Il aurait pu être un personnage de roman, tant sa fougue et son courage ont marqué les esprits. Jean Navarre a laissé une empreinte indélébile dans l’histoire de l’aviation française, faisant de lui une figure emblématique de la bataille aérienne de Verdun et l’un des As les plus populaires de la Première Guerre mondiale.
Il est celui que l’on surnomme « La Sentinelle de Verdun ». Jean Navarre fait partie de ces hommes dont la légende a su perdurer au fil des décennies. La sienne commence le 8 août 1895. Jean et son frère jumeau, Pierre, naissent dans la commune de Jouy-sur-Morin, en Seine-et-Marne. Ils sont les aînés d’une famille de onze enfants dont le père deviendra un des plus importants papetiers de France. Tous les deux sont très indisciplinés ; Jean est d’ailleurs régulièrement renvoyé des collèges qu'il fréquente. Seule l’aviation semble l’intéresser. En juin 1914, il entre à l'école aéronautique des Frères Caudron, constructeurs d'avions, deux mois avant que la guerre n'éclate. Il n’a pas le temps de passer son brevet mais sous couvert de mensonges, il réussit néanmoins à se faire incorporer dans l'armée, sur la base de Saint-Cyr-l'École pour y devenir pilote.
Le 1er avril 1915, Navarre connaît son premier succès à bord de son Morane « Parasol » n° 27. Accompagné de son observateur, le lieutenant Robert, il croise un Aviatik allemand près de Soissons qui, sous les balles de Robert, sera contraint de se poser dans les lignes françaises. Une aubaine pour les Français qui capturent les deux aviateurs allemands. Cette victoire, indiscutable, la première de l’escadrille MS 12, vaut à Navarre la Médaille militaire et sa promotion au rang de sergent. Quelques mois plus tard, après trois missions spéciales qui consistent à déposer des agents de renseignements dans les lignes adverses, la Légion d'honneur lui est décernée.
« Jean Navarre signe le premier doublé de la guerre »
En février 1916, volontaire pour se battre sur le front de Verdun, il est transféré à l'escadrille N 67 équipée de chasseurs biplans Nieuport 11 dit « bébé ». Le 26 février, il remporte le premier doublé de la guerre en abattant deux biplaces ennemis et devient dans le même temps un As avec cinq victoires homologuées. De semaine en semaine, ses exploits deviennent un véritable réconfort pour les poilus, le journaliste Jacques Mortane va jusqu’à lui donner le titre de « Sentinelle de Verdun ». Cependant, même couvert d'honneurs et de décorations, Navarre manifeste toujours son indépendance et son indocilité en se livrant à des actes répréhensibles dont les médias ne manquent pas de s'emparer.
Le 21 mai, il remporte son 11e succès et le 17 juin, il abat un biplace ennemi ; ce sera son dernier avion abattu. En effet, le jour même, au cours d’une autre mission derrière les lignes ennemies sur Grandpré (Ardennes), l’As est sérieusement blessé lors d’un affrontement aérien et parvient avec difficulté à se poser sur un terrain de Sainte-Ménehould. Il est évacué vers un hôpital mais à sa blessure physique s’ajoute une dépression nerveuse, celle d’un homme usé par le stress de nombreuses batailles. La mort de son frère jumeau Pierre, abattu en combat aérien le 15 novembre 1916 achève de le miner. Navarre ne revient à la N 67 qu’en mars 1917 et reprend pour un temps ses vols sans rencontrer d’avion ennemi.
La guerre terminée, la Sentinelle se refuse à quitter l'aviation. Il nourrit plusieurs projets, tous plus fous les uns que les autres : une traversée de l'Atlantique comme le réalisera plus tard Nungesser ou encore un passage sous l'Arc de triomphe. Pourtant, aucun n’aura le temps de voir le jour. Engagé comme chef pilote chez Morane-Saulnier, il se tue dans un accident d'avion, le 10 juillet 1919 à Villacoublay. Il n’avait pas 24 ans.
Sources : www.asoublies1418.fr, www.cieldegloire.com
Sources : Ministère des Armées