bas de ma fenêtre : « C’est la libération, on va être libérés ! » Cela me paraissait surréaliste alors que deux jours avant un homme des Forces françaises de l'intérieur avait été abattu sur la place Magenta et que nous avions dû laisser son cadavre pourrir. Lorsque nous avons vu un nombre incalculable de camions allemands fuir vers le nord, c’est là que nous avons compris que nous allions être libérés. Nous sommes partis avec ma famille rue de Tilsitt, non loin des Champs-Élysées, pour célébrer cette délivrance. Des Allemands tiraient encore dans la foule depuis les toits. Nous avons dû nous réfugier dans un immeuble. Malgré cela, les gens étaient fous de bonheur, mais je me souviens que je ne l’étais pas totalement. Je n’arrivais pas à oublier tous ceux qui étaient morts lors de cette guerre qui n’était même pas encore finie. Pourtant, je n’ai pas pu résister à faire un tour de Paris en compagnie d’Américains dans leur Jeep. On avait cette impression que la vie allait reprendre quand on voyait les drapeaux français ressortir et La Marseillaise retentir.

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