Madame la secrétaire générale déléguée,
Messieurs les secrétaires généraux adjoints,
Mesdames et messieurs les officiers généraux,
Mesdames et messieurs,
Il y a bientôt 60 ans, celui qui était le sénateur John Fitzgerald Kennedy prononçait à Los Angeles un discours et une phrase restée célèbre : The New Frontier : « une nouvelle frontière est là, que nous le voulions ou non. Au-delà de cette frontière se trouvent les domaines inexplorés de la science et de l'espace, les problèmes non résolus de la paix et de la guerre, les poches d'ignorance et de préjugés invaincus. »
Ce constat, aujourd’hui, reste plus que jamais exact. Cette nouvelle frontière, nous y faisons face à nouveau.
Notre espace géostratégique a changé. Aux espoirs de paix nés de la fin de la guerre froide ont succédé les craintes de conflits nouveaux, le retour des stratégies de puissance des Etats, l’accentuation de la menace terroriste, qui n’épargne personne et contre laquelle nous avons le devoir d’afficher un front uni.
Beaucoup pensaient au triomphe de la démocratie libérale et de la paix. Aujourd’hui, l’instabilité prédomine, les menaces se font nombreuses, insidieuses.
Le numérique montre la voie d’opportunités nouvelles, inestimables, mais ouvre la brèche sur des menaces pour des ennemis presque intraçables, sans visages et parfois même sans motivation.
Des crises s’ouvrent, plus nombreuses, plus fortes. Des guerres ouvertes se lancent, à nos frontières. Des régions sont annexées, dans la plus totale illégalité.
Alors, face à ce monde instable, déséquilibré. Face à des menaces plus mouvantes, plus pernicieuses, plus difficiles à combattre et à appréhender, nous avons un besoin toujours aussi puissant d’une défense collective forte. Et le socle de cette défense collective est et demeure l’OTAN.
Depuis près de 70 ans, la France tient au pacte originel conclu avec ses alliés. Elle tient à l’article 5, gage de notre sécurité. Elle participe aux opérations de l’Alliance. Elle l’accompagne dans ses évolutions. Car pour mieux s’adapter à un monde qui change, l’OTAN, aussi, change. La gestion des crises fait désormais partie de nos missions et l’OTAN doit être capable, à l’est comme au sud, d’une approche à 360 degrés de nos défis sécuritaires.
Nous ne parviendrons pas seuls à répondre aux menaces qui pèsent sur nous. Et si nous les laissons prospérer, nous en serons tous pour nos frais. Il nous faut donc réaffirmer, clairement, notre ambition pour l’OTAN.
La vision de la France est claire. Le Président de la République l’a donnée à Bruxelles. Il faut améliorer notre défense collective autour d’« une Alliance crédible, unie, moderne et efficace ».
Cet objectif n’est pas un voeu, c’est une nécessité. Mais alors que signifient ces mots et en quoi avons-nous besoin de ressources pour leur donner un sens et une concrétisation ?
Une alliance crédible, d’abord. C’est une alliance capable d’honorer tous ses engagements.
Bien sûr, nous savons que les ressources des Nations ne sont pas infinies mais il en va de la crédibilité de notre défense collective. Sans elle, sans cette crédibilité, nous sommes menacés, exposés. Il faut donc assurer la soutenabilité financière de l’Alliance.
La soutenabilité, c’est un juste équilibre entre ambitions politiques, besoins militaires et ressources financières et humaines disponibles. Cela veut dire, aussi, que l’OTAN doit pouvoir prioriser ses besoins.
Une alliance unie, ensuite. C’est une alliance qui affirme avec force son attachement à l’article 5, au soutien mutuel entre Alliés.
C’est une alliance qui ne peut prospérer que si les pays Alliés s’entendent, s’unissent. Une alliance qui ne peut être tout à fait efficace que si chaque défense est forte. C’est précisément l’objectif de la solidarité européenne en matière de défense, de l’approfondissement souhaité par le Président de la République de l’article 42-7 du Traité sur l’Union européenne.
Attention, je ne souhaite aucune méprise. L’article 42-7 lui-même affirme que le socle de notre défense collective est l’OTAN. Mais je le dis aussi, une OTAN forte, c’est une Europe forte.
Crédible, unie, nous voulons aussi une alliance moderne et exemplaire. C’est-à-dire une alliance transparente.
Chaque euro dépensé dans le cadre de l’OTAN doit pouvoir être justifié devant les Alliés. Les augmentations des budgets de l’Alliance sont possibles comme nous l’avons décidé par exemple au Sommet de Bruxelles. Mais elles doivent toutes être politiquement et militairement justifiées. Il en va de l’adhésion des peuples à l’action de l’OTAN, il en va du respect de la démocratie et des peuples qui consentent à contribuer pour leur défense.
Enfin, nous souhaitons une alliance efficace. Une alliance efficace, c’est une Alliance qui cherche la qualité de nos forces, la précision de nos actions. C’est une alliance qui s’attache à faire mieux, pas toujours à faire plus.
Ce que je dis vaut pour les aspects financiers comme pour les projets capacitaires ou les opérations. Nous devons avant tout être réactifs, modernes, interopérables, projetables. Nous devons innover, toujours ; chercher les solutions de pointes pour répondre aux défis technologiques d’aujourd’hui et de demain. Nous devons gagner en souplesse, en mobilité.
Crédible, unie, moderne, efficace. 4 principes à qui nous devons donner corps. 4 principes qui doivent dessiner nos financements communs.
Car oui, d’abord et avant tout, la défense collective repose sur les efforts consentis de chacun. Cela signifie que chaque Nation doit assurer les meilleurs équipements et la meilleure préparation de ses forces. Augmenter en permanence le budget de l’OTAN n’est pas la solution, il faut que chaque Etat prenne ses responsabilités ; sans quoi nous courons le risque de remplacer notre solidarité militaire par une solidarité financière. Rappelons-nous que c’est l’affaiblissement de solidarité militaire et sa substitution par des contributions financières qui, dans la Grèce antique, a provoqué la mort de la ligue de Delos.
Cette responsabilité nationale, c’est le sens même du droit, de l’article 3 du traité de Washington, de notre solidarity pledge. Cette responsabilité de chaque Etat prend aussi ses racines dans les faits : le budget propre de l’Alliance représente seulement 0,26% des dépenses de défense des 29 pays alliés. C’est donc bien dans les décisions de chaque Etat que le principe de solidarité prend racine.
La France est une vieille Nation. Elle connaît le déchirement des guerres et les espoirs de la paix. C’est dans cet amphithéâtre Foch, au sein de cette école militaire, là où 265 ans d’histoire nous regardent que je m’adresse à vous et que je l’affirme : aujourd’hui, la France prend ses responsabilités. L’enjeu est trop fort. Notre sécurité collective trop nécessaire.
Le Président de la République a pris un engagement fort et invariable : consacrer 2% de notre PIB à la défense d’ici 2025. Cet engagement est devenu concret, ensuite, avec la loi de programmation militaire qui accorde 295 milliards d’euros à la défense françaises d’ici 2025.
Ce sont des moyens exceptionnels pour permettre la remontée en puissance des Armées françaises. Et avec ces moyens, nous avons décidé d’investir pour des Armées modernes, pleinement adaptées au conflit de demain. Nous avons lancé le renouvellement de nos équipements terrestres, navals et aériens. Nous avons augmenté les cibles pour nos capacités les plus stratégiques. Nous avons décidé d’investir dans la cyberdéfense, dans le renseignement, dans le domaine spatial. Nous avons décidé de miser pleinement sur la recherche et l’innovation et de faire des Armées françaises, des Armées à la pointe de tous les défis technologiques.
Grâce à ces investissements, grâce à cette loi, la France sera capable d’intervenir dans tout le spectre. Elle sera capable d’agir dans toutes les circonstances.
Cet effort, la France n’est pas seule à le mener. La plupart des pays européens suivent ce mouvement et après deux décennies de baisse, pour la quatrième année consécutive, les dépenses de défense remontent en Europe.
C’est une excellente chose. Mais il faut maintenant l’inscrire dans la durée et établir des plans pluriannuels ambitieux et crédibles. C’est la condition du rattrapage capacitaire de l’Europe. C’est la raison pour laquelle nous créons, en Europe, des outils capables d’accélérer encore notre rattrapage capacitaire. Le Fonds européen de défense, les projets de la coopération structurée permanente ou encore le budget conséquent pour la mobilité militaire sont autant d’opportunités précieuses pour permettre à l’Europe d’avoir des équipements modernes, à la hauteur, pleinement capables de contribuer à notre défense collective.
Et à côté de ces efforts que chaque Allié doit mener, le financement commun est un complément, pas une alternative.
L’OTAN représente un budget de plus de 2 milliards d’euros par an. Ce sont 12 milliards sur 5 ans. Chaque pays y contribue et la France y prend sa part en investissant un peu plus d’un milliard sur cinq ans dans les budgets civils et militaires de l’OTAN.
Car les dépenses dans le budget de l’OTAN sont utiles pour tous.
Ce sont certaines capacités collectives, mises en commun. Chaque année, l’OTAN consacre 700 M€ aux dépenses d’investissement. La France continuera de soutenir les programmes stratégiques financés en commun, notamment dans le domaine de la surveillance aérienne ou de la défense anti-missile.
Ce financement commun, c’est une structure de commandement permanente, qui apporte efficacité au commandement et au contrôle de l’ensemble des acticités de l’Alliance.
Et ce financement, bien sûr, ce sont aussi des opérations et des missions, au service de la sécurité de tous, en Afghanistan, au Kosovo, en Méditerranée ou encore en appui de la coalition au Levant, directement pour abattre Daech.
Ce budget est nécessaire. Nous en avons besoin. Et sur ce sujet comme pour les autres, nous devenons maintenir l’unité. Le contexte stratégique est trop grave, nous ne pouvons nous permettre des divisions quand nous avons besoin d’afficher un front uni.
Car nous le savons bien, si le budget de l’OTAN a augmenté depuis 2016, c’est pour faire face à cet environnement stratégique si exigeant. Et cette augmentation a offert des résultats concrets. Il a permis de renforcer notre posture de dissuasion de défense et de nous préparer mieux aux menaces cyber et aux menaces hybrides.
Nous devons continuer à donner à l’Alliance les moyens de mettre en oeuvre les objectifs que nous lui fixons. Nous devons lui donner les moyens de jouer pleinement et efficacement son rôle. C’est précisément ce que nous faisons en adaptant la structure de commandement de l’OTAN ou en soutenant dans la durée la nouvelle mission de l’Alliance en Irak.
Ces décisions sont le reflet de notre volonté politique. Elles sont le reflet de ce que nous souhaitons que l’Alliance devienne. De la manière dont nous voulons que l’Alliance agisse. Elles demanderont des moyens supplémentaires. Nous y consentons mais nous ne voulons ni dérive, ni dogmatisme. Le toujours-plus d’argent n’est pas la solution, tout comme il serait insensé et dangereux de nous opposer par principe à toute augmentation des ressources de l’OTAN.
Toutes ces discussions, en réalité, nous ramènent à l’enjeu fondamental qui nous rassemble : assurer la sécurité du continent européen. Cette question est l’affaire de tous.
La France y prend part pleinement. Elle est une puissance nucléaire. Elle agit dans le cadre de l’OTAN au titre des mesures d’assurance. Elle emploie, aussi, en dehors de l’OTAN, des milliers de militaires, au quotidien, pour combattre le terrorisme à sa source, arrêter les trafics, assurer la protection de tous.
Je sais que la France n’est pas seule. Je sais que les pays européens sont déterminés pour assurer leur protection.
Et chacun doit agir pour notre défense collective, dans les Etats comme pour l’OTAN. Chacun doit donner une concrétisation au principe de solidarité, doit le faire vivre et s’engager pleinement pour lui.
La solidarité et la défense collective sont indissociables. Elles sont impératives pour assurer la défense du continent européen, de l’espace euro-atlantique. Nous devons le garder en tête dans chacune de nos décisions. Et je souhaite que cela soit le sens que nous donnions à cette conférence des ressources de l’OTAN.
Je suis donc très heureuse d’accueillir ici, à Paris, la famille de l’OTAN. Je souhaite vous souhaite deux journées de discussions passionnantes et que cette conférence puisse porter tous ses fruits.
Merci à tous !