Dans la nuit du 12 au 13 septembre 1943, le sous-marin Casabianca a débarqué à Ajaccio la 3e compagnie du bataillon de choc qui sera la première unité à mettre pied sur le sol de France lors des campagnes de la Libération.
« Nous avons rivalisé avec le cheval de Troie », déclara le capitaine de frégate Jean l’Herminier, commandant du Casabianca qui transporta les 109 « Chocs » de la 3e compagnie d’Alger jusqu’en Corse où ils mèneront des actions commando contre les troupes allemandes dans l’île.
Depuis le 11 novembre 1942, la Corse est occupée par les Italiens, dont la garnison comptera jusqu’à 80 000 hommes. Ils arrivent au moment où les troupes allemandes envahissent la zone sud de la France, suite au débarquement allié du 8 novembre en Afrique du Nord. Les Italiens sont rejoints par 14 000 Allemands en juin 1943.
Le 11 septembre, l’ordre est donné par le général Giraud, co-président du comité français de libération nationale, d’envoyer en Corse le bataillon de choc pour soutenir les maquisards. « Nous avons rivalisé avec le cheval de Troie », aurait déclaré le capitaine de frégate Jean l’Herminier, commandant du Casabianca, qui transporta les 109 « Chocs » de la 3e compagnie venue d’Alger pour mener des actions commando contre les troupes allemandes.
« Le voyage n’est pas un bon souvenir car nous étions tellement entassés que nous ne pouvions pas bouger, se rappelle Gabriel Redon, alors âgé de 20 ans, connu au bataillon sous le nom de guerre de « Bylou ». Nous étions 40 assis dans le poste arrière, avec peut-être un mètre carré par homme. Cela a duré 33 heures. Quand nous sommes arrivés dans la nuit, les Allemands avaient déjà quitté Ajaccio. Nous nous sommes allongés sur un tas de sable et avons dormi. Le matin, nous avons été réveillés tôt par un brouhaha. Une foule de 500 ou 600 habitants venait vers nous avec du café en nous remerciant et en nous applaudissant. Après, nous sommes partis à la poursuite de l’ennemi. »
Le capitaine Fred Scamaroni, haut-fonctionnaire de l’administration préfectorale avant-guerre et l’un des premiers volontaires de la France libre, avait créé un réseau de renseignement et d’action sur son île natale lors de deux missions secrètes en 1941. D’autres agents marchent sur ses pas, comme le chef d’escadron (futur général) de gendarmerie Paulin Colonna d’Istria, arrivé clandestinement sur l’île en avril 1943, puis une nouvelle fois en juillet (déjà par le Casabianca) avec douze tonnes d’armes et autres matériels. Il est le principal lien entre Alger et la Résistance, dont les effectifs s’élèvent à 12 000 hommes quand l’Italie annonce le 8 septembre avoir signé un armistice avec les Alliés. Les Allemands exigent qu’elle se désarme. Le commandant Colonna d’Istria prend contact avec le commandant italien, le général Giovanni Magli, l’invitant à se joindre aux opposants à la force de l’Axe.
La confusion règne chez les Italiens dont certains se joignent aux Allemands. D’autres veulent rentrer chez eux sans prendre part aux combats, tandis que les divisions Cremona et Friouli passent dans le camp allié, aux ordres du général Magli. Des combats éclatent entre les Italiens et les Allemands de la brigade SS Reichführer, ainsi que la 90e division de Panzergrenadier, arrivée de Sardaigne et qui cherche à rejoindre Bastia pour être évacuée. Les Italiens comptent 637 tués et les Allemands 800, y compris ceux tombés dans les combats contre les Français. La Résistance entre en lice et déplore environ 170 tués, certains exécutés sommairement après capture. « Je n’ai pas fait toute la campagne car j’ai sauté sur une mine avec ma moto », explique Gabriel Redon. Après 40 jours, je me suis évadé de l’hôpital pour rejoindre le bataillon avant le débarquement sur l’île d’Elbe. J’y ai pris une rafale de mitrailleuse dans les jambes qui m’a massacré les os et m’a laissé sur des béquilles pendant des années. Je crois que je suis le seul caporal de l’armée française à être commandeur de la Légion d’honneur. »
Le bataillon de choc est rejoint par 6 000 hommes venant d’Afrique du Nord, surtout des tirailleurs marocains, goumiers et spahis. Les troupes françaises ont 75 morts dont 15 « chocs » entre le 13 septembre et le 4 octobre. Pour commémorer la libération complète de l’île le 4 octobre 1943, le kiosque du sous-marin Casabianca sera plus tard découpé et érigé comme monument à Bastia. Aujourd’hui, c’est une réplique à l’identique qui s’y trouve, face au port de commerce.
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