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Christian CAMBON : « La menace est connue, donnons des moyens pour la combattre ! »

Mise à jour  : 25/01/2018

Ce jeudi 25 janvier, le chef d’état-major de l’armée de Terre a invité une trentaine de sénateurs de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat sur le camp de Carpiagne (Bouches-du Rhône). Objectif : leur faire découvrir de façon concrète et pratique les capacités de l’armée de Terre, au début d’une année qui verra la signature de la Loi de programmation militaire 2019-2025. A cette occasion, Christian Cambon, président de la commission, réaffirme ses engagements et ses grandes orientations en vue d’inscrire dans la durée la remontée en puissance de l’armée de Terre.

1 - Monsieur le président, avant cette journée de présentation, quelle vision aviez-vous de l’armée de Terre ?

L’armée de Terre à mes yeux, c’est un triptyque : engagement, Hommes, territoire.

L’engagement car l’armée de Terre française est engagée à très haut niveau en opérations, à l’extérieur et à l’intérieur de nos frontières. Au total, 20 000 hommes et femmes de l’armée de Terre sont en posture opérationnelle : opérations extérieures, opérations intérieures, forces de présence et forces de souveraineté.

Les Hommes car l’armée de Terre, c’est avant tout des hommes et des femmes, des valeurs humaines de solidarité, de fraternité d’armes, d’autorité aussi. C’est le contact avec la population. Par ses valeurs, par sa connaissance du terrain, l’armée de Terre est avant tout l’armée de la relation humaine.

L’armée de Terre c’est aussi, évidemment, le territoire. Ce lien, quasi charnel, transformé par la fin de la conscription, altéré par les fermetures de régiments qui ont fait apparaître de véritables déserts militaires, est désormais régénéré par la présence plus visible des militaires -au premier rang desquels l’armée de Terre- sur le territoire national. L’armée de Terre est la forme de résilience la plus ultime de la Nation : les Français savent pouvoir compter, en dernier lieu, sur leur armée. À la suite du passage de l'ouragan Irma, l’armée de Terre a été une nouvelle fois au rendez-vous face au désarroi des populations.

L’armée de Terre est aujourd’hui l’un des premiers vecteurs d’intégration républicaine. C’est une armée de soldats jeunes : plus de 70% des soldats sont des contractuels. Le flux de recrutements (environ 12 500 par an) maintient ce dynamisme. C’est un facteur d’intégration à la fois verticale (70% des recrutements de sous-officiers se font chez les militaires du rang), mais aussi horizontale : l’esprit de corps, la solidarité des armes développent le sentiment de cohésion nationale.

2 - Quels sont les principaux défis et échéances qui attendent la commission dans les mois à venir ?

Après la revue stratégique, nous allons entrer dans la phase d’examen de la Loi de programmation militaire 2019-2025, qui sera présentée en conseil des ministres le 8 février, pour un examen parlementaire au printemps, à l’Assemblée nationale et au Sénat.

C’est une échéance que le Sénat a préparée depuis plusieurs mois. Notre commission aurait d’ailleurs souhaité que le Conseil de défense du 6 avril 2016 soit suivi d’une deuxième actualisation de la programmation militaire, pour éviter la situation « d’impasse budgétaire » dans laquelle nous nous sommes trouvés, avec des décisions non financées. Nous n’avons hélas pas été entendus par le précédent gouvernement. Le Sénat a également prôné la formule de la « revue stratégique » plutôt que celle, plus lourde, d’un Livre blanc, dans une logique, précisément, d’efficacité. La menace est connue ; ne perdons pas des mois à la décrire, donnons des moyens pour la combattre !

La revue stratégique a décrit le durcissement des engagements, la dispersion des crises, leur multiplication, leur mutation, depuis les immensités sahéliennes jusqu’au cyberespace, et au cœur même de nos sociétés démocratiques abreuvées de désinformation. Terrorisme, politique de puissance, militarisation des relations internationales : le diagnostic porté par le Président de la République dans ses vœux aux armées procède du même sombre réalisme. L’armée de Terre, les armées en général, ne doit donc pas s’attendre à pouvoir baisser la garde.

Ma conviction, c’est que ce contexte commande de garder un modèle complet d’armée. C’est le message d’un récent rapport d’information du Sénat (« 2% du PIB : les moyens de la défense nationale ») qui a prôné une augmentation vigoureuse des moyens des armées. Le Sénat avait chiffré l’effort supplémentaire nécessaire à 2 Mds€ par an, hors OPEX. Le Président de la République a annoncé 1,7 milliards d’euros supplémentaires par an, OPEX incluses (et 3 milliards à compter de …. 2023, après le quinquennat !).

Dix ans de sur-engagement et de sous-investissement ont éreinté nos armées, qui font face aujourd’hui à un double impératif : réparer le passé, préparer l’avenir. Pour la LPM, l’enjeu est de « doser » de façon optimale entre remédiation indispensable et modernisation, entre équipements et effectifs, entre opérationnel et soutien (éternel sacrifié des arbitrages budgétaires qui est aujourd’hui au bord de la rupture). La situation de surchauffe du Service de santé des armées, la désorganisation des soutiens dans les régiments en sont la manifestation.

3 - En quoi votre travail permet-il à l’armée de Terre de mener à bien son indispensable remontée en puissance et de tenir ses engagements opérationnels ?

Pour l’armée de Terre, le Sénat s’est notamment prononcé pour l’accélération du calendrier de livraison de Scorpion. La montée en puissance de la force opérationnelle terrestre, dans son nouveau format de 77 000 hommes, est une autre préoccupation. Enfin, dans un récent rapport sur les drones, le Sénat prône une politique d’équipement plus souple et volontariste. Au-delà du programme de système de drones tactiques (SDT), un achat possible, pourquoi pas par chaque régiment le cas échéant, de drones commerciaux ?

Sur Sentinelle, le Sénat a toujours souhaité que les compétences des militaires soient mieux valorisées. Nous avons critiqué le dispositif initial et l’absence de doctrine d’emploi ; à vrai dire l’évolution annoncée en septembre par le gouvernement nous semble assez « homéopathique ». L’armée de Terre va sortir du surrégime, mais le « totem » des 10 000 hommes est toujours là et l’articulation avec les forces de sécurité intérieure ne nous semble pas repensée en profondeur. Sentinelle a un coût pour les armées : la préparation opérationnelle a souffert, les familles aussi.

Dernier chantier, potentiellement « dimensionnant » pour l’armée de Terre : le service national universel. Dès mai dernier, un rapport du Sénat a contribué à définitivement écarté le risque d’un retour du « service militaire », chiffré par la commission à 35 milliards d’euros sur le quinquennat. Désormais, nous travaillons avec un double objectif : bâtir un dispositif où la contribution des armées sera pertinente et limitée et garantir l’absence d’impact sur la Loi de programmation militaire. La commission publiera un rapport d’information sur le sujet au printemps.

4 - Un dernier mot : que souhaitez-vous à l’armée de Terre pour 2018 ?

Je souhaite à l’armée de Terre de rester en 2018 ce qu’elle est et qui fait aujourd’hui la fierté des Français : la première armée d’Europe.


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