Pendant huit jours, quinze blessés de l’armée de Terre ont changé de décor pour se recentrer sur eux-mêmes et leur reconstruction. C’est à Bidart, au pays Basque, que la Cellule d’aide aux blessés de l’armée de Terre conduit le stage ”sport, mer et blessure” les accompagnant après des traumatismes psychiques et/ou physiques.
Ils s'appellent Raphaël, Matthieu, Virginie ou Benoît. Qu’ils se retrouvent ou qu’ils fassent con-naissance, tous, soldats blessés, sont tournés vers un seul et même objectif : la réadaptation physique et psychique. Entourés de dix professionnels de la Cellule d’aide aux blessés de l’armée de Terre (CABAT) et du Service de santé des armées (SSA), les stagiaires coupent leur quotidien composé de routine, de paperasse et souvent d’isolement pour se concentrer sur leur bien-être et l’évolution de leur guérison.
Le stage ”sport, mer et blessure” (SMB) est l’un des quatre outils de mise en situation, de réadaptation et de reconstruction par le sport proposé par la CABAT. Financé par Terre Fraternité, et créé en étroite collaboration avec le général Éric Lapeyre, médecin en chef, il s’inscrit dans une étude médicale sur les équilibres en milieu instable. « Le sport et le milieu liquide induisent des sentiments de liberté et de plénitude, explique l’adjudant-chef Stéphane, expert sports de la CABAT. Cet élément fait travailler l’équilibre, à conserver ou à acquérir. C’est un travail de l’instant. Pendant l’activité, les stagiaires ne pensent pas à leur blessure, à ce qui leur est arrivé, ni au futur, mais sont dans l’instant présent, c’est un point essentiel. »
Réserve, regards alertes, observation. À l’arrivée du groupe sur les lieux, on se scrute. On ose quelques mots pour faire connaissance. Chacun arrive avec son mal, son vécu, son parcours de soins. « J’ai mal en permanence, confie le sergent-chef Guillaume, blessé à la jambe au Mali. Mais je préfère vivre et faire quelque chose de mes journées, être actif, utile, plutôt qu’amorphe à cause des antidouleurs. » Les vallons verts ponctués de notes blanches et rouges, l’air vif de l’océan et l’horizon bleu-gris ouvrent les visages.
« L’objectif aujourd’hui : prendre la vague, seul, se redresser et la surfer ! annonce Thierry, le moniteur de surf. La clef ? Tout vient du regard qui guide votre mouvement. Ancrez bien vos pieds en appuis stables, c’est ce qui va vous permettre de diriger la planche. » Comme une métaphore de son parcours, pour participer à ce stage, il est nécessaire de porter un regard sur son passé avant de poursuivre la reconstruction personnelle et professionnelle. L’eau donne la possibilité de se réapproprier ses sensations corporelles et permet de se mettre en mouvement, d’atteindre un objectif, avec ses forces et ses faiblesses. À commencer par le caporal-chef Manuel, amputé d’une jambe et d’un bras, debout sur le paddle grâce à sa prothèse. « L’essentiel ici est que chacun accepte son corps pour continuer à mener les activités qu’il aime, analyse le médecin kinésithérapeute Frédérique. Cela nécessite des ajustements. Au lieu de faire du paddle debout par exemple, on en fait à genoux ou assis. Ce qui compte ce sont les sensations ressenties, le plaisir procuré. »
« Dans la vie, je ne perds jamais. Soit je gagne, soit j’apprends ». Les mots de Nelson Mandela concluent la deuxième journée. Les attitudes réservées de l’arrivée font place aux sourires, aux coups de main, à la connivence. Les vannes fusent, sans filtre.
Les bénéfices de ce cocktail sont flagrants. « Ce sont des activités qu’on ne pratique pas souvent, comme la pirogue hawaïenne, le surf, détaille l’adjudant-chef Stéphane. Avec quelques consignes, le résultat est instantané, concret et le gain en confiance, immédiat. C’est manifeste avec Virginie : assez introvertie à son arrivée, son sourire est apparu dès la première leçon sur le sauvetage en mer. » S’ajoute à ces plaisirs retrouvés, le sentiment d’être compris. « Ça fait du bien de retrouver des gens comme moi, confie le caporal-chef Raphaël, blessé en Afghanistan en 2011. On discute les uns avec les autres, il y a toujours quelqu’un à l’écoute. » L’encadrement est présent et disponible 24 heures sur 24. Tous les blessés n’en sont pas au même stade de reconstruction. La force du groupe crée l’entraide. Les uns représentant une sorte de repère pour d’autres, pour refaire corps. « Nous nous sommes sauvés nous-mêmes », la description de l’activité sauvetage en mer du caporal-chef Manuel est révélatrice du chemin parcouru. Vient ensuite le temps des projets. Le caporal Raphaël, blessé en 2016 durant l’opération Barkhane, veut devenir barman. Et voyager.
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