Depuis plusieurs années, pour faire face aux nouvelles menaces et rester dans la course des nouvelles technologies, DGSE, DRM et DRSD intensifient leur recrutement de civils. Ingénieurs informaticiens et linguistes sont notamment très recherchés.
Caroline a la quarantaine. Féminine, un carré court et des cheveux blonds, elle affiche tous les attributs de la « working girl » dynamique et volontaire. Malgré ses 32 ans, Stanislas, lui, ressemble à un étudiant tout juste sorti d’école, décontracté et discret. Deux personnalités au profil passe-partout qui, pourtant, au quotidien, exercent un métier hors du commun au sein de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Ils font partie des 5 000 civils du ministère des Armées œuvrant dans l’anonymat le plus complet dans le domaine du renseignement au sein de la DGSE, de la Direction du renseignement militaire (DRM) et de la Direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD).
Depuis les attentats de 2015, les candidatures affluent au sein des trois services. Le renforcement des effectifs, amorcé par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008, a été intensifié par la loi de programmation militaire 2014-2019. « Avec les événements de 2015, nous recevions une centaine de candidatures par jour. Aujourd’hui, cela tourne autour d’une trentaine, déclare Éric, chef de secteur adjoint recrutement à la DGSE. Pour les seuls analystes, cette année, par voie de concours, 1 000 candidats se sont présentés pour 20 postes. » Pour faire face à l’évolution des menaces et des nouvelles technologies, le recrutement dans le secteur du renseignement s’est adapté, se tournant ces dernières années plus particulièrement vers le personnel civil. Le vivier est important, du BTS au BAC+ 5, pour pourvoir les postes ouverts aux fonctionnaires comme aux contractuels dans le cœur de métier du renseignement et de la contre-ingérence, dans les fonctions de soutien ou bien encore dans les nouveaux métiers : cyber, big data, intelligence artificielle, sécurité des systèmes d’information.
Concours spécifique à la DGSE
« À la DGSE, nos recrutements se font à 50% par concours de la fonction publique (catégories A, B et C) ; 25% sont issus de candidatures spontanées et le quart restant sont des postes militaires, indique Philippe, directeur adjoint de l’administration, chargé du pilotage. Nous possédons notre propre corps de fonctionnaires. Accessible par un concours spécifique, il permet de travailler dans différents types de domaines – action, technique, réflexion – et offre des évolutions en interne. » Une mobilité dont Caroline, entrée dans la « boîte » il y a une quinzaine d’années par concours, a profité. D’abord analyste, puis affectée à l’étranger pour faire de la recherche terrain, elle a ensuite rejoint la direction de la stratégie pour valoriser la production du service avant d’occuper son poste actuel : chef de bureau « monde turco-arabe » à la direction du renseignement.
« C’est un métier jubilatoire. Le jour de la libération de Mossoul, je suis revenue travailler le soir même, mais je n’ai pas pu en parler autour de moi ! » Travailler à la DGSE implique certaines contraintes et obligations ; chaque employé fait ainsi régulièrement l’objet d’enquêtes de sécurité et d’évaluations psychologiques. Avant d’être engagé en tant que contractuel à la suite d’une candidature spontanée, Stanislas, ingénieur informaticien à la direction technique, a passé de nombreux entretiens ainsi qu’une batterie de tests : « L’embauche a pris plusieurs mois ! Nulle part ailleurs on ne rencontre ce genre de contraintes. Cela peut rebuter, mais l’état d’esprit et la cohésion de groupe sont uniques. » « Les civils possèdent des compétences particulières que n’ont pas les militaires. Ils apparaissent complémentaires, relève Armand, le conseiller recrutement de la DRM, qui elle aussi adapte sa politique d’embauche, de gestion et de promotion du personnel civil. Ici, nous sommes comme un laboratoire où coexistent différents statuts et c’est cette diversité qui fait notre richesse. L’apport du travail effectué par nos civils est énorme. Ils possèdent une expertise pointue et font preuve d’un état d’esprit volontaire et d’une grande motivation. Ils doivent être parfaitement reconnus pour leurs qualités professionnelles. C’est pourquoi le recrutement est un travail d’orfèvre : on fait du sur-mesure ! » Ainsi, un certain nombre de civils de la DRM ont-ils pu appuyer et prendre part à des missions opérationnelles ces dernières années, dans le cadre de la réserve ou dans des fonctions particulières motivantes et attractives.
Bien que les candidatures soient nombreuses, certains postes nécessitant des compétences rares peinent à être pourvus. La difficulté est liée au caractère limité du vivier de candidats, sachant que de nombreuses autres administrations de l’État et des entreprises prospectent des profils analogues, ces dernières offrant un niveau de rémunération nettement plus élevé. C’est notamment le cas pour les ingénieurs informatiques et les linguistes (chinois, russe, turc). Pour dénicher la perle rare, chaque direction n’hésite pas à aller « chasser » à la sortie des écoles : Sciences-Po, grandes écoles d’ingénieurs, Institut national des langues et civilisations orientales, ou encore écoles de commerce. La DRM, pour diversifier les profils, s’intéresse également à des formations moins académiques, dispensées par exemple à 42, une école d’autoformation en codage informatique. « La nouvelle génération est plus zappeuse, plus geek, note le responsable recrutement de la DGSE. Pour pouvoir sélectionner, il faut beaucoup de candidats. Nous proposons des stages de six mois en sortie d’école, ce qui représente un vivier énorme.»
DRSD recherche enquêteurs
Du fait de l’augmentation des embauches au ministère, les besoins d’habilitation pour le personnel s’amplifient : « Entre 2014 et 2017, les enquêtes ont doublé ! On parle peu de ce métier pourtant extrêmement important pour toute la communauté défense », explique Gwenaëlle, chef de la section recrutement et mobilité à la DRSD. Située au fort de Vanves, cette entité spécialisée dans la contre-ingérence et la sécurité du personnel, des informations, du matériel et des installations est la seule compétente pour mener ces procédures d’habilitation. D’ici à 2019, la DRSD, la DRM et la DGSE ont prévu d’engager près de 1 000 civils supplémentaires. Preuve qu’en matière de renseignement, l’habit – civil ou militaire– ne fait pas le moine.
Sources : Ministère des Armées