Ce 11 novembre, Maurice Genevoix, l’écrivain des Poilus, entrera au Panthéon. Une cérémonie en format réduit présidée par le chef de l’Etat, Emmanuel Macron. En quoi le récit de Maurice Genevoix est-il emblématique de l’expérience combattante de la Grande Guerre ? Eléments de réponse avec Michel Bernard, auteur du livre « Pour Genevoix » aux éditions de la Table Ronde.
Maurice Genevoix, lorsqu'il est mobilisé à l'été 1914, prépare l'agrégation des lettres à l'École normale supérieure. Il se destine à l'enseignement. Ayant le goût des voyages, il espère alors une affectation dans un établissement à l'étranger.
En septembre 1914, à la tête d'une section d'infanterie, il participe à la fin de la bataille de la Marne entre Bar-le-Duc et Verdun. Au début de l'automne, il est engagé dans les Côtes de Meuse, où disparaît Alain-Fournier. À partir du mois de février, il participe aux combats meurtriers pour la prise de la crête des Eparges. Il est grièvement blessé à la Tranchée de Calonne le 25 avril 1915.
Définitivement privé de l'usage du bras gauche et déclaré invalide, il entame aussitôt le récit de son expérience de la guerre. Il ne cessera plus d'écrire, avec succès.
Lauréat du prix Goncourt pour Raboliot en 1925 et devenu secrétaire perpétuel de l'Académie française en 1958, il est considéré par les anciens combattants de la Grande Guerre, et plus particulièrement par ceux de Verdun, comme leur porte-parole à partir des années 60. Il est régulièrement invité à la télévision dans les années 70 pour parler de sa passion de la nature et du premier conflit mondial. À sa mort, en 1980, un hommage national lui est rendu aux Invalides.
Les récits de guerre de Maurice Genevoix, rassemblés sous le titre Ceux de 14 en 1949, font plus de huit cents pages pour huit mois sur le front. C'est le témoignage le plus abondant, le plus précis, le plus exact sur l'expérience combattante.
Les combats des Eparges, en raison de leur extrême violence, le bombardement continu d'une position réduite, les incessantes attaques et contre-attaques de février à mai 1915 préfigurent l'intensité de la bataille de Verdun. L'attention portée aux hommes vivants et combattants près de lui, dont plus d'une centaine sont précisément identifiés, donne une épaisseur humaine incomparable à ce texte dont la beauté littéraire a été immédiatement admirée. Il a résisté à l'usure du temps. Malgré son volume, grâce au talent de conteur de l'écrivain, il continue de tenir en haleine des générations de lecteurs. L'émotion qu'il contient est intacte.
La Mort de près, publié en 1972, au moment où il avait décidé de démissionner de la fonction de secrétaire perpétuel de l’Académie française est le chef-d’œuvre d'un écrivain au sommet de ses moyens. Dans ce texte bref, il revient sur son expérience de la mort au combat pour la transmettre aux lecteurs, comme une préparation apaisante aux derniers moments de la vie. Sa lecture est utile à chaque homme.
La dernière harde, La boîte à pêche, Rroû, constituent également des romans de nature d'une force exceptionnelle. Ouvrant sur la beauté du monde, ils ont une valeur initiatique. On lira aussi avec profit, pour mieux connaître l'homme qu'était Maurice Genevoix, son dernier livre, Trente mille jours, un recueil de souvenirs pudique, amical et d'un charme prenant.
Nous autres à Vauquois d'André Pézard, élève de l'Ecole normale supérieure et officier de réserve comme Genevoix, est un témoignage moins étendu, mais d'une force et d'une valeur littéraire comparables à Ceux de 14. Ce récit de la lutte acharnée pour la conquête d’une petite colline meusienne en 1915 et 1916, marquée par les terribles spécificités de la guerre des mines, mérite d'être découvert.
11 novembre 2020 : Maurice Genevoix entre au Panthéon En fin d’après-midi, le chef de l’État présidera une cérémonie au cours de laquelle Maurice Genevoix entrera au Panthéon. Cette décision résulte d’une volonté d’honorer l’un des plus importants écrivains de la Grande Guerre, mais aussi, plus généralement, « Ceux de 14 ». Ils ont incarné la Nation combattante, composée des civils appelés sous le drapeau, des militaires de carrière qui les ont encadrés, mais aussi des femmes qui les ont accompagnées sur le front. |
Michel Bernard est né à Bar-le-Duc en 1958. Haut fonctionnaire il est l’auteur de Mes tours de France (L’Âge d’Homme, 1999, la Petite Vermillon, 2014) et de Comme un enfant, biographie romancée de Charles Trenet (Le Temps qu’il fait, 2003). Après La Tranchée de Calonne en 2007, couronné par le prix Erckmann-Chatrian, il publie aux éditions de laa Table Ronde La Maison du docteur Laheurte (2008, prix Maurice Genevoix), Le Corps de la France (2010, prix Erwan Bergot de l’armée de Terre, Pour Genevoix (2011) et Les Forêts de Ravel (2015, prix Livres et Musiques de Deauville).
À la rentrée 2016 parait, dans la même maison d’édition, Deux remords de Claude Monet, qui obtient le prix Marguerite Puhl-Demange et le prix Libraires en Seine. Publié en janvier 2018, Le Bon Cœur, un roman sur Jeanne d’Arc, reçoit le prix Roman France Télévisions, le prix Michel Dard et le prix littéraire de la ville d’Arcachon.
Sources : Ministère des Armées