Avec un siècle de recul, l'année 1917 semble avoir inéluctablement rapproché les troupes françaises et alliées de la victoire. Cependant, elle fut marquée par bien des incertitudes liées à une rupture du front autant désirée que fuyante. L'armée française sut, au prix fort du sang, s'adapter, pour devenir en 1918 la « première armée du monde ».
En 1917, la rupture tant promise n'a pas eu lieu sur le front de l'Ouest. Dès janvier, le bilan humain est très lourd dans les rangs français : près d'un million de morts depuis 1914. Le moral commence à vaciller, à l'avant comme à l'arrière. Pourtant, c'est aussi cette année-là qu'au prix de certains désastres, l'armée française a fait preuve d'une remarquable capacité d'adaptation. Sur la scène internationale, 1917 est l'année de la défection de l'allié russe, entérinée par le renversement du gouvernement Kerenski, favorable à la poursuite de la guerre. Le front italien est enfoncé à Caporetto. Sur le territoire national, la France connaît une crise gouvernementale qui fait suite au renversement d'Aristide Briand en mars. Enfin, l'annonce de l'entrée en guerre des Etats-Unis, officiellement le 6 avril, n'est pas sans avoir d'importants effets sur la façon dont militaires et civils français envisagent la conduite de la guerre et des opérations.
En effet, ces événements contribuent au balancement entre deux écoles au sein du haut commandement. La première, celle de la « prudence », est incarnée, dans des styles très différents, par les généraux Foch et Pétain. L'idée maîtresse est de procéder à des offensives à objectifs limités, minutieusement préparées et déclenchées après s'être assuré d'une écrasante puissance de feu. À l'inverse, l'école dite de l' « offensive », défendue par les généraux Joffre, Nivelle et Mangin, considère que la guerre la plus naturelle est celle du mouvement et que la clé du problème ne sera trouvée que par la vitesse, la surprise et l'assaut tactique.
Des raisons, en partie politiques, expliquent le remplacement de Joffre par Nivelle à la tête du Grand Quartier Général. Nivelle rédige le 4 avril un plan d'offensive reposant sur deux phases : la percée et l'exploitation. L'assaut doit être lancé dans un secteur réputé calme : le Chemin des Dames, dans l'Aisne. Les fantassins, appuyés par l'artillerie, sont censés prendre l'apéritif devant la cathédrale de Noyon à l'issue de la première journée. C'est que Nivelle, pour imposer ses vues, s'est montré très optimiste. Pris à son propre piège, poussé par une presse qu'il a en partie séduite, il ne sait pas arrêter l'offensive avant qu'elle ne tourne au désastre. Les pertes sont très lourdes : en quinze jours, ce que l'on appelle la ″Bataille de France″ ou ″offensive Nivelle″ a conduit près de 40 000 hommes à la mort et près de la moitié des tirailleurs sénégalais ont été mis hors de combat.
Cet événement marque un tournant dans la guerre. Nivelle est relevé de son commandement puis remplacé par Pétain qui fait face aux actes d'indiscipline de 1917. Lors de la bataille de la Malmaison (23-25 octobre 1917), une doctrine efficace d'emploi des chars fait merveille et lave l'échec de Berry-au-Bac. L'accent est mis à l'arrière sur l'instruction et l'entraînement permettant aux hommes de mieux maîtriser les nouveaux matériels. L'aviation est pertinemment mise à profit. La coordination entre l'artillerie et l'infanterie est très efficace avec des moyens considérables : 1 800 pièces d'artillerie, 120 000 tonnes de munitions notamment. La prise du fort de la Malmaison par les Zouaves du commandant Giraud marque le succès de l'école de la prudence. L'effet moral de cette victoire a été considérable.
Les pertes françaises diminuent après l'échec du Chemin des Dames : de 200 000 à 300 000 soldats français tués chaque année, on passe à 121 000 en 1917. Les offensives de Foch (août à novembre 1918) ne visent plus à la rupture du front, mais à une progression limitée et mieux maîtrisée, apte à redonner confiance à une armée qui, le 11 novembre 1918, sera celle de la victoire.
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