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Indochine

Mise à jour  : 08/09/2014 - Direction : DGSE

« Indochine »

(1944-1954)

De la seconde guerre mondiale à la guerre froide

Dès le début du 19esiècle, le concept d’« Indo-Chine » apparaît sous la plume de Conrad Malte Brun, géographe danois, fondateur de l’Institut géographique français. À la suite des premières guerres de l’Opium (1839-1841), qui ont entraîné le démembrement de la Chine par les puissances occidentales, et des campagnes coloniales, la France assure la souveraineté sur le royaume vietnamien (Ðại Nam), pays tributaire de l’Empire du Milieu, par le traité de Tien-Tsin (1884). Elle instaure en 1887 une entité coloniale appelée « Fédération indochinoise »,regroupant les royaumes vietnamien, khmer et lao ainsi que les principautés tây. Avant l’effondrement de la France en mai-juin 1940, l’organisation territoriale de la France en Indo-Chine comprend quatre protectorats (Tonkin, Annam, Cambodge et Laos) et une colonie (Cochinchine). Un traité est signé avec le Japon le 30 août 1940 : l’Indo-Chine demeure sous l’autorité du gouvernement de Vichy, représenté par l’amiral Decoux, mais en accordant d’importantes concessions militaires et économiques aux Japonais.

En 1941, dans la perspective internationaliste du Komintern, Hồ Chí Minh (1890-1969)(« Celui qui éclaire ») alias Nguyễn Ái Quốc («Nguyễn le patriote ») retourne au Viêt Nam après trente ans d’exil. Il traverse la frontière chinoise et s’installe au Tonkin, dans la région montagneuse de Cao Bang. Le 19 mai 1941 est créée la Ligue pour l’indépendance du Viêt Nam, Việt Nam Độc Lập Đồng Minh Hội ou Việt Minh, ligue nationaliste, anti-japonaise et anticolonialiste, dominée par le Parti communiste indochinois (PCI).

À partir de 1943, dans le cadre de la stratégie alliée de libération de l’Asie, le général de Gaulle décide la reconquête de la péninsule indochinoise. Le BCRA puis la Direction Générale des Études et des Recherches (DGER), son successeur en 1945, sont chargés des actions de recherche du renseignement ainsi que des opérations clandestines contre les forces d’occupation japonaises. Le Service est implanté à cet effet sur deux théâtres d’opérations, en Inde et Chine, sous les appellations respectives de Section de Liaison Française en Extrême Orient (SLFEO) et de Mission Militaire Française (MMF).

En mars 1943, le commandant François de Langlade, directeur général d'une plantation de caoutchouc en Malaisie, qui assure depuis 1941 les missions les plus délicates du BCRA dans la région, arrive à Meerut en Inde. Il se voit confier la direction de la French Indochina Country Section (FICS), SA de la SLFEO, mis pour emploi auprès de la Force 136, branche du Special Operations Executive (SOE) pour le Sud-Est asiatique. Au 3 mars 1945, 121 parachutages sur 220 tentés fournissent à l’Indochine 32 postes radio B2, 183 récepteurs radio Midget, plus de 4 500 armes diverses, des munitions, 4 tonnes d’explosif, du matériel divers, du ravitaillement et des médicaments. Parallèlement, des contacts sont pris auprès des autorités de Tchang Kai-chek par le colonel Zinovi Pechkoff, chef de la MMF établie en Chine à Chongqing.

Les Japonais renversent le pouvoir colonial français par le « coup de force » du 9 mars 1945 et commettent plusieurs massacres sur la population. Cependant, grâce à la qualité des renseignements recueillis par le SR français, certaines troupes coloniales opposent une farouche résistance, souvent désespérée. Une partie de l’armée s’échappe lors de la première attaque japonaise et doit s’enfuir en Chine. L’autorité française disparaît.

La première déclaration d’indépendance vietnamienne est proclamée le 11 mars 1945 par le gouvernement nationaliste pro-japonais, rival du Việt Minh, de Trần Trọng Kim (1883-1953), sous l’égide de l’empereur Bảo Đại (1913-1997).

À la mi-avril 1945, Jean Sainteny, un des piliers du réseau Alliance, arrive en Chine comme chef de la Mission 5 (MMF) et coordonne, depuis Kunming, le travail de ces missions officielles, avouées ou clandestines, implantées le long de la frontière sino-tonkinoise, destinées à entretenir, entre autres, les relations avec la résistance intérieure du général Mordant alias « Narcisse ». Ces réseaux sont implantés au Tonkin (« Rivière »), en Annam (« Médéric » et « Pavie »), en Cochinchine (« Legrand »), au Cambodge (« Mangin ») et au Laos (« Donjon »).

Vide de toute présence japonaise avant mars 1945, peu peuplé, le Laos, avec son plateau du Tran Ninh (plaine des jarres), constitue l’endroit idéal pour implanter les bases de la SLFEO. À partir du mois de janvier 1945, plusieurs parachutages sur « Donjon » sont organisés : « Sagittaire » (dont Jean Deuve) à Paksane, « Orion » à Vang Vieng, « Polaire » à Xieng Khouang. Alors que les combats cessent en Europe, un certain nombre de Jedburgh sont volontaires pour poursuivre la lutte en Asie et mis à la disposition de la FICS. Le 4 juin 1945, l’équipe « Véga » (dont Jean Sassi) est parachutée au-dessus de Vinh pour épauler « Sagittaire ». Le 15 août, de nouveaux renforts arrivent sur le terrain avec la mission « Bételgeuse » (dont Bob Maloubier) puis le 23 août avec « Oméga ». En août 1945, le prince Michel de Bourbon-Parme est parachuté sur Huê. Entre octobre et novembre 1945, les missions « Kay 1-2-3 »sont déposées ou parachutées au Siam et au Laos.

Après la capitulation du Japon en août 1945 et selon les accords alliés de Postdam, le désarmement des troupes japonaises sera assuré, au nord du 16eparallèle, par les troupes de la Chine nationaliste, au sud par l’armée britannique. Avant l’arrivée des forces alliées, et prenant le parti nationaliste du Việt Nam Quốc Dân Ðảng (VNQDD) de vitesse, le Việt Minh prend le pouvoir à Hanoï en août 1945 (révolution d’août - Cách Mạng Tháng Tám) et proclame, le 2 septembre 1945, la République Démocratique du Viêt Nam (RDVN). La création d’une armée populaire est confiée à Võ Nguyên Giáp, qui reçoit le soutien de l’Office of Strategic Studies (OSS) américain.

Afin de mettre en œuvre son projet global d’Union indochinoise, le général de Gaulle nomme Jean Sainteny commissaire de la République pour le Tonkin et le Nord Annam. Le général Leclerc, commandant du Corps Expéditionnaire Français en Extrême-Orient (CEFEO) arrive à Saïgon le 19 août 1945. En septembre, le SA s’installe à Saïgon sous la dénomination fictive de « Force du Laos » (1945-1946) et opère en Cochinchine, au Cambodge et au Sud-Annam. Sainteny négocie avec Hồ Chí Minh la convention préliminaire du 6 mars 1946.Fin avril, la conférence deFontainebleau ne parvient pas à obtenir la paix entre les parties. Le 23 novembre, le bombardement d’Haïphong est décidé en représailles aux attentats commis contre les Français. Le 19 décembre, le massacre de plusieurs milliers de civils vietnamiens sert de prétexte à Võ Nguyên Giáp pour lancer à Hanoï le soulèvement qu’il planifiait.

La guerre d’Indochine (1946-1954) commence. Elle s’exercera sur l’un des terrains de bataille les plus brûlants de la guerre froide. Amorcée en Europe, la guerre froide commence à irradier l’Indochine au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Elle n’y fait sa véritable entrée qu’un peu plus tard, avec la victoire des communistes chinois en octobre 1949 et le déclenchement de la guerre de Corée en juin 1950 et se poursuit jusque dans les années 1980.

Héritier du BCRA et successeur de DGER, le SDECE (Service de Documentation Extérieure et de Contre-Espionnage)est créé par un décret du 4 janvier 1946. Pour faire face à la guerre subversive conduite par le Việt Minh et ses soutiens du bloc de l’Est et de la Chine, le Service crée le 28 février 1947, selon le protocole no 159 du ministère de la France d’Outre-mer, une délégation du SDECE à Saïgon, la « Base 40 », qui centralise l’action du SR (section 45), du CE (section 43) et du STR (section 48). Cette « Base 40 » est placée sous les ordres du colonel Belleux de 1947 à 1956.

Le dispositif extérieur de la section 45 (SR) comprend les postes de Vientiane, Bangkok, Jakarta et des antennes en Chine du Sud à Hong Kong, Canton et Taïwan. Les sources humaines (SR et CE) sont particulièrement importantes dans la conduite de l’activité du SDECE en Indochine. Par ailleurs, la section 48 du STR capte 60 à 80 % des communications très denses du Việt Minh,notamment grâce aux interceptions radio effectuées en Chine alliées à des recoupements goniométriques à partir de Taïwan et de Hong Kong.

Le SA est présent sous la forme du Groupement des Commandos Mixtes Aéroportés (GCMA). Le 7 avril 1951, le général de Lattre de Tassigny signe la décision no 174 portant création d’un SA en Indochine. Composés en grande partie d’éléments des bataillons parachutistes coloniaux (BPC), du 11e Choc et du SA du SDECE, les commandos du GCMA opèrent de façon permanente au sein d’ethnies minoritaires (Hmong, Thaï noirs et blancs) du Nord Tonkin et du Laos afin d’organiser des actions de contre-guérilla visant les forces Việt Minh. À cet effet, ils s’inspirent des enseignements tirés des opérations menées par les maquisards en Europe, et des résultats obtenus par des unités alliées telles que les Chindits anglais ou les Maraudeurs américains en Birmanie. Les Hmong de Touby Ly Fong et de Vang Pao, dirigés entre autre par le colonel Sassi, poursuivront leur lutte sous l’égide de la CIA durant la guerre du Viêt Nam.

Guerre coloniale mais aussi guerre civile entre des Vietnamiens eux-mêmes divisés, la guerre d’Indochine est également un terrain « chaud » de la guerre froide tout en étant un conflit aux multiples aspects culturels, intellectuels, idéologiqueset économiques. Cette guerre n’oppose pas seulement les Français et les Vietnamiens mais se répercute en outre sur les Laotiens, les Cambodgiens, les minorités ethniques, tout en impliquant directement les Chinois, les Britanniques, les Soviétiques, les Thaïlandais, les Indiens et les Américains. Le 7 mai 1954, la chute du camp retranché de Diên Biên Phuannonce la fin de la guerre conventionnelle. Un accord de cessez-le-feu est signé lors de la conférence de Genève,le 20 juillet 1954. Le Viêt Nam est désormais coupé en deux au niveau du 17eparallèle. Le 8 octobre, Jean Sainteny traverse le pont Doumer pour être affecté à Hanoï comme premier représentant de France auprès du Việt Minh.

Quand la DGSE présente son histoire (RAIDS - Août 2014)


Sources : DGSE
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