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Ardennes : la guerre en vitraux

Mise à jour  : 25/07/2019

Apparues dans la seconde moitié du XIXe siècle, les verrières patriotiques commémorant batailles ou conflits connaissent leur apogée après la Grande Guerre en France et en Europe. Moins connues que les mémoriaux nationaux et les monuments aux morts, elles suscitent néanmoins depuis une vingtaine d’années intérêt et études.

En première ligne sur la frontière belge, les Ardennes vivent la guerre sous occupation allemande jusqu’en octobre-novembre 1918. Malgré le poids des autres guerres, ce conflit reste dans la mémoire collective comme un traumatisme majeur.

Rien d’étonnant à ce que, ici comme ailleurs, les vitraux relatifs à 1914-1918 constituent la plus grande partie des verrières patriotiques des trois guerres. Seules les églises sont concernées alors que dans le nord de la France et en Belgique, on en trouve aussi dans les édifices civils. Dans les Ardennes, 11 % des églises sont ornées de vitraux patriotiques, alors que le département de la Meuse en compte jusqu’à 150. Leur répartition géographique, très inégale, peut être mise en relation avec la zone de front qui a fluctué dans le sud du département et avec la pratique religieuse, plus forte dans les campagnes que dans les régions industrielles où les vitraux patriotiques sont absents.

La réalisation de ces verrières, concentrée de 1920 à 1926, court jusqu’en 1939, étape ultime de la rénovation s’il reste des crédits ou si une mobilisation a lieu en ce sens. Les commanditaires sont variés : commune, paroisse, curé, parents, habitants, voire comité franco-américain mais aucune mention n’a été trouvée du ”Souvenir français”.

Sans surprise, les verriers sont pour la plupart des artistes de Reims ou de la région parisienne mais on rencontre aussi des ateliers d’Angers, voire de Nancy et de Chartres. La diffusion de modèles via des catalogues explique la présence de verrières identiques ou légèrement modifiées dans les Ardennes et d’autres départements (Aisne, Eure-et-Loir).

Evocation des combattants

À l’issue d’un conflit aussi sanglant, il n’est pas étonnant de voir réaliser, dans la quasi-totalité des cas, des vitraux évoquant les combattants, renouant ainsi avec des thèmes déjà présents au XIXe siècle (Bazeilles). Contrairement à la Meuse aux vitraux fréquemment guerriers, les soldats sont le plus souvent représentés morts au combat, de façon individuelle ou collective (liste des morts). Généralement, le soldat est dépeint seul, tombé sur le champ de bataille, au pied du Christ en croix ou du Sacré Cœur, assisté d’anges et de figures patriotiques. L’assimilation des souffrances du soldat à celles du Christ explique qu’elles soient parfois évoquées par des scènes des Évangiles, voire simplement par une croix ou un casque posé sur une croix. La Vierge, plutôt absente de ces verrières catholiques (même en incluant les Madones de la Paix de 1938-1939), est devancée par les saints patrons des défunts. À quatre reprises, les soldats sont aussi représentés en prière tandis qu’un projet, non réalisé, devait figurer une messe dans les tranchées, motif illustré dans d’autres départements.

Symboles de la France

Les thèmes, plus inattendus, des figures patriotiques se font récurrents, comme la patrie couronnant le soldat, ou encore Jeanne d’Arc, accompagnatrice privilégiée des combattants, déjà présente dans l’iconographie du XIXe siècle. Les symboles de la France ne sont pas oubliés : soldat dans les plis du drapeau, drapeaux seuls, voire simple guirlande tricolore, ou bien croix latines en forme de croix de guerre, associées à des motifs militaires (grenade, casque) et à des décorations. Les ruines de guerre sont encore plus fréquemment évoquées dans un département très meurtri : village et église en flammes ou détruits, ou à l’inverse reconstruits, et parfois cathédrale de Reims, symbole du diocèse.

Si la quasi-totalité de ces productions, parfois ancrées dans le XIXe siècle, reste de facture très classique, certaines verrières renouvellent le genre en usant de formes géométriques. Par ailleurs, de très belles créations originales, d’auteurs inconnus ou de maîtres reconnus, subliment par la forme et le fond les thèmes de la guerre et de la paix.


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