Comme chaque année, le 30 avril, les légionnaires célèbrent l’anniversaire de la légendaire bataille de Camerone durant laquelle soixante-cinq d’entre eux, menés par le capitaine Danjou, avaient résisté avec force et courage face à 2 000 soldats de l’armée mexicaine. Pour cette édition 2017, la Légion étrangère mettra plus particulièrement à l’honneur les volontaires indochinois qui ont combattu comme supplétifs dans ses rangs.
Cette année, le choix du thème à l’honneur vise à rendre hommage à tous les volontaires qui ont choisi de grossir les rangs de la Légion étrangère pour défendre la France. Dans ce cadre, le général de division Maurin, commandant la Légion, a souhaité souligner le rôle déterminant des supplétifs indochinois. Symboliquement, c’est donc le sergent-chef (à la retraite) Van Phong N’Guyen qui a été désigné comme porteur de la main du capitaine Danjou. Recruté en 1953, à dix-huit ans, pour servir comme supplétif auprès du Corps expéditionnaire français, il s’était engagé un an plus tard comme légionnaire.
Peu importe l’époque, l’armée française a toujours eu recours à des soldats « indigènes » dans ses territoires coloniaux. Mais, jusqu’à la guerre d’Indochine, la Légion n’était pas concernée. L’introduction de réguliers indochinois dans la quasi-totalité des formations légionnaires fut décidée suite à la bataille de la route coloniale 4 (RC 4) en 1950, durant laquelle les forces du corps expéditionnaire français, qui affrontèrent celles du Viet Minh, connurent de nombreuses pertes. Ainsi, pour les remplacer et continuer à faire face aux nécessités du conflit, les supplétifs indochinois furent incorporés. On commença alors à parler de « jaunissement », même si la Légion prêta attention à ne pas dépasser un volume trop important, au risque de ressembler à la Coloniale, qui quant à elle, avait l’habitude d’intégrer un grand nombre d’autochtones dans ses rangs. C’est d’ailleurs le général de Lattre de Tassigny qui accéléra le processus d’incorporation d’Indochinois dans la Légion, conscient de la faiblesse numérique des forces terrestres en Extrême-Orient (FTEO).
Plusieurs méthodes furent ainsi employées : l’amalgame des compagnies indochinoises parachutistes de la Légion étrangère (CIPLE) dans les bataillons étrangers de parachutistes (BEP), le remplacement de légionnaires par des autochtones notamment dans des unités spécialisées (génie, train, matériel), ou la mise sur pied de bataillons mixtes dès leur constitution. Ces supplétifs indochinois apportèrent leurs techniques de guérilla, leur connaissance du terrain et leurs méthodes d’affrontement non conventionnelles aux forces française. Pour honorer la mémoire de ces 2 000 supplétifs indochinois tués au combat, une plaque commémorative sera ainsi, dévoilée au musée de la Légion à Aubagne après la prise d’armes.
Mais l’histoire entre la France et les Indochinois est plus ancienne que cela. Déjà, pendant la Grande guerre, des Indochinois avaient servi dans les rangs français à l’image de l’aviateur vietnamien Do Huu Vi qui s’était illustré et avait marqué les mémoires alors que l’aviation n’était qu’à ses débuts. Dès 1912, l’emploi des Indochinois lors d’une possible guerre en Europe avait été envisagé. Le général Pennequin, commandant supérieur des troupes du groupe de l’Indochine, estimait alors pouvoir mobiliser jusqu’à 20 000 hommes. Si au départ ce chiffre avait été jugé exagéré, finalement, il se révéla bien en-deçà de la réalité puisque ce sont près de 100 000 Indochinois qui se sont dirigés vers la France durant la Grande guerre, en majorité employés à des travaux sur le front ou à l’arrière, dans les usines et même jusqu’aux jardins du château de Versailles transformés en maraîchers.
En effet, alors qu’un premier contingent d’Indochinois recrutés comme infirmiers avait donné entière satisfaction, des tirailleurs avaient alors été intégrés dans des bataillons d’étapes chargés de travailler en soutien des opérations à proximité du front (construction et entretien des routes et voies ferrées, acheminement du ravitaillement). Ainsi, de 1916 à 1918, ce sont 43 430 tirailleurs indochinois qui sont déployés sur les arrières du front français et du front d’Orient. Parallèlement, l’administration s’employait également à recruter en Indochine de nombreux travailleurs coloniaux, à savoir quelques 48 981 indochinois entre 1915 et 1919.
Droits : armée de Terre 2017