Quittant son poste après un an de mission, le général de Marsac, représentant du commandant de la Force Barkhane au Mali, revient sur les évolutions majeures du pays dans lesquelles la représentation Barkhane au Mali (RBM) joue un rôle politico-militaire important.
Mon général, pouvez-vous nous expliquer votre fonction et vos missions en tant que RBM ?
Situé à Bamako, la RBM dispose d’un état-major d’une vingtaine de personnes, essentiellement composé d’officiers de liaison (OL) ou de détachements de liaison (DL).
La mission première de la RBM consiste à relayer l’idée de manœuvre du COMANFOR aux autres forces ou missions maliennes, sahéliennes et internationales, dont les postes de commandement sont à Bamako : la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations-Unis pour la stabilisation au Mali (MINUSMa), l’état-major général de l’armée malienne (EMGA), la Force Conjointe du G5 Sahel (FC-G5S), European training mission (EUTM) et European capacity bulding (EUCAP). Il s’agit donc d’un échelon important de Barkhane pour encourager la coordination et la synchronisation des planifications opératives des partenaires.
J’assure également la liaison avec l’ambassadeur de France à Bamako, en coordination avec la mission de Défense. Je m’insère dans le fonctionnement de « l’équipe France » sur place, qui s’incarne notamment dans les réunions « 3 D » qui associent les trois dimensions de la stratégie de résolution de crise au Sahel : la diplomatie, la défense et le développement. La RBM abrite d’ailleurs le chargé de mission développement du COMANFOR, personnel civil de l’Agence Française de Développement. Je représente enfin Barkhane dans un certain nombre d’instances et notamment dans les commissions techniques de sécurité de l’accord de paix et les comités de suivi de Pau au Mali.
Avez-vous senti une accélération particulière depuis le Sommet de Pau ?
Il y a bien un avant et un après Pau.
Au plan stratégique, la tenue de comités de suivi réguliers a permis un suivi efficace des engagements communs pris par les chefs d’Etat du G5. Le sommet de Nouakchott a acté la poursuite de ces rendez-vous, et la RBM y sera attentive puisqu’elle y assiste auprès des autorités maliennes.
Au plan opératif, l’effort marqué par le COMANFOR sur l’appui apporté aux partenaires implique un rôle clef de la RBM. Nous avons dû monter en puissance pour y contribuer avec la mise en place d’un détachement de liaison et de mentorat auprès de la FC-G5S, d’un détachement de liaison et de conseil auprès de l’état-major malien dans le cadre de la conception du plan Maliko, d’un officier juriste en appui à la FC-G5S et d’un officier communication.
Les avancées sont nombreuses. Elles sont d’abord opérationnelles, avec la conduite d’opérations coordonnées ou nationales. Ces opérations ont de très bons résultats tactiques, permettant notamment l’asphyxie de l’Etat islamique au grand Sahara (EIGS). Début 2020, près de 5 000 soldats de toutes les forces opéraient dans la zone des trois frontières. Ce volume d’engagement n’avait jamais été atteint.
Ces avancées sont ensuite capacitaires. La montée en gamme des partenaires est palpable, grâce à tous les efforts entrepris par la communauté internationale : équipement, formation, entraînement et immersion au sein de Barkhane.
Elles sont enfin politiques, au sens de la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation. Même si beaucoup de retards sont à déplorer, des succès doivent être soulignés et notamment le début du redéploiement de l’armée reconstituée, que Barkhane a soutenu et appuyé, en 2e échelon derrière la MINUSMa.
S’il fallait retenir quatre avancées majeures depuis votre arrivée lesquelles seraient-elles ?
Pour citer des avancées majeures auxquelles la RBM a contribué, j’en retiendrai une par force ou mission.
S’agissant des maliens, je retiendrai la constitution des deux premières unités légères de reconnaissance et d’intervention (ULRI) que Barkhane a acheminées, entraînées, équipées avec des pick-up et des motos et finalement accompagnées au combat. La RBM s’est occupée de l’acquisition de ces équipements. Aujourd’hui, les ULRI opèrent dans le Liptako et le Gourma, et ont déjà obtenu des succès tactiques.
La montée en puissance de la FC-G5S constitue une vraie satisfaction et répond au besoin de sahélisation de l’engagement dans la région. Pour ce qui concerne la RBM, le partenariat de combat s’incarne dans l’installation début juin du PCIAT de la FC-G5S à Sénou.
Concernant la MINUSMa, je citerai l’appui au redéploiement des unités maliennes reconstituées, réalisé cette année à Gao, Tombouctou, Kidal et Ménaka. Du côté de la force Barkhane, le général commandant la RBM participe aux commissions techniques de sécurité où se décident en particulier les modalités de redéploiement.
L’EUTM aura quant à elle démarré l’appui à la recréation d’un cycle opérationnel au profit des forces armées maliennes (FAMa), assurant deux préparations opérationnelles avant déploiement, à partir du camp de Koulikoro (167 militaires formés en février, 149 en mars).
Quelles perspectives entrevoyez-vous pour les mois à venir dans les domaines dans lesquels votre successeur aura un rôle à jouer ?
Les perspectives sont nombreuses, beaucoup de chantiers ou d’initiatives ont été lancées cette année dans le cadre de la Coalition du Sommet de Pau.
J’en citerai quelques-uns :
- la poursuite de la constitution des ULRI, en lien avec le CEMGA ;
- la poursuite du redéploiement de l’armée reconstituée et du désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) ;
- la montée en puissance de la Task Force Takuba, qui inclut l’arrivée de contingents étrangers de forces spéciales qui agiront en binôme avec des unités maliennes ;
- la montée en puissance de l’EUTM, dont le nouveau mandat permet davantage de déploiements sur le terrain, notamment à Gao avec le soutien de Barkhane ;
- la reprise d’un cycle opérationnel des FAMa avec le concours de l’EUTM ;
- la mise en œuvre du partenariat militaire opérationnel ;
- la poursuite des opérations de rétablissement de la ligne de défense le long des frontières du Liptako-Gourma démarrées à Labbézanga par la construction d’un camp en « étoile ».
Ce ne sont pas les sujets qui manquent, et ceux que j’ai cités nécessitent des actions de coordination avec les forces partenaires que mon successeur pilotera depuis Bamako.
En format « équipe France », le travail en « 3D » devra se poursuivre car là aussi les impératifs de coordination sont forts, pour donner toute sa puissance à l’action française dans la zone.
Conduite par les armées françaises, en partenariat avec les pays du G5 Sahel, l’opération Barkhane a été lancée le 1er août 2014. Elle repose sur une approche stratégique fondée sur une logique de partenariat avec les principaux pays de la bande sahélo-saharienne (BSS) : Burkina-Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad. Elle regroupe environ 5 100 militaires dont la mission consiste à lutter contre les groupes armés terroristes et à soutenir les forces armées des pays partenaires afin qu’elles puissent prendre en compte cette menace.
Sources : État-major des armées
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