Depuis presque un an, le groupement tactique désert à dominante aérocombat (GTD-A) complète le dispositif de la force Barkhane. Pouvant agir comme unité menante sur des opérations interarmes, il est parfaitement adapté à ce théâtre d’opérations qui s’étend sur cinq pays.
Décembre 2016. La force Barkhane lance une grande opération dans l’extrême nord-Est du Mali. Prévue d’agir dans une zone reculée jusqu’en bordure de frontière nigérienne, elle mobilise au sol deux sous-groupements d’infanterie motorisée et des moyens d’appui. Le but de cette manœuvre, baptisée Iroquois : reconnaître les villes de Boughessa et Tin Zaouaten, et plus largement toute une zone dans laquelle la force ne s’était pas déployée dans la durée depuis plusieurs mois. Engagé le temps de l’opération sur la base avancée temporaire de Tessalit, le GTD-A enchaîne alors les missions de ravitaillement logistique, d’interception, de prise de points rapides, de sécurisation d’axes par des posers dynamiques de GCM avant le passage des convois de la force, etc. « Le fait que nous soyons un GTIA et non plus un sous-groupement aéromobile nous permet désormais de disposer de toutes les capacités nécessaires à notre engagement et d’intégrer l’interarmes, comme des GCM et des observateurs d’artillerie, précise le colonel Jean-André Casanova, chef de corps du 5e RHC, aux commandes du premier mandat du GTD-A (septembre 2016-janvier 2017).
Le temps de cette opération, le groupement tactique désert infanterie Ardent coordonne la composante aéroterrestre. « Il y a quinze jours, lors de l’opération précédente, c’était l’inverse, rappelle le lieutenant-colonel Alain, chef opérations du GTD-A. Avec la création du groupement, nous avons acquis la capacité à fédérer des capacités autour de l’ALAT. On peut désormais construire une manœuvre au rythme des hélicoptères et avoir sous commandement tactique des éléments détachés. » Autre capacité et non des moindres : celle d’aller dans des lieux très reculés avec - comme l’explique le capitaine Sébastien, chef de bord sur NH90 -« pour objectif de marquer notre présence et s’assurer que dans notre zone de responsabilité il n’y a pas de refuges comme des plots logistiques lourds, des camps d’entraînement stables, etc. » L’effet dissuasif des hélicoptères est certain. Sur la base de Tessalit, chaque décollage attire les regards et fige l’activité l’espace de quelques secondes. Si ce théâtre d’opérations, vaste et quasiment non-boisé, permet aux aéronefs de poser à peu près partout, les hélicoptères restent soumis aux aléas climatiques. « Avant mon départ, le général COM ALAT m’avait demandé de considérer les conditions météo comme notre premier ennemi, avant même notre adversaire sur le terrain, poursuit le colonel Casanova. Finalement, la saison sèche nous a apporté une météo très clémente. » Des conditions réunies permettant d’accomplir chaque mission sans à-coup. En guise d’exemple, pour une mission de reconnaissance et une fouille de villages à plusieurs centaines de kilomètres, il faut environ une journée à l’ALAT pour l’accomplir quand il en faudrait cinq à l’infanterie. « Les fantassins sont indispensables pour leur permanence sur le terrain et leur contact avec la population, poursuit le lieutenant-colonel Alain. La plus-value réside justement dans la complémentarité de ces deux armes. »
« Face aux machines, deux solutions : c’est la cache ou la fuite, constate l’un des officiers de quart au poste de commandement tactique. Dans tous les cas, c’est l’arrêt de l’activité en cours. » Si l’adversaire connaît la puissance de feu, la précision des tirs et la capacité d’observation des optiques, il sait aussi que les aéronefs sont limités en carburant et donc en temps sur zone. Ce jour-là, une mission de ravitaillement logistique est reportée à la toute dernière minute au profit du décollage en urgence d’un NH90, avec à son bord le groupement de commandos montagne du GTD-A. Direction plein est, à une quarantaine de minutes de vol. Un groupe d’hommes et leur pickup ont été observés par un drone de la force. Les images, analysées par les équipes de renseignement, les montrent creusant le sol en plein désert, non loin d’un axe emprunté par les soldats. Le LCL Alain pilote la mission depuis la tente PC, les yeux rivés sur son ordinateur et l’oreille tendue vers son opérateur radio. Les commandos ont débarqué et fouillé les individus. Cette fois, il semblerait qu’ils n’aient rien à se reprocher et soient les ouvriers d’un fournisseur algérien d’électricité venus installer des réseaux dans la région. « On n’est jamais trop prudent, c’est vrai que certains comportements observés ressemblaient à s’y méprendre à ceux d’un petit groupe de poseurs d’IED, temporise le LCL Alain. Nos hélicos nous permettent aussi ça : une réactivité immédiate pour débusquer, traiter, ou au moins lever le doute sur toute menace que l’on peut rencontrer. »
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