Retour d’expérience d’un contrôleur aérien sur l’opération Barkhane

Mon lieutenant, vous êtes récemment parti en opération extérieure sur la plateforme opérationnelle désert de Gao au Mali. Qu’avez-vous fait pendant quatre mois ?

J’ai servi en tant qu’Air Tasking Order Manager (ATOM) dans un Centre de management de la défense dans la 3^e dimension (CMD3D) du 54^e régiment d’artillerie de l’armée de Terre de Hyères. L’équipe était constituée de quatre personnes de l’armée de Terre (trois sous-officiers et un officier chef de détachement) dont le rôle était de veiller au bon fonctionnement du matériel et de la liaison de données tactiques 16 (L16). Nous étions deux contrôleurs de défense aérienne. Ma collègue et moi-même avions pour mission de transmettre aux avions de chasse et aux avions ravitailleurs, par le truchement de la radio et de la L16, les ordres du Joint Force Air Command (JFAC) situé sur la BA 942 de Lyon-Mont Verdun. Je transmettais également aux chasseurs tous les éléments nécessaires au bon déroulement de leur mission (coordonnées, météo, état des plateformes). Je participais à la déconfliction, c’est-à-dire à la sécurité des vols, en diffusant la position de trafics potentiellement conflictuels, en suggérant des manœuvres d’évitement le cas échéant, en lien avec le JFAC. Cette fonction demandait une grande réactivité : outre les missions planifiées, le CMD3D était d’alerte 24H/24, 7J7, afin d’être en poste rapidement en cas de décollage de la Quick Reaction Alert (chasseurs et avion ravitailleur de réaction rapide, en alerte).

En fin de mandat, j’ai eu la chance, en parallèle de mes fonctions d’ATOM, de servir au sein de la cellule coordination des opérations aériennes (Air Ops Coordination Center) du poste de commandement avancé (PCAV) déployé à Gao. Ma mission consistait à mettre en lien une conduite entre les demandes d’appui aérien (rapproché, renseignement) émanant des sous-groupements tactiques désert sur le terrain et l’état-major du PCAV. Je suivais la situation aérienne en temps réel et j’informais le JFAC des intentions du PCAV afin de, si besoin, « retasker » les différents aéronefs. Je contribuais à assurer la coordination entre les forces aériennes maliennes, burkinabè, américaines et françaises. Enfin, je présentais tous les matins la synthèse des opérations aériennes de la journée au chef d’état-major du PCAV ainsi qu’au général adjoint aux opérations.

Concernant l’opération Barkhane, pouvez-vous nous en dire plus ?

L’opération Barkhane, lancée le 1^er août 2014, a pour objectif de lutter contre les groupes djihadistes qui sévissent dans la bande sahélo-saharienne (Rassemblement pour la victoire de l’islam et des musulmans, État islamique dans le Grand Sahara). Ces groupes prospèrent essentiellement dans les zones rurales, là où les États sont défaillants ou absents, et mettent en place un système de racket des populations. Le but est d’apporter un soutien dans cette lutte aux forces armées des pays du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad). Menée par les forces françaises en lien avec les forces partenaires, l’opération mobilise près de 5 000 militaires français.

Conseilleriez-vous cette mission à un camarade ?

L’opération caractérise l’aboutissement du métier de militaire, nous nous y préparons au quotidien. C’est également une aventure humaine et professionnelle incroyable, travailler dans un environnement interarmées et multinational est extrêmement enrichissant. Nous apprenons énormément les uns des autres, tout en œuvrant de concert à la réalisation et au succès de la mission.