Macédoine, 1918. L’armée française d’Orient est figée depuis deux ans derrière un front de 500 km, tenu en majorité par les Bulgares. Une offensive est lancée le 15 septembre. Cette percée spectaculaire dans les montagnes macédoniennes brise l’armée bulgare et débouche sur un armistice annonçant les redditions futures.
Depuis l’hiver 1915-1916, les armées alliées d’Orient sont bloquées au nord de Salonique en Macédoine. Nominalement placés sous le commandement en chef d’un officier général français, Britanniques, Serbes, Russes, Italiens, Albanais et bientôt Grecs manquent d’équipements et sont victimes d’épidémies de paludisme. Difficilement soutenus, ils sont par ailleurs divisés en raison des priorités nationales de chaque gouvernement.
En 1916 et 1917, le général Sarrail a consacré une grande partie de son temps et de son énergie à s’occuper de politique intérieure grecque, au détriment de la cohésion entre les différents contingents nationaux. Dès sa nomination comme commandant en chef interallié, le général Guillaumat se préoccupe d’organiser un état-major opérationnel et de développer activement les voies de communication vers le Nord. Il prépare également un plan de reprise de l’offensive, soumis à Paris et à Londres à la fin du printemps 1918. Rappelé d’urgence en France lorsque l’armée allemande approche de la Marne et menace à nouveau Paris, il est remplacé en juin par le général Franchet d’Espèrey, qui chausse les bottes de son prédécesseur.
Ayant obtenu l’accord de lancer une offensive majeure en juillet, il consacre le mois d’août et le début du mois de septembre à sa préparation matérielle. Avec 8 divisions d’infanterie françaises, 4 britanniques, 6 serbes, 1 italienne et 9 grecques, il dispose désormais d’une nette supériorité numérique sur les forces ennemies, essentiellement composées de divisions bulgares, appuyées par quelques unités allemandes spécialisées. L’armée française d’Orient, commandée par le général Henrys, engerbe les Italiens, quelques centaines d’Albanais et assure le soutien des Serbes et des Grecs.
Les unités commencent à se mettre en place sur leur base de départ à partir du 12 septembre, dans la plus grande discrétion. L’infanterie doit obtenir la rupture de la première ligne bulgare et l’exploitation revient à la cavalerie. Dans le secteur franco-serbe, il s’agit de la brigade du général Jouinot-Gambetta, constituée des 1er et 4e régiments de chasseurs d’Afrique et du régiment de spahis marocains, renforcés de sections de mitrailleuses et de canons de 37 mm.
L’offensive est lancée le 15 septembre après un intense bombardement des lignes bulgares la veille. La brigade remonte dans la nuit vers les premières lignes. Les Franco-Serbes attaquent avec 5 divisions, dont 3 en première ligne (parmi lesquelles la 122e DI et la 17e DIC), contre deux divisions bulgares.
Dès la fin d’après-midi, fantassins et coloniaux sont maîtres des hauteurs, dont le Dobro polje et le Goliak. Partout, les Bulgares se replient. Le lendemain, la percée est réalisée et les cavaliers entrent en action dans la nuit du 21 au 22 septembre avec pour ordre de privilégier la vitesse et la surprise. Depuis les hauteurs de Prilep, ils doivent s’emparer d’Uskub en passant par la montagne. Jusqu’au 28, les cavaliers progressent seuls, isolés du reste des armées alliées par de mauvais chemins sinueux le long de crêtes escarpées, dans de très difficiles conditions climatiques. Épuisés et affamés, ils surgissent sur les arrières de la XIe Armée allemande (en fait un état-major de théâtre), et pénètrent par surprise dans la ville, important nœud logistique coupant en deux les armées bulgares. Dès le lendemain, la Bulgarie demande les conditions d’un armistice, signé le 30 septembre sans réelles discussions. Les « Jardiniers de Salonique », selon la formule malheureuse de Clémenceau, ont obtenu la première grande victoire de la guerre, faisant sortir du conflit un allié de l’Allemagne et ouvrant par le flanc sud la route de Budapest, de Vienne et de Munich.
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