Diplômé de l’école de l’artillerie en 2009 et détenteur d’une licence de géographie obtenue en 2005, le capitaine Bruno a choisi de se spécialiser dans le domaine de la géographie après son passage à Sant Cyr.
Après une formation de trois mois à Saumur, il s’est spécialisé dans le domaine du renseignement ce qui lui permet de choisir la composante « géographie ». A cette occasion, il valide le tronc commun des trois grandes familles du domaine, composé du renseignement d’origine humaine (ROHUM), magnétique (ROEM) ou provenant de l’imagerie (ROIM).
En septembre 2009, il est affecté au 28e groupe géographique d’Haguenau qui est la seule unité topographique et cartographique en France apte à fournir un appui géographique en opération.
« J’ai choisi d’être géographe pour la particularité des missions qu’ils peuvent remplir. Par leur action, ils peuvent faciliter la manœuvre des soldats, car plus l’analyse du terrain est fine, plus les conditions de préparation de la mission seront optimales. »
Les cartographes ont pour rôle de collecter les données géographiques qui serviront à la réalisation des cartes. Ces dernières seront utilisées par l’état-major pour la planification et de la conduite des opérations, et par les unités sur le terrain pour qu’elles puissent préparer leurs missions.
« Le terrain sur lequel les unités sont déployées doit être analysé et étudié puisque dans tous les cas, le terrain commande toujours.»
Pendant son temps de commandement comme chef de section géographie, le capitaine Bruno a eu l’occasion d’être projeté à plusieurs titres dans le cadre de missions opérationnelles.
D’octobre à 2011 à mai 2012, il a ainsi été engagé sur le théâtre afghan comme chef de la cellule géographique de la Task force Lafayette basée à Nijrab. Pour cette projection, il était pleinement intégré à l’état-major tactique de la force.
« J’avais une mission d’aide à la décision de l’état-major. Ce qu’ils attendaient de moi, c’était de procéder à une étude du terrain avant chaque mission pour repérer les particularités de la zone en déterminant la nature du terrain, en définissant des zones de poser d’hélicoptère ou des itinéraires d’exfiltration.
Nous avons également procédé à de nombreux « baptêmes de terrains » au sein des vallées afghanes. Pour ce faire, nous étions appuyés au sol par les unités combattantes et dans le ciel par l’ALAT. Nous nommions ainsi toutes les zones, car il est plus facile de confondre les coordonnées d’un point qu’un nom de baptême. Cela permet d’éviter les erreurs et de garantir la rapidité des interventions.»
Quel que soit la manière dont elle est employée, la géographie joue un rôle important dans chacune des phases d’une opération. Elle est employée à des fins strictement opérationnelles et l’expérience afghane du capitaine Bruno en est une parfaite illustration.
« En Afghanistan, comme nous étions sur un mandat hiver, il était important de faire apparaître sur les cartes les zones amenées à évoluer comme la végétation. Cela nous permet de garder des données fiables facilement ré-employables dans le temps. Ces subtilités peuvent tout changer sur le terrain et modifier l’approche que l’on peut en faire et donc la stratégie opérationnelle qui sera adoptée. Nous avons même été intégrés à des unités pour vérifier, contrôler et consolider les données topographiques que nous avions déjà.»
Au cours de ce mandat, le détachement a réalisé plus de 11 000 produits correspondants à l’édition de cartes topographiques, d’études terrain et a été sollicité plus de 800 fois.
Fort de cette expérience opérationnelle, le capitaine Bruno a été déployé le 24 janvier 2013 au Mali dans le cadre de l’opération Serval.
« Pour moi, la différence majeure avec l’Afghanistan c’est que la partie tactique et le niveau opératif ont été dissociés. Il y avait deux niveaux de commandement, le niveau opératif pris en charge par le poste de commandement tactique interarmes (PCIAT) basé à Bamako et le niveau tactique pris en charge par la plateforme opérationnelle désert (PFOD) déployée à Gao. L’état major tactique (PCIAT) concevait les missions et la brigade était chargée de les conduire et de les mettre en œuvre.
Notre rôle est bien d’appuyer la conduite de la mission, ce travail a donc été crucial pour l’état-major tactique de Serval. L’essentiel de mon travail à été mis directement au profit de l’état-major aux ordres du général de Saint Quentin, commandant à l’époque la force Serval. J’ai pleinement joué mon rôle dans le cadre de l’aide à la décision et j’ai travaillé à deux échelles, au niveau opératif et tactique. »
Les militaires du détachement géographie étaient donc déployés à Bamako et à Gao, villes situées à 1200 km l’une de l’autre.
« En tant que chef d’élément, j’ai trouvé qu’il y avait une certaine cohérence du soutien des géographes. Cela nous a permis d’assurer toutes les positions françaises et de soutenir jusqu’à 4500 militaires au plus fort de l’opération sur un territoire qui fait 2,5 fois la France. Mon domaine de spécialisation est également très transverse puisqu’à un moment ou à un autre, toutes les cellules ont besoin de la cartographie. On peut par exemple nous demander d’établir des cartes thématiques pour mettre en exergue la répartition ethnique dans un pays, la densité de la population et sa répartition sur le territoire ou bien la topographie d’une zone et les particularités de son relief. »
8500 cartes ont été produites par le détachement géographie de Serval ainsi que des études terrain et des travaux spécifiques.
« La grosse difficulté en arrivant a été de prendre en compte la zone de travail, en l’occurrence le Mali. Toutes les cartes sur lesquelles nous avons commencé à travailler étaient trop vieilles et donc obsolètes. C’est grâce aux analyses terrain que nous avons pu les faire évoluer et les rendre plus fiables.
Le Mali est gigantesque et nous devions à tout prix en avoir une meilleure connaissance, puisque nos opérations se sont déroulées sur des milliers de kilomètres, jusqu’à l’extrême nord du pays à Tessalit. Nous devons donc continuer d’améliorer et d’affiner les données que nous avons dans notre base de données et affiner nos connaissances, notamment concernant la praticabilité des axes. »
Cette mission s’inscrit pleinement dans son rôle de conseiller pour l’aide à la décision qui peut se traduire, par exemple, dans le choix des itinéraires empruntés par les convois logistiques.
« Je suis satisfait de cette mission car nous sommes arrivés dans des conditions difficiles et ce déploiement montre que les géographes sont avant tout des militaires de terrain. Les géographes ont pu montrer qu’ils sont capables de fournir un appui de qualité aux forces déployées avec des moyens limités et dans des conditions sécuritaires et climatiques difficiles sur un théâtre d’opérations de plus de 1,2 millions de km². »
Sources : EMA
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