3 questions au directeur du CDEC

Mon général, la doctrine est un mot qui a tendance à faire peur. Quel est son objectif ?

Il n’y a aucune raison que le mot de doctrine fasse peur. C’est sans doute parce que son importance n’est pas assez connue. Comme l’écrivait Foch, la doctrine est « un ensemble de principes fixes, à appliquer de façon variable selon les circonstances ». Cette phrase demeure d’une grande pertinence. Elle souligne que la finalité concrète de nos travaux demeure bien l’action. Ainsi, elle doit irriguer, orienter, valoriser notre action sur le terrain des opérations. Il convient de noter que la doctrine agit sur la totalité de l’échelle du temps : elle se nourrit de l’action (passé), elle permet de guider et canaliser l’action (présent), elle conçoit et prépare l’action (futur).

De plus, disposer d’une doctrine propre est une spécificité exclusive de quelques armées dans le monde. C’est donc aussi un gage de crédibilité et de reconnaissance de l’armée de Terre française.

N’oublions pas enfin que comme le rappelle le sens étymologique du terme (du latin « docere » : enseigner) la doctrine a pour vocation d’être enseignée, diffusée pour jouer pleinement son rôle.

Qu’est ce qui va changer avec la création du CDEC ?

La création du CDEC s’inscrit parfaitement dans la dynamique générale de l’armée de Terre « Au contact ». Au cœur de l’école militaire, à proximité d’organismes de recherche, de formation et de doctrine, notamment le CICDE et l’école de guerre, la réunion au sein du CDEC d’une réflexion et d’une formation, ordonnées toutes deux vers l’action répond bien à une logique d’efficience. Dans le but de « faire la guerre » (conduire des opérations) - notre finalité à tous - il est nécessaire initialement de « penser la guerre » puis dans un second temps d’ « apprendre à faire la guerre ». Le CDEC jouera donc un rôle clé dans cette phase préparatoire notamment dans l’enseignement et l’assimilation de cours de tactique générale fondé sur des notions intemporelles : la victoire, la liberté d’action, la prise d’initiative, le rapport de force… Il s’agira donc surtout, à l’occasion de cette création, de consolider et de renforcer les interactions entre les fonctions doctrine et enseignement militaire supérieur. N’est-il pas en effet opportun et pertinent, d’une part, d’enseigner ce que l’on a pensé et réfléchi, et d’autre part, que « celui qui conçoit la doctrine, l’enseigne » ? C’est la raison d’être du CDEC.

Quels sont les enjeux pour le futur pôle études et prospective ?

Conçu dans l’esprit d’un « think-tank » mettant en contact officiers, formateurs et chercheurs, il s’agit d’assurer une fonction de veille dans le domaine de la prospective et plus particulièrement dans le champ consacré aux facteurs d’évolution de l’emploi des forces terrestres. L’objectif sera entre autres d’apprécier l’impact des nouvelles menaces, des nouvelles capacités et technologies sur l’engagement de nos forces. L’ambition de ce travail exploratoire, dont l’horizon temporel dépasse celui de la doctrine, est d’aider à adapter au mieux l’emploi de nos unités aux enjeux de la guerre de demain. Ne pas préparer l’avenir, c’est écrire une doctrine d’emblée obsolète.