Il a 27 ans, il est juriste de formation, elle est issue d’une école de commerce et a 25 ans.
Tous deux font partie de la promotion Serment de Koufra, et ont choisi il y a deux ans l’ancrage Marine à l’issue du concours. Les commissaires Anne-Hélène et Thomas, actuellement sur la Mission Jeanne d’Arc, achèvent leur formation marine mi-juillet.
Au total, ils auront passé plus de 8 mois à l’Ecole navale en formation d’ancrage, afin de se préparer à leur premier emploi, au cœur de l’armée qu’ils serviront très prochainement.
Retour sur une année exceptionnelle pour nos jeunes commissaires.
Quels sont les objectifs de l’année de formation à l’Ecole navale ?
Thomas :
L’année de formation à l’Ecole navale est pour nous le moment de nous « amariner ». Lanvéoc est un lieu qui permet de s’imprégner du monde de la Marine nationale. La proximité de l’Ile Longue et de la base navale de Brest permet d’être au contact des forces avec des visites (SNLE, FREMM...) et des conférences (PREMAR Atlantique, ALFAN...). L’école nous a également permis de pratiquer la voile. De plus, l’année au sein de l’Ecole navale est l’occasion de profiter, en promotion, de la presqu’ile de Crozon et plus généralement de la Bretagne. Enfin, cette année de formation m’a permis de me faire des amis au sein de la promotion, ce qui me semble aussi très important !
Anne-Hélène :
L’Ecole navale est notre premier contact avec le milieu marin, de par sa géographie et sa population. La formation tourne principalement autour des connaissances nautiques à acquérir pour obtenir la qualification de chef du quart. De manière générale, il s’agit d’avoir une idée précise du fonctionnement et de l’organisation d’un bâtiment de la Marine nationale, unités sur lesquelles nous ferons nos premières années. En application, nous couplons cette formation théorique à la pratique lors des « corvettes » où nous naviguons sur des bâtiments écoles près des côtes bretonnes.
En quoi consiste la formation d’un commissaire embarqué à bord d’un bâtiment de la Marine Nationale ?
Thomas :
A bord, le commissaire embarqué est pleinement intégré aux activités opérationnelles. Il est officier chef de quart en passerelle. Un rôle exigeant qui nécessite une capacité d’adaptation permanente. De plus, nous occupons la fonction d’officier de quart aviation qui implique également une curiosité pour le monde de l’aéronautique, s’adresser à des pilotes ou des directeurs de pont d’envol n’est pas inné et nécessite un travail rigoureux et assidu. L’embarquement sur un Porte-hélicoptères amphibie (PHA) lors de la mission Jeanne d’Arc est l’occasion de se former et de prendre confiance.
Anne-Hélène :
Outre l’aspect passionnant des quarts en passerelles de navigation et d’aviation, le commissaire embarqué est avant tout un officier chef de service, en charge d’une compagnie. Sa formation consiste donc à apprendre à gérer ses équipes, avec un volet très important sur la ressource humaine. Il est formé à l’administration et à ses domaines : à la comptabilité pour gérer la coopérative (magasin du bord), aux relations publiques (visites d’autorités), en passant par la gestion des équipes de cuisine et d’approvisionnement. Il est l’interlocuteur privilégié de l’organisation des escales et pose de ce fait un pied dans les cultures des pays hôtes. Il conseille le commandant sur les aspects juridiques et notamment durant les visites opérées sur des bâtiments suspects. Finalement, il touche à l’ensemble des activités du bâtiment et a la chance d’être très polyvalent !
Quels conseils donneriez-vous aux élèves qui choisissent l’ancrage marine et qui passeront leur deuxième année de formation en partie sur la mission Jeanne d’Arc ?
Thomas :
La spécificité de la Marine nationale est l’embarquement. Je conseille donc de réfléchir à l’éloignement, aux difficultés de communications que l’on peut parfois rencontrer avec ses proches. Un futur commissaire ancrage marine doit se préparer à être un militaire résilient dans ses futures missions. Les lectures personnelles (La Mer Cruelle, le Crabe-Tambour, les fusiliers-marins de la France-libre...) permettent de bien intégrer les difficultés de la vie de marin et surtout de comprendre quel est le sens de notre engagement.
Anne-Hélène :
La mission « Jeanne d’Arc » est un mythe pour un grand nombre de marins. Cela correspond généralement à la première mission d’un officier élève, au premier éloignement loin (jusqu’au Japon cette année !), longtemps (5 mois) et avec la spécificité d’être en équipage (un peu différent de la vie en colocation…).
En tant qu’élève, la mission est suffisamment passionnante dans l’apprentissage qu’elle fournit (sur le plan humain comme sur le plan technique), dans ses opérations et son organisation pour donner le goût de la marine embarquée. Les escales, la vie au carré avec vos camarades de promotion d’horizons divers, la richesse des rencontres des marins regorgeant d’expérience, et une bonne séance de sport dont vous sortez « rincé », sont autant de critères qui vous donnent de l’air non iodé et vous sortent de l’aspect scolaire. Vous serez bien encadrés et en étant volontaire et curieux, vous ressortez de la mission pressé de prendre vos futures fonctions de commissaire embarqué.
Pour s’y préparer au mieux, je pense qu’il faut surtout préparer vos proches. L’éloignement n’est pas seulement physique, il l’est aussi dans les communications (décalages horaires, activités, contraintes opérationnelles, …), si vos proches sont prêts à l’entendre, alors vous serez également prêts.
Quels sont les moments forts de la formation ?
Thomas :
La mission Jeanne d’Arc a été riche en moments opérationnels. Je retiendrai le passage du détroit de Formose alors que j’étais chef du quart en double sur la FLF Surcouf. La présence sur zone de navires chinois et taiwanais m’a permis de mesurer les tensions géopolitiques sous un prisme différent de celui des livres et manuels qui m’avaient permis de préparer le concours de commissaire des armées.
Un autre moment fut notre intégration à l’opération CTF 150. Assister le commissaire du bord dans la rédaction des procès-verbaux, participer à la lutte contre le trafic de stupéfiants en mer sont des moments qui font sens dans le cadre de la mission Jeanne d’Arc.
Anne-Hélène :
Comme mon camarade, je retiendrai un moment opérationnel particulièrement dense comme moment fort : mon premier quart en passerelle sur PHA, au cours duquel nous avons chassé un boutre durant notre intégration en CTF 150. Durant plusieurs heures, il fallait gérer le bâtiment de manière à rester à une distance stratégique du boutre suspecté de trafic de drogues. En parallèle, j’avais un camarade commissaire embarqué à bord des embarcations pour faire partie de l’équipe de visite, un autre commissaire en passerelle pour récolter toutes les informations importantes à travers la cellule info-crise et moi-même en chef du quart, un bel exemple de polyvalence du commissaire embarqué !
Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées ?
Thomas :
La formation académique à l’Ecole navale est dense et diverse sous bien des aspects. Il faut faire preuve d’abnégation tout en sachant s’adapter aux exigences et se remettre en question après avoir eu un master 2 et parfois avoir travaillé dans le monde civil. La récompense est belle lorsqu’en sortie de mission Jeanne d’Arc nous sommes chef de service, capitaine de compagnie, officier chef de quart et officier de quart aviation.
De plus, notre formation a été marquée par le COVID-19, nous avons donc connus les cours en ligne et le confinement sur base. Créer des moments de cohésion était donc parfois difficile. Néanmoins, nous avons réussi à faire preuve d’imagination !
Anne-Hélène :
Pour ceux qui ont connu une expérience professionnelle avant de reprendre l’école, il est toujours difficile de se remettre dans la peau de l’élève et de se voir évaluer par des examens.
Les contraintes liées au COVID ont fait que nous n’avons pu vivre la formation comme elle avait été imaginée et notamment durant la mission Jeanne d’Arc. Le marin aime les voyages et la découverte d’autres cultures, de fait, l’absence d’escales en situation normale a provoqué une petite déception.
Quelles aspirations pour l’après Jeanne d’Arc, la carrière au sein du SCA ?
Thomas :
A l’issue de la Jeanne, je vais devenir chef du service CMA de l’équipage A de la FREMM Bretagne à Brest. Je suis très heureux de cette affectation car elle correspondait à mon choix de servir sur bâtiment de combat à Brest. Partir en mission grand nord était l’une de mes motivations en intégrant l’ancrage marine. Sur le long terme, j’espère pouvoir intégrer la filière AEM mais aussi partir en OPEX en tant que LEGAD avec l’armée de terre. Toutefois je resterai ouvert aux opportunités qui me seront offertes par le SCA.
Anne-Hélène :
Je pars découvrir la fonction de commissaire embarquée en pleine autonomie sur la frégate de surveillance Vendémiaire en Nouvelle-Calédonie pendant deux ans. L’ambiance régnant dans les outre-mer m’a toujours attirée et les missions que comporte la zone me paraissent passionnantes géopolitiquement parlant. De manière générale, le SCA offre des possibilités de carrière extrêmement variées (AEM, finances, RH, logistique, …) dans des organismes en pleine transformation qui permettent de se confronter à des défis de soutien indispensables aux armées.
Sources : ECA
Droits : ECA