Unique salon en Europe dédié aux matériels et technologies des forces spéciales, le Special operations forces innovation network seminar (SOFINS) réinvestit pour sa 3e édition le camp de Souge, près de Bordeaux, du 28 au 30 mars. L’occasion de faire un point sur les FS Terre : en quoi ces dernières sont-elles expertes dans la conduite des opérations aéroterrestres de niveau stratégique ou nécessitant l’emploi de modes d’action spéciaux ? Pourquoi ont-elles besoin d’équipements modernes et adaptés pour conduire leurs opérations ? Le commandant des Forces spéciales Terre, le général de division Patrick Bréthous, nous répond.
Rayonner, mettre en contact tous les acteurs de l’innovation et consolider ce rôle de « laboratoire » des FS Terre. En effet, ce salon contribue à notre rayonnement à travers les démonstrations que nous menons, mettant en avant nos hommes, nos matériels et équipements de pointe. Le SOFINS représente également l’occasion de développer des contacts avec nos homologues alliés, de même qu’avec les industriels (qui exposent des solutions innovantes) et les décideurs présents (DGA, états-majors des armées ou de l’armée de Terre).
Ce salon peut enfin être l’opportunité de découvrir de nouvelles « pépites » qui répondront au mieux aux besoins particuliers des FS en mettant en relation les opérateurs, les décideurs, les industriels et les alliés. Enfin, notre présence conforte également ce rôle de « laboratoire » que constituent les Forces spéciales, pouvant être plus tard mis à profit par les forces conventionnelles, en développant des projets à une petite échelle qui pourront trouver leur prolongement, ultérieurement, dans d’autres unités de l’armée de Terre. Agilité, souplesse d’emploi, furtivité, ubiquité : si nos missions à très haute valeur ajoutée sont différentes des forces conventionnelles, elles n’en sont en effet pas moins complémentaires.
Pour répondre à nos besoins, il y a deux niveaux : ce que nous fournit l’armée de Terre et ce que nous sommes capables de développer en interne. En effet, je bénéficie de la force de frappe innovante de l’armée de Terre. Par exemple, aujourd’hui, nous disposons des hélicoptères les plus modernes de l’armée française : CARACAL, TIGRE, COUGAR nouvelle génération et peut-être demain des CAÏMAN Forces Spéciales. Nous profitons également d’un budget spécifique dont l’EMAT nous dote afin d’acquérir de petits équipements dont nous avons besoin, mais qui n’ont pas forcément d’utilité pour le reste de l’armée de Terre. Dans ce cadre, nous avons ainsi pu acheter des treillis spécifiques, des jumelles d’observation, etc.
Nous bénéficions également de l’appui du COS. Il est notre employeur sur le terrain, et bénéficie d’un certain nombre de prérogatives pour acquérir du matériel et l’expérimenter. En liaison avec nos camarades des forces spéciales maritimes et aériennes, nous testons et employons un certain nombre d’équipements que le COS acquiert, comme les postes de radio PRC 152 qui nous permettent une parfaite interopérabilité avec les membres de la coalition au Levant.
Ensuite, au sein-même des FST, nous disposons dans l’état-major et dans chaque régiment d’un bureau études prospectives qui va chercher à innover, en liaison avec la STAT1, l’EMAT, la DGA2, avec les industriels, afin de nous prévaloir d’une supériorité tactique et technique sur l’adversaire. C’est capital : nous compensons notre faible volume sur le terrain par cette supériorité technologique. Par exemple, le bureau d’études du 4e RHFS a pu développer avec un petit industriel local un laser à guidage pour les viseurs des hélicoptères GAZELLE.
Comme un petit « laboratoire », notre expérimentation de certains matériels peut également avoir des effets positifs sur l’ensemble de l’armée de Terre. Ainsi, le gilet CIRAS de classe IV que nous avons acquis dès le début des années 2000 a été, dès 2009, étendu à l’ensemble de l’armée de Terre lorsque la brigade Lafayette a été engagée en Afghanistan. Plus récemment, après une compétition menée par la DGA, le HK 416 dans sa version F a été choisi pour devenir le nouveau fusil d’assaut de l’armée de Terre. Comme nous l’avions au sein des FST depuis une dizaine années déjà, l’armée de Terre a pu bénéficier directement de notre retour d’expérience.
Dans les années à venir, les principaux enjeux des Forces spéciales Terre (FST) se déclinent en deux grands champs d’action. Le premier est le champ d’action « organique » c’est-à-dire la responsabilité de commandement des FST, dont la mission, sous la férule du CEMAT,est de mettre à disposition des troupes spéciales sélectionnées, équipées
et entraînées au profit du Commandement des opérations spéciales (COS) et de la Direction du renseignement militaire (DRM). Le deuxième, directement opérationnel, est de permettre à mes soldats des FST de répondre et de s’adapter aux conditions évolutives et extrêmes des conflits modernes dans lesquels ils sont engagés, en permanence et en autorelève.
Pour pouvoir relever ces deux défis, j’agis dans quatre domaines :
• 1 - Asseoir le nouveau Commandement des Forces spéciales Terre (COM FST) dans l’armée de Terre « Au contact ».
Alors que jusqu’en juillet 2016, la brigade des Forces spéciales Terre (BFST) était une brigade parmi d’autres, rattachée au Commandement des forces terrestres, les FS Terre constituent désormais l’un des treize commandements divisionnaires rattachés directement à l’état-major de l’armée de Terre (EMAT). Cela se traduit par des responsabilités et des prérogatives élargies. Je dois donc consolider cette nouvelle structure pour qu’elle soit plus efficace, mieux connue, mieux comprise en interne comme en externe et que je puisse faire valoir mes besoins de la meilleure façon qu’il soit auprès de l’EMAT. C’est par l’ouverture, le rayonnement et la compréhension par autrui que nous pourrons aussi valoriser l’effort important fait par l’armée de Terre au profit des FST en dédiant aux opérations du COS et à la DRM plus de 2600 hommes.
• 2 - Préserver ma ressource et en conquérir d’autres.
Aujourd’hui, ma ressource s’appuie principalement sur « l’opérateur », qu’il soit transmetteur, pilote d’hélicoptères, mécanicien, commando action ou équipier de recherche.Je commande des Hommes qui sont formidables, à l’engagement total dans l’accomplissement de la mission. Je dois donc les préserver, améliorer mon organisation, mes processus mais aussi renforcer quelques spécialités déficitaires ou manquantes, comme étoffer mon état-major qui est encore un peu faible pour assumer des responsabilités de pilier divisionnaire rendant compte directement à l’EMAT. Je souligne toutefois l’effort important (en effectifs et financier) consenti par l’armée de Terre ces dernières années au profit des FST qui en fait aujourd’hui la colonne vertébrale de l’engagement de l’armée française dans les opérations spéciales et le renseignement stratégique.
• 3 - Conquérir plus de liberté d’action.
Les FST sont engagées en petites entités, souvent sans préavis, pour des durées variables et dans des zones d’opérations nouvelles et dangereuses. C’est une spécificité. Il faut donc des unités petites, souples, adaptables qui permettent un emploi rapide et immédiatement efficaces, dans des segments différents des forces terrestres conventionnelles. Pour répondre à ce besoin, il faut être capable ici au quartier d’avoir plus de liberté d’action dans l’organisation, la préparation opérationnelle, l’équipement et l’emploi pour pouvoir faire autrement en opérations. Cette liberté d’action nous permettra de conserver cette capacité à avoir un temps d’avance sur l’ennemi et de compenser une faiblesse numérique par la supériorité technique, tactique et la force collective de nos unités spéciales.
• 4 - Préparer l’avenir, construire les FST adaptées aux besoins d’aujourd’hui et de demain.
Avec cette liberté d’action, il s’agit de développer nos capacités à former, entraîner et projeter tous nos opérateurs à partir du cœur des Forces spéciales qui se situe à Pau. Il s’agit aussi de préparer les opérations de demain, afin de ne pas être surpris, en développant la capacité à être un « laboratoire » du combat spécial moderne et ne jamais être surpris par l’ennemi. Avoir un temps d’avance dans la réflexion comme dans l’action, pour s’engager autrement et dans l’extrême.
Droits : armée de Terre 2017