Formules patriotiques, exclamations guerrières, références historiques ou jeux de mots humoristiques, on trouve de tout dans les multiples devises de l’armée de Terre. Patrimoine des unités, c’est en partie autour d’elles que se construit l’esprit de corps.
Ancien Régime
« On ne relève pas Picardie » Plus ancienne unité de l’armée française, le 1er régiment d’infanterie (1erRI) de Sarrebourg est l’héritier des bandes de Picardie, créées en 1479. Sa devise date de la bataille de Parme en Italie, en 1734, quand on proposa à Charles de Rohan-Rochefort, prince de Montauban, de relever son régiment qui était sur la ligne de feu depuis un long moment. La réponse du prince ne se fit pas attendre : « Monsieur, vous saurez qu’on ne relève pas Picardie ! »
« Et roule Albert ! », devise de la 7e compagnie du 2e bataillon du 2e régiment d’infanterie coloniale (aujourd’hui 2e régiment d’infanterie de marine – 2e RIMa d’Auvours), en Algérie. Elle faisait référence au chien, mascotte de la compagnie, embarqué en fraude depuis la Bretagne, et qui accompagnait ses maîtres sur le terrain à la fin des années 1950.
L’humour est de rigueur pour d’autres unités comme « Bien faire et laisser braire » pour la 555e compagnie muletière, ou « Trom Xua Snoc » pour la 2e compagnie du 8e régiment parachutiste d’infanterie de marine (8eRPIMa) de Castres. Ce n’est pas du vietnamien, ça se lit à l’envers…
En règle générale, ce sont quand même les vertus guerrières qui prévalent. La devise du 27e bataillon de chasseurs alpins (27e BCA) d’Annecy, « Vivre libre ou mourir », a été choisie par le lieutenant Théodose Morel, alias Tom, pour le maquis des Glières qu’il créa et commanda sous l’Occupation jusqu’à son assassinat par un officier de police du régime de Vichy.
Le major (de réserve) Ronan Faou, qui a servi il y a plusieurs années au département traditions et symbolique militaire au service historique de l’armée de Terre (SHAT, maintenant service historique de la Défense - SHD), confirme que certaines devises se sont imposées après avoir été prononcées par des personnages célèbres. C’est le cas de celle du 57e régiment d’infanterie, « Le terrible que rien n’arrête ». Napoléon Bonaparte en 1797, après la bataille de la Favorite contre les Autrichiens en Italie, commanda de faire figurer ces mots sur le drapeau de la 57e demi-brigade. « Il était courant à l’époque d’inscrire des devises sur les drapeaux, puis plus tard sur les fanions. Aujourd’hui on les trouve surtout sur les insignes, mais il n’est pas rare de les lire à l’entrée des quartiers », précise le major.
De nombreuses devises sont en langue étrangère. En latin telle la célèbre « More majorum » de la légion étrangère (« Sur le modèle des anciens »). En arabe pour d’anciens régiments de l’armée d’Afrique. On trouve également des devises en langues régionales, comme le breton : « Peg Barz » (« Croche dedans « ) du 118e RI. Plus rare, le basque : « Jakin Zerbitzatze » (« S’élever par l’effort ») pour la compagnie d’instruction SAS du 1errégiment parachutiste d’infanterie de marine (1erRPIMa) de Bayonne.
La devise régimentaire du 1er RPIMa, « Qui ose gagne », est traduite de l’anglais « Who dares wins », que prononçaient en riant « Où Darouine ? » les jeunes parachutistes de la France Libre, intégrés en janvier 1942 dans le Special Air Service britannique nouvellement créé, plus familiers des armes et des explosifs que de la langue de Shakespeare.
Il est arrivé que les membres d’une unité changent d’eux-mêmes leur devise. Ainsi, pendant la guerre d’Algérie, le célèbre Commando Guillaume avait comme devise «Observe et frappe », que ses jeunes paras préférèrent traduire par « Chouffe et cogne ».
« Aujourd’hui, il n’existe pas de processus officiel d’homologation, explique Ronan Faou. En général les devises sont proposées par les chefs de corps ou les commandants d’unités qui contactent le SHD pour savoir si elles existent déjà ». Devant la quantité impressionnante de ces morceaux d’histoire de l’armée de Terre, alors qu’il était encore au SHAT, il a écrit un livre, « 1000 devises de l’armée de Terre » (Lavauzelle, 2004). « Mes prédécesseurs avaient commencé à regrouper les devises des unités existantes. Pour répondre plus complètement aux demandes de renseignements, j’ai fait des recherches sur celles des anciennes unités. Il m’a fallu un an. Comme il n’existait aucun autre ouvrage et afin de mettre en valeur et de préserver ce patrimoine de notre armée, j’ai proposé cette publication à ma hiérarchie », explique cet ancien cavalier, retiré à Guer, à côté des écoles de Saint-Cyr Coëtquidan (ESCC).
Sources : Bernard Edinger/TIM 238 octobre 2012
Droits : Armée de Terre 2012