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[soutien psychologique] réagir en urgence

Mise à jour  : 14/11/2013

Vendredi 20 janvier 2012.-Le jour est levé sur la base avancée de Gwan dans la vallée de Tagab, en Afghanistan. C’est l’heure du maintien en condition physique : jogging pour le groupe de soldats français. Des coups de feu retentissent. 4 militaires s’écroulent, mortellement atteints. 15 camarades sont blessés grièvement. L’un d’eux décèdera 2 mois après, des suites de ses blessures. Ce vendredi, un homme portant l’uniforme de l’armée nationale afghane a ouvert le feu sur des soldats désarmés. Pour les rescapés, les témoins de cette confrontation brutale avec la mort de leurs frères d’armes fut un choc.C’est dans ce contexte de situation opérationnelle traumatisante qu’est intervenu le psychologue théâtre de la cellule d’Intervention et de soutien psychologique de l’armée de Terre (CISPAT), le lieutenant-colonel Jacquemot.

« Je suis avant tout un soldat ! J’ai 26 ans de service. Je suis aussi psychologue et formé à la prise en charge d’urgence, dans un contexte traumatisant. À double titre, je suis donc en mesure de comprendre les réactions des militaires, leurs silences aussi. Mon rôle à Gwan ? Prendre en charge le personnel, en liaison avec le médecin. Le soir même, j’étais sur la base. Ce premier temps, qu’on appelle le déchoquage, consiste à rassembler les individus dans un lieu où ils se sentent en sécurité, une sorte de cocon protecteur. Un espace-temps où ils peuvent progressivement revenir dans « le monde des vivants ». Il faut répondre à leurs questions, être à leur écoute. L’important, au cours de cette phase, c’est de ne pas les laisser seuls face aux images récurrentes de ce qu’ils ont vécu.

Dans ce lieu de dialogue, ils ont ainsi pu échanger entre eux, parlant ensemble de leur ressenti. Ils avaient connu l’horreur, ils se sentaient impuissants et avaient besoin d’être rassurés sur le devenir de leurs camarades blessés. L’atmosphère était tendue pour la centaine de militaires présents, dont certains étaient littéralement en état de choc. Quelques-uns faisaient des cauchemars au cours desquels ils revivaient la scène ; d’autres se repliaient sur eux-mêmes, lorsqu’ils n’avaient pas tout oublié, comme si une chape de béton les avait recouverts. Un sentiment d’insécurité générale plombait la base. Tout le monde était affecté de diverse manière. Pendant 48 heures j’ai été disponible pour eux, en étant tout simplement présent. Ensuite, a commencé la deuxième phase de soutien, qui a duré une semaine. Je les ai reçus en entretiens collectifs et individuels. Au cours de ce temps de débriefing post évènementiel, je les incitais à verbaliser leur vécu, à « mettre des mots sur leurs maux ». Aider les individus à exprimer leurs émotions, à prendre conscience de leurs réactions, à y mettre du sens, les informer sur les symptômes ; tout cela avait pour but de limiter et réduire les effets physiques et psychiques du stress à long terme et de les aider au mieux à reprendre leurs activités professionnelles. J’ai ainsi soutenu 110 personnes impactées par le drame».


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