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Être autonome en eau : Les talents cachés du lieutenant Paulin

Mise à jour  : 14/01/2020

Chef de section travaux lourds au 19e RG, en charge de l’extension de la base opérationnelle avancée de Gossi, le lieutenant Paulin a fait profiter la Force de son expertise en forages  et en géologie des sols de l’Ouest africain afin de rendre cette emprise autonome en eau.

À trente ans seulement, le lieutenant Paulin a déjà eu plusieurs vies. En cette fin du mois d’août, nous le rencontrons sous l’écrasant soleil de la base avancée de Gossi, pour laquelle il est responsable des travaux d’extension. Il détaille son parcours entre deux gorgées d’eau. « La chaleur ne me fait pas peur ! Avant de servir, j’ai vécu plus d’une dizaine d’années en Afrique et en outremer, lance-t-il, enjoué. J’ai commencé comme hydro géologue au Burkina Faso, où j’avais obtenu un master en génie civil et en forages. Puis j’ai travaillé 4 ans au Mali et au Burkina dans les problématiques de forage et d’accès à l’eau pour des entreprises et des collectivités. » En 2013, alors que la situation sécuritaire se dégrade au Sahel et que l’opération Serval est lancée, il rentre en France. Sans trop savoir comment rebondir, il réussit le concours de Sciences Po Paris mais préfère effectuer un master en ressources humaines.

GÉOLOGUE, DRH, PUIS OFFICIER SOUS CONTRAT

« J’ai travaillé sur un poste de directeur des ressources humaines. » Mais en 2016 Paulin s’engage. « Ayant des parents militaires, j’ai toujours eu envie de servir, mais après les attentats de 2015, c’est devenu évident. » Officier sous contrat dans la filière encadrement, il choisit l’arme du génie. « Lorsque j’ai vu qu’il y avait une place dans le domaine des travaux, je n’ai pas hésité une seconde, car cela a l’avantage d’être visible : on laisse quelque chose derrière soi. C’est ma première Opex et j’ai plaisir à valoriser mes hommes en leur disant : ”Voilà ce que vous avez apporté pour la force, c’est grâce à vous”. » Un premier déploiement pour le lieutenant Paulin, mais pas si inconnu que cela pour lui. « En Afrique, je me sens chez moi. Je ne suis pas du tout dépaysé : j’ai été marié à une Burkinabé avec qui je faisais mes études à Ouagadougou et dans ma vie professionnelle j’ai effectué de nombreuses missions dans la région, tout aussi rustiques. » Peu de temps avant d’être déployé au Mali, il apprend qu’il passera le mandat à Gossi, la nouvelle emprise de la force Barkhane depuis février dernier. « Ma mission est de piloter le chantier d’extension de cette base et de renforcer sa défense. Lorsqu’on m’a dit : ”Tu verras, sur zone il y a aussi un souci avec les forages, donc une problématique d’eau”. Je me suis alors dit que peut-être je pouvais me pencher, sur mon temps libre, sur cette problématique d’accès à l’eau. J’ai proposé au commandement d’étudier la question et d’apporter un éclairage. » L’eau est un élément naturellement indispensable au fonctionnement des bases opérationnelles. En milieu hostile, plus elles sont autonomes dans ce domaine, plus la sécurité des hommes y stationnant est renforcée. « Sur celle de Gossi1, nous savions qu’il existait un forage manuel, mais il était rebouché et introuvable. D’autres forages ont été effectués dans les premiers mois de notre présence ici mais sans succès : l’eau extraite était ”boueuse” et impropre à l’utilisation. Mais pour moi, forage signifie forcément nappe phréatique proche. À mon arrivée, j’ai donc de nouveau exploré cette piste. » Les têtes de forages étant toujours métalliques, à l’aide du DHPM et de la sonde, Paulin et son équipe retrouvent l’ancien forage et surtout un autre en parfait état, situé juste à proximité du mur d’enceinte. « Quand il y a de l’eau sur un point, que son niveau ne bouge pas et qu’aucun lit de rivière ne peut l’acheminer jusqu’à cet endroit, il s’agit forcément d’une remontée de nappe phréatique. J’ai découvert qu’il y en avait bien une, énorme, sous nos pieds. »

INVESTIGATIONS ET CALCULS SCIENTIFIQUES

Dans ces recherches, le lieutenant Paulin a eu le nez fin. « Ce forage était préservé : il y avait bien une tête de puits et un fil électrique pour connecter la pompe. » L’investigation est suivie d’une enquête méthodique, ou plutôt des calculs scientifiques de géologues, pour connaître la profondeur, le débit et le potentiel de régénération de la nappe. « L’eau est en réalité pleinement exploitable. Les forages précédents la rendaient impropre car extraite avec un débit trop fort venant casser la roche. Il ne faut pas oublier que l’eau est l’un des éléments les plus puissants de la nature ! Avec une vingtaine d’euros et un peu ”d’huile de coude”, j’ai remis en état une pompe adaptée et identifié le premier puits permettant de produire suffisamment pour la base de Gossi. »

Son prochain projet ? Proposer au commandement un système global d’approvisionnement en eau avec des pompes calibrées et adaptées aux sols maliens et rendant chacune des bases de la force Barkhane autonomes dans leur gestion de l’eau.

1  La base de Gossi est un ancien camp de la Minusma rétrocédé à la France.


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