La signature des accords d’Évian le 18 mars 1962 met fin à près de huit années de guerre entre la France et l’Algérie et ouvre la voie de l’indépendance pour le peuple algérien.
Cependant, alors que le cessez-le-feu entré en vigueur le 19 mars à midi officialise la fin des combats contre les indépendantistes algériens, l’armée française et les forces de l’ordre continuent de se battre contre les commandos de l’Organisation Armée Secrète (OAS).
Depuis l’échec du putsch des Généraux, l’organisation dirigée par le général en retraite Raoul Salan intensifie ses actions de guérilla urbaines afin de peser dans le maintien de l’Algérie française.
Pris entre les feux d’une guerre civile et un règlement politique qui les dépasse, les Européens d’Algérie n’ont finalement d’autre choix que celui de s’exiler vers la métropole.
Et c’est bien là ce que nous disent les images prises par les opérateurs du Service cinématographique des armées (SCA) dans le contexte des négociations d’Évian.
En effet, ces derniers consignent le dénouement tragique de la présence française en Algérie à travers la représentation des affrontements violents qui opposent les forces de l’ordre aux commandos de l’OAS entre les mois de mars et de juin 1962.
Invisible physiquement, l’OAS nous apparaît pourtant sur les murs à travers les messages et les inscriptions que l’organisation souhaite transmettre à l’opinion publique, et les attentats commis contre les magasins ou les personnes. Ces images témoignent alors de la radicalisation de son action armée. C’est ensuite l’essoufflement du mouvement qui est figuré avec le démantèlement des caches d’armes qui nous laisse entrevoir les arsenaux dont disposaient alors les commandos de l’OAS.
Chose étonnante, au regard de la production du SCA entre mai 1956 et mars 1962, les opérateurs du SCA enregistrent, presque pour la première fois dans l’histoire algérienne du service, la violence brutale des combats et leurs conséquences tragiques. Ce basculement dans le rendu visuel des évènements marque une nouvelle étape dans la façon d’appréhender une situation changeante dans les rapports entre la France et l’Algérie.
C’est comme si, en mettant fin aux opérations de maintien de l’ordre, les accords d’Évian mettaient également fin, presque du jour au lendemain, à l’ensemble du système de représentation du conflit mis en place par le pouvoir français, autorisant ou légitimant du même coup, au nom de la paix retrouvée, la représentation officielle d’un affrontement fratricide aussi violent qu’inutile, susceptible de porter préjudice à la transition importante qui s’annonce.
De ce point de vue, les photographies et les rushes réalisés par les opérateurs du service dans les mois qui précèdent et qui suivent la signature des accords d’Évian nous montrent la réalité d’une guerre qui se joue visuellement pour la première fois, en Algérie.