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Tchad : dans la peau d'un pilote de Transall

Mise à jour  : 10/12/2010

Le capitaine Humphrey Gaudray, pilote sur C160 Transall effectue sa première opération extérieure à N'Djamena au Tchad dans le cadre de l'opération Epervier. Récit de l’une de ses premières missions opérationnelles. 

C’est ma deuxième semaine au Tchad. Ma première mission sur terrain sommaire tombe sur le tableau d’ordres ce matin. Objectif : le terrain de Sarh, dans le sud du pays. Pendant une semaine, je vais y acheminer, puis extraire les moyens (hommes et matériel) nécessaire au bon déroulement du paiement des anciens combattants tchadiens. Les aéronefs concernés par cette mission : deux C160 Transall et un CN 235 Casa.

Selon le planning, je décolle samedi midi avec plus de 8 tonnes de chargement. Je réfléchis rapidement : midi, ça signifie 35-36°C minimum… Au vu des besoins standard en pétrole pour la mission, j’ai peur d’être au-dessus des capacités du Transall, je vais essayer de faire retarder le vol... Il faut savoir en effet que plus la température est élevée, moins les moteurs sont performants et moins je peux embarquer de fret à bord. 1°C en plus, c’est 400 kg en moins…

Nous tentons de faire avancer le décollage. Sans succès : pas de créneau disponible. Je réunis mon équipe, nous nous concertons et trouvons une autre solution : diminuer la quantité de pétrole embarquée. Si les conditions météo, et notamment le vent, sont optimales, ça peut marcher. Détour par nos collègues de la météo : vent faible et ciel dégagé pour le lendemain, parfait. Nous revoyons nos prévisions et les rendons aux planificateurs : nous sommes autorisés à décoller demain !

10h00, le lendemain, sur la piste : les mécaniciens navigants et les militaires du 1er RTP (Régiment du train parachutiste) chargent à bord du Transall un camion de transport TRM 2000, un véhicule tout-terrain P4 et une remorque. Nous récupérons la documentation terrain et vérifions la météo. Je vérifie le tout. Il est important que je m’assure que les masses sont bien réparties à bord de l’appareil.

11h35 : je m'installe à gauche, j'ai déjà très chaud. Le mécanicien démarre le GTG (petit turbo générateur d’appoint) et met la climatisation…un peu d'air. Je demande une dernière température par radio : 34°C à l’extérieur. Bonne nouvelle : nous avons de la marge sur le poids à bord. Malgré la climatisation, je sue désormais à grosses gouttes. Je lève la tête : l'indicateur de température cabine affiche plus de 50°C, malgré la clim… L’équipage prend place.

11h55 : contact avec le Casa qui stationne à nos côtés et qui doit embarquer les passagers. Comme nous allons au même endroit, nous allons décoller simultanément. Les derniers passagers embarquent, la mise en route est décidée. Listes de vérification, alignement sur la piste et…

… 12h11 : pleine puissance, je lâche les freins, l'eau méthanol s'injecte, la poussée augmente et l'avion accélère. Le mécanicien réduit l'arrivée de pétrole dans les moteurs, qui chauffent eux aussi, pour les maintenir dans les limitations. La puissance diminue mais reste dans les tolérances. Décollage. L'avion lourdement chargé peine un peu à monter, mais nous atteignons le niveau 95 (environ 3000 mètres). Inutile de monter plus haut car le vent de face se renforce au-dessus de nous. La climatisation commence à être efficace,  je branche le pilote automatique.

Après 1h30 de vol au dessus du fleuve Chari, la végétation se fait plus dense. Le navigateur me guide vers le terrain d’atterrissage. Au milieu des arbres et des hautes herbes, je commence à deviner la bande en latérite rouge qui s’étire le long du fleuve. J’ai besoin de contrôler visuellement l'état de la piste et de m’assurer qu’elle n'est pas occupée (d'autres aéronefs ou des véhicules pourraient circuler dessus ou y stationner : j'effectue donc un premier passage bas à faible vitesse. La piste paraît encore humide, parfait pour ne pas soulever trop de poussière à l'atterrissage. Elle est bordée de champs cultivés et de hautes herbes. Je sors les volets et le train d’atterrissage et j’amorce un demi-tour pour atterrir.

Contact. L'atterrissage est souple, je passe les reverses. J’entends le mécanicien qui annonce "poussière". Je tire les manettes pour ne pas noyer les hélices dans le nuage que j'ai soulevé derrière moi. J'amorce un demi-tour pour remonter et libérer la piste pour l'atterrissage du Casa qui arrive derrière nous. Je stoppe mon appareil sur parking. Les rampes s'ouvrent, le désarrimage et le déchargement des véhicules se font rapidement. 

Nous ne nous attardons pas et remettons en route les moteurs avant de rouler jusqu'au point d'arrêt. Le Casa part devant nous. Après son décollage, nous attendons que le nuage de poussière rouge retombe avant de pousser les manettes de gaz en avant. L'avion, maintenant allégé de près de 10 tonnes,  décolle facilement et je rattrape rapidement le Casa, plus lent, qui vole en basse altitude au dessus du Chari. Après quelques minutes, nous montons pour profiter des vents arrière. Les nuages commencent à bourgeonner, le radar nous aide à garder notre route au milieu des cumulonimbus.

17h00 : atterrissage à N’Djamena, fin de la mission. Nous parquons l'avion, les mécaniciens font le plein pour le lendemain où deux rotations sur Sarh sont programmées. Cette mission monopolisera une grande partie de l'activité de la semaine : une dizaine de rotations seront nécessaires.


Sources : EMA
Droits : Ministère de la Défense