Accueil | Terre | Actu Terre | Archives | «La guerre probable» par le général Desportes Terre ... Archives | «La guerre probable» par le général Desportes

«La guerre probable» par le général Desportes

Mise à jour  : 28/06/2010

Le général de division Vincent Desportes, commandant le centre de doctrine d'emploi des forces (CDEF) a publié l'ouvrage «La guerre probable - penser autrement». Auteur de plusieurs articles et ouvrages consacrés aux questions tactiques et stratégiques, le général Vincent Desportes analyse dans ce nouveau livre l'évolution des contextes conflictuels et expose les conditions de la nouvelle efficacité militaire.

«La guerre probable», éditions Économica.

>>> Trois questions au général Vincent Desportes

> Vous publiez « La guerre probable - penser autrement » à un moment où chacun s'interroge sur l'avenir de la défense, ce n'est pas fortuit ?

Non bien-sûr. Les enjeux sont essentiels pour la défense de la France et de sa population. Des décisions qui seront prises dans quelques mois vont dépendre le modèle de forces, et donc notre capacité réelle de défense et de protection du territoire national et de nos ressortissants. Il est donc très important que le débat soit ouvert, d'autant que dans ce domaine il n'y pas, par construction, de vérité absolue puisqu'il s'agit de préparer l'avenir. Il faut donc que les différentes sensibilités puissent s'exprimer avant que le débat ne soit tranché.

Il faut surtout que les professionnels de la défense parlent et soient écoutés. Le nouveau statut des militaires leur confère un droit d'expression élargi. Ils doivent donc prendre la parole, écrire, s'exprimer, sinon ils n'auront pas le droit de se plaindre ensuite de n'avoir pas été entendus. Le droit à la reconnaissance intellectuelle n'est pas un droit naturel. Il faut le conquérir. C'est un devoir pour le militaire s'il croit véritablement à sa mission. Dans ce cadre, j'ai jugé que je devais m'exprimer puisque mes fonctions me conduisent à avoir une bonne vision des crises et engagements militaires et que mon métier est, au fond, la réflexion à partir du concret.

J'ai donc ressenti cette obligation d'apporter au débat : je le fais par ce biais.

> Pouvez-vous nous donner un aperçu de vos thèses ?

Les conditions d'emploi de la force ont profondément évolué et l'horizon s'est assombri. Sur le terrain, l'efficacité politique de l'outil militaire conçu hier s'est fortement réduite. Pour retrouver toute leur «utilité», les forces armées doivent se structurer, penser et agir autrement.

Face aux nouvelles menaces, plus diffuses et continues, la coordination des actions de sécurité et de défense est indispensable, mais elles ne doivent pas se mêler dans un ensemble indistinct contraire à une efficacité globale qui doit résulter de la convergence et non de la fusion.

Se contenter d'une défense «à l'arrière» sur le seul territoire national, c'est accepter, d'entrée, la défaite à terme. Comme je le disais longuement dans mon dernier ouvrage, «Introduction à la stratégie», la manoeuvre de défense globale exige une profondeur stratégique qui suppose d'aller défendre «à l'avant». Au-delà de leur rôle dans la dissuasion et la prévention des crises, les armées doivent donc participer, à l'extérieur, à l'étouffement des sources de violence avant qu'elles ne nous atteignent. Cela implique - c'est la grande leçon des conflits actuels ou récents - des «volumes» importants que l'on ne peut sacrifier sur l'autel de l'hyperspécialisation et de la haute technologie. Pour préserver au mieux l'ordre du monde, ce qui passe souvent par la stabilisation ou la restauration d'États en décomposition, il faut déployer des moyens conséquents, au contact, dans la durée.

> Pensez-vous que la population française recevra facilement ce genre de discours ?

Non. Il y a là un véritable défi, car la population française vit aujourd'hui dans une bulle artificielle de sécurité et ne comprend pas toujours l'utilité des dépenses de défense. Pourtant, la contribution des forces armées à la défense globale est essentielle. Par ailleurs, l'Etat et la Nation ont besoin de forces armées à hauteur de l'ambition qu'ils se fixent. C'est vrai de toutes les armées, c'est encore plus vrai pour l'armée de Terre, puisque de tout temps, historiquement, les intérêts de la France - nation continentale plus que maritime - et ceux de ses forces terrestres ont toujours été confondus. Dans la guerre probable, les forces terrestres sont la force de la nation et l'homme est la force des forces terrestres. L'armée, dernier grand corps de l'État parfaitement discipliné, autonome, polyvalent, constitue l' ultima ratio, disponible et efficace à tout moment quand bien même plus rien d'autre ne fonctionnerait. Nous devons donc nous inscrire dans une logique duale, être capable d'efficacité au service de la population et de sa défense, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur de nos frontières.

N'en doutons pas, la France a besoin d'une «armée d'avant-garde» pour une «défense de l'avant».


Droits : Copyright : armée de Terre