Dubaï 2021 reste un salon à la croisée des chemins qui repose sur une industrie locale et régionale fleurissante dans tous les domaines aéronautiques. La Russie aura été un invité de choix et demeure un partenaire commercial incontournable. Depuis le réchauffement de ses relations avec les Emirats, Israël, par sa première participation, confirme également son intérêt pour cette zone géographique. Une présence occidentale et asiatique à son tour très prononcée tant en matière d’aéronautique civile que militaire. Le DubaÏ Airshow aura été l’un des rares salons aéronautiques à avoir eu lieu cette année et aura répondu à toutes les attentes en termes de nouveautés et d’annonces en cette période sanitaire difficile.
Une dimension locale prégnante
L’industrie aéronautique locale est à mettre en avant avec la 1re apparition du CALIDUS B-350 de la société émirienne CALIDUS, avion d’attaque à turbopropulseur doté de 12 points d’emport ; une capacité pouvant être augmentée par l’utilisation de lanceurs multiples. Equipé d’un moteur Pratt&Whitney PW127, il développe une puissance de plus de 2500 chevaux. Il dispose également d’une tourelle électro-optique et infrarouge rétractable sous le fuselage. Annoncé avec une endurance de 7 heures et un rayon d’action de 350 km, l’appareil est toujours en développement et son marché potentiel (local ou à l’export) est toutefois incertain.
CALIDUS B 350
Etait présenté par le constructeur suédois SAAB et l’armée de l’air émirienne, un avion d’alerte et de détection aéroporté : le GLOBALEYE. Le 1er appareil est entré en service au sein des forces émiriennes fin 2020 dans le cadre du programme Swing Role Surveillance System. Actuellement au nombre de trois, la dotation finale sera poussée à cinq à l’horizon fin 2022. Basé sur le jet d’affaires BOMBARDIER GLOBAL 6000, répondant aux spécifications émiriennes, il est doté de capacités de détection très étendues grâce à son radar ERIEYE ER et son système de contrôle de mission. Il permet de suivre des missiles de croisière dans un environnement dense et brouillé, des tirs de missiles balistiques et de missiles hypersoniques, tout en détectant des cibles de petite taille évoluant à basse vitesse sur terre, dans les airs ou en mer. Lors de la conférence de presse, il a été précisé que cet appareil a été récemment choisi pour équiper les forces aériennes suédoises et a été proposé à la Finlande dans le cadre du programme « HX Future Fighter ». SAAB a évoqué les évolutions futures de son appareil portant principalement sur l’autoprotection et les liaisons de données afin de s’adapter aux nouvelles menaces. Un changement de porteur serait également prévu, il s’agirait du GLOBAL 6500.
GLOBALEYE
Autre nouveauté émiratie, cette fois - ci dans le domaine des drones. Le groupe émirien EDGE a présenté de nombreux équipements, dont le drone REACH-S pour lequel ce fût la 1re apparition. Présenté sur l’exposition statique, il peut être équipé avec des missiles DESERT STING 16 de chez HALCON, et peut emmener différents types de munitions et charges utiles jusqu’à 140kg. L’endurance annoncée est de 24h et sa masse maximale au décollage est de 700 kg. Il est équipé d’un moteur classique ROTAX 912. Son développement est achevé et sa production devrait débuter dans les toutes prochaines semaines.
REACH-S
Parmi les récents équipements développés par EDGE/ADASI, il est à noter la présentation des munitions rôdeuses de la famille QX, révélée pour la 1re fois lors du salon IDEX 2021. Les QX-1, 2 et 3 sont des quadrirotors à décollage vertical. Du QX-1 tenant dans un sac à dos et fonctionnant en mode kamikaze au QX-3 pouvant délivrer jusqu’à quatre munitions guidées de précision, ces différents drones ont pour vocation d’équiper les forces d’infanterie et les forces spéciales. Le dernier de la famille, le QX-4 est à voilure fixe, prévu pour tirer deux munitions de précisions, son endurance est de 90 minutes et dispose d’une caméra vidéo en temps réel.
FAMILLE QX
Le groupe se positionne comme un acteur majeur de l’industrie de défense et un partenaire privilégié des forces émiriennes. Durant DAS 21, EDGE et les forces armées ont signé plusieurs contrats portant sur la MRO et l’achat d’armements. Outre les drones, nombreux sur l’espace d’exposition, tout un panel d’armements était également observable. Parmi ces derniers, a notamment été présentée la famille de munitions intelligentes AL TARIQ, dotées de guidage INS et GPS, leur permettant une précision à dix mètres. Ces bombes peuvent également être équipées de têtes à guidage terminal laser ou infrarouge, améliorant ainsi leur précision.
AL TARIQ
Dans la catégorie des drones cargo, il est à noter la présence de la société émirienne AURA avec son drone AURA-100. A voilure tournante contrarotative à carburant solide, il présente une capacité d’emport de charge utile de 100 kg. Disposant d’une endurance de plus de 6 h, il peut parcourir jusqu’à 250 km. Ses applications actuelles sont purement civiles : lutte contre les incendies, missions de transport cargo, missions logistiques. Il est également prévu pour réaliser des missions aux profits de navires.
AURA 100
Le groupe saoudien SAMI avec sa filiale AEC a présenté son drone hybride BARIQ. Il s’agit d’un appareil multi rotors à décollage vertical conçu pour des missions ISR (intelligence, surveillance and reconnaissance) et des missions cargo. D’une envergure de deux mètres, il dispose d’une endurance de quatre heures sans charge utile et de trois heures avec 12 kg. Equipé d’une tourelle électro-optique, il peut également être armé d’équipements de guerre électronique.
UAV BARIQ
La Russie, un invité majeur
ROSTEC, United Aircraft Corporation et Sukhoï ont choisi DAS 2021 pour la première présentation à l’export de leur nouvel avion de combat léger multi-rôles CHECKMATE. Tout comme lors de sa première lors du MAKS 2021, il était présenté sous forme de maquette échelle une dans un pavillon dédié avec son et lumière. Cette présentation constitue un signal fort, suite à l’accord signé en 2017 entre la Russie et les Emirats Arabes Unis ; sa présence pourrait en effet confirmer un intérêt des EAU dans ce projet. Ici visible en version monoplace, une version biplace et une version drone sont d’ores et déjà prévues par le constructeur. Il est équipé d’un radar multimode à antenne active, d’un cockpit entièrement digital complété par une visualisation tête haute identique à celle du Su-57. Avec ses trois soutes, il sera capable d’emporter jusqu’à 7,4 t d’armement air-air et air-sol. Quant à ses performances le rayon d’action annoncé est de 1500 km, celui-ci pourra être accru grâce à sa capacité de ravitaillement en vol. Il devrait atteindre la vitesse de Mach 1.8 sans post-combustion, et donc disposer d’une capacité de super croisière.
UAC CHECKMATE
La société russe KRONSHTADT a présenté pour la 1re fois à l’étranger son drone armé ORION-E, destiné à l’export et évolution du drone de reconnaissance ORION. Equipé d’un système de communication par satellite (SATCOM), il peut emporter des missiles anti-char VIKRH et des bombes de type OFAB ; ainsi qu’une masse maximale en armement supérieure à 200 kg sur 3 points d’emports. Les charges utiles proposées comprennent des systèmes EO/IR, des équipements SIGINT, radar aéroporté et équipement de guerre électronique. Il disposerait d’une endurance maximale de 24 h avec une charge utile de 250 kg. Des contrats auraient d’ores et déjà été conclus sans plus de précisions. KRONSHTADT a construit une usine qui lui est dédiée dans la ville russe de Dubna.
ORION-E
Un autre fabricant de drone russe, ZALA AERO, présentait l’un de ses drones, le ZALA 421-16E, en utilisant une réalité augmentée qui lui permettait d’apprécier la mise en œuvre du système. Lancé par une catapulte, il est doté d’une propulsion électrique, et sa charge utile est protégée par un airbag lors de l’atterrissage. Il est équipé d’une capacité électro-optique caméra vidéo infrarouge et photo, et est annoncé avec une endurance de plus de 4 h. Durant le salon, ZALA AERO a signé un contrat portant sur l’acquisition de sept systèmes de drones par la société UAV LATAM basée au Panama et opérant dans toute l’Amérique latine.
ZALA 421-16E
Parmi les hélicoptères présentés sur l’exposition statique, tout un périmètre était réservé aux appareils du groupe RUSSIAN HELICOPTERS.
L’hélicoptère de reconnaissance et d’attaque de KAMOV, le Ka-52E, était exposé ici dans sa version export et ce pour la première fois. Conçu pour la destruction de chars, véhicules de combat blindés ou non, troupes et hélicoptères, tout un panel d’armements et d’équipements pouvant lui être ajoutés étaient présenté. Une évolution de la tourelle optronique, le radar REZETS et le missile ITEM 305E constituent les nouveautés observées. Le Ka-52E a également réalisé des présentations en vol montrant sa manœuvrabilité en combat.
KA 52
Autre hélicoptère de combat également présent, la version améliorée du Mi-28NE était ici accompagnée de sa panoplie d’emport, parmi laquelle se trouvait également le missile guidé multifonctions ITEM 305E. Cet hélicoptère a fait sa toute première démonstration en vol hors Russie.
Le Dubaï Airshow aura été également l’occasion de dévoiler à l’étranger un hélicoptère à vocation civile prévu pour travailler en très haute altitude, soit à plus de 6000 mètres. Il s’agit de la version modernisée du Ka-226T Climber. Il dispose d’une motorisation française du groupe Safran. Il est intéressant de préciser que cet hélicoptère est l’un des rares appareils russes à disposer d’un cockpit moderne avec des écrans multifonctions. De plus, il était présenté avec des jumelles de vision nocturne associé au casque, ce qui est plutôt habituellement réservé au domaine militaire.
KA 226 T
Israël, nouveau venu à Dubaï…
Parmi les sociétés israéliennes présentes, UVision, fabricant de la famille de munitions rodeuses HERO, a exposé comme nouveauté la « air-launched munition », version lancée à partir de tous types d’aéronefs. L’avantage du nouveau système est l’accroissement du rayon d’action de la munition. Cette version venant compléter la famille de munitions lancée à partir du sol.
FAMILLE HERO
Déjà présente lors du dernier salon MILIPOL, la société SKYLOCK du groupe israélien AVNON a choisi Dubaï pour présenter pour la seconde fois à l’export plusieurs équipements de lutte anti-drone. Etaient notamment présentés des équipements conçus pour le fantassin des forces spéciales, un système portable de détection et de brouillage tenant dans un gilet pare-balles, et un fusil SKYBEAM permettant le brouillage de drone. Un système anti-drone installé sur remorque était également présenté. Il est conçu pour la protection de zones ouvertes ou d’emprises. Précédemment, il avait été observé sur un van. Le système est adaptable sur différents véhicules selon les spécifications des clients. Il était présenté installé sur un mat télescopique pouvant s’élever jusqu’à 10 m. Il est composé d’un détecteur radiofréquences, de radars, de caméras électro-optiques et de brouilleurs.
SKYLOCK ANTI DRONE SYSTEM
Les constructeurs asiatiques étaient aussi présents...
La Chine via AVIC présentait le L-15, avion d’entraînement avancé. Une large panoplie d’armement et d’équipements accompagnait sa présentation sur le statique. Le Japon présentait quant à lui, une nouvelle fois son avion de transport stratégique C-2.
Autres acteurs moins connus, Singapour avec la firme F-DRONES, a présenté un drone cargo à voilure tournante, l’HYPERLAUNCH. Il a été développé pour réaliser des opérations logistiques en mer (navires et plateformes offshore). Prévu pour transporter 5 kg de charge utile sur 50 km, il fait partie d’une famille de drones fonctionnant en autonome comprenant l’HYPERCOPTER avec sa charge utile de 10 kg sur une distance de 15 km, qui sera complétée à l’horizon 2023 par le drone HYPERLAUNCH HEAVY dont les capacités monteront à 100 kg de charge utile sur 100 km. Les premières livraisons du drone HYPERLAUNCH devrait débuter avant la fin de cette année, les clients restant inconnus.
HYPERLAUNCH
La société thaïlandaise R V CONNEX présentait un drone tactique SKY SCOUT. Il a été présenté travaillant en réseau intégré, combinant un ISR Center et un satellite. Cet ISR Center, à vocation civile ou militaire est utilisé notamment pour la récupération des images prises par les vecteurs et la fusion des données. En effet, le drone est doté d’une capacité IMINT (électro-optique et infrarouge) et SIGINT. Il intervient dans ce réseau intégré en tant que remplaçant du satellite si celui-ci est rendu inopérant en raison de la présence de couches nuageuses. Dans sa version militaire, le SKY SCOUT peut être armé de missiles de type THALES Free FALL LLM. Le système a été entièrement développé en Thaïlande.
SKY SCOUT
Monde occidental, des nouveautés dans le domaine des munitions intelligentes, des équipements de guerre électronique, des drones et de l’anti-drone.
Un nouveau venu dans la fabrication de munitions intelligentes, le groupe brésilien MAC JEE. Constitué de trois filiales, MAC JEE DEFENSE, MAC JEE TECHNOLOGIE et sa dernière acquisition MAC JEE EQUIPAER, le groupe produit différents types d’armements et réalise des transferts d’usines et de technologies. MAC JEE DEFENSE produit des bombes à emploi général BGB 81 à 84 (Brazilian general bomb) entièrement conçues au Brésil. Cette entreprise a développé également une bombe à pénétration, la BPB-2000, capable de traverser deux mètres de béton. Un lance-roquettes multiple fait également partie du catalogue. L’ARMADILLO se compose de trois modules de 24 roquettes de 70 mm cachés dans un véhicule. A vocation forces spéciales, il a une portée de 10 km et permet d’effectuer des tirs de saturation avec système de rechargement automatique des modules.
La nouveauté présentée à Dubaï est la munition intelligente DAGGER, kit de voilure et de guidage pour bombes à emploi général de type Mk, en particulier Mk 82, destiné au marché de défense national et international. Les atouts de ce kit de guidage sont l’augmentation de la précision de tir et de la protection de l’avion tireur, il permet aussi de réduire le risque de dommages collatéraux. Disposant d’une fusée électronique et d’une portée de 120 km, il permet de frapper des cibles fixes ou mobiles sur terre et mer. Il dispose également de la capacité “tir et oubli” au-delà de la portée visuelle.
DAGGER
Fournissant des solutions ISR (Intelligence Surveillance and Reconnaissance) aéroportées, l’industriel américain L3 HARRIS a présenté une nouvelle charge utile, le pod RASISR, qui permet d’accroitre considérablement la capacité ISR de plateformes aéroportées. Mesurant deux mètres de long, il peut être adapté sur différents aéronefs, même sur drones et est adaptable selon le type de mission. Dotés de plusieurs antennes, il permet de collecter du renseignement d’origine électromagnétique.
RASISR
Dans le domaine du drone cargo, la firme américaine KAMAN a présenté son drone quadricopter KARGO prévu pour mener en autonome des missions d’ordre logistique. Cet appareil a été développé en accord avec les exigences exprimées par l’US Marine Corps. D’une masse de plus de 600 kg et pouvant emporter environ 360 kg de charge, il pourrait parcourir une distance de 525 km.
KAMAN KARGO
Autre drone présenté par la société américaine MARTIN UAV, le drone tactique V-BAT 128, en dépit de sa forme singulière, il s’agit d’un appareil à décollage et atterrissage vertical spécialement conçu pour mener des opérations à partir de la terre ou en mer. A propulsion électrique (une version à carburant est en développement), il dispose d’une endurance de plus de dix heures. Sa charge utile d’environ 11 kg est composée d’un système d’imagerie, d’un radar d’ouverture synthétique, d’un désignateur laser et d’un AIS (système d’information automatique). Le système est transportable par hélicoptère ou par véhicule avec mise en œuvre rapide et ne nécessite pas de système de récupération. Ce drone équipe déjà les forces spéciales américaines et sera dans le futur en service au sein de l’US Army.
V-BAT 128
Revenons sur le domaine lutte anti-drone, et la solution innovante proposée par la société FORTEM TECHNOLOGIES avec le système C-UAS Skydome. Ce système est composé d’un radar TrueView assurant une bulle de protection d’une zone sur 360°, d’un ou plusieurs « DroneHunter », et d’un système hardware et software de gestion SkyDome.
Le DroneHunter sert à la protection d’infrastructures sur cibles lentes ou rapides avec un système de récupération par filet. Guidé par son radar trueView intégré, il dispose d’une portée de détection de 2 km et est entièrement automatique du décollage jusqu’à son retour. Il peut également travailler en réseau. Pour accomplir la neutralisation de la menace drone, il est doté de deux canons à filet (NetGun). Deux tailles de filet sont proposées, une 3,2 m x 3,2 m et une de 5m x 5m, pour les cibles lentes ou rapides. Son aire de travail est déterminée au préalable, il peut discriminer la dangerosité ou non d’objets évoluant dans cette « safe zone ». Côté chiffres, l’appareil pèse 20 kg et mesure environ 1 m², il évolue à 100 km/h. Le système a récemment été utilisé pour la protection des jeux olympiques de Tokyo. Outre la protection de sites fixes, il peut également servir à la protection de plateformes mobiles telles que navires ou convois. L’interception éventuelle de drones dans ces conditions implique en revanche une prise en charge manuelle du DroneHunter pour le ramener à destination.
DRONE HUNTER
La firme danoise WEIBEL a présenté une gamme de radars de surveillance XENTA-C pour la détection de drones, déclinés en version civile ou militaire. La version civile est utilisée pour la protection des aéroports, le contrôle de frontières, la protection des sites sensibles et d’évènements. Elle permet également la gestion du trafic aérien et du trafic drones. La version militaire de ces radars sont montés sur véhicule terrestre. Développés pour contrer la menace drone grandissante, il s’agit de radars doppler 3D à onde continue. Les XENTA-C1 et XENTA-C3, respectivement basse puissance (60 W) et haute puissance (240 W), permettent la détection et la poursuite de tout type/taille de drones à voilure fixe ou tournante. Avec un angle d’élévation de 30°, ils réalisent une surveillance sur 360°. La version basse puissance est donnée pour une portée instrumentée de 50 km, tandis qu’elle est de 75 km pour la haute puissance. Il est service au sein des forces norvégiennes.
XENTA
En attendant l’édition 2023, il est à retenir, la grande diversité des pays exposants, la première présentation à l’export du dernier chasseur développé par la Russie, la première participation des Israéliens et la poursuite des développements des munitions rodeuses et des systèmes anti-drones.
Sources : État-major des armées
Droits : Ministère des Armées