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Quelle relève pour le général Bigeard ?

Mise à jour  : 01/09/2010 - Auteur : Propos recueillis par Philippe Deneuve - Direction : DICOD

La disparition du général Bigeard au mois de juin dernier est aussi celle d’un officier très populaire. Barbara Jankowski, chercheuse à l’Institut de Recherche stratégique de l’Ecole militaire et spécialisée dans les rapports « Armée-Société », explique pourquoi ce départ reste sans relève.

AVERTISSEMENT : les opinions émises dans cette interview n’engagent que leur auteur. Elles ne constituent en aucune manière une position officielle du ministère de la Défense, ni institutionnelle.

Avec la disparition du général Bigeard, c’est celle du dernier général populaire. Pourquoi n’y-a-t-il personne pour assurer la relève ?

D’abord parce qu’au delà d’être un militaire, c’est quelqu’un qui savait communiquer. Son personnage était lié à son passé militaire mais aussi à la manière dont il a su mettre en valeur ce qu’il faisait et ce qu’il pensait. Ce n’est pas donné à tout le monde. Si le général Bigeard était connu, c’est parce qu’il avait combattu sous la 2e guerre mondiale et en Indochine. Il n’y a pas aujourd’hui de militaire médiatique parce que la France n’est pas menacée à ses frontières. L’époque ne favorise pas l’émergence de personnalités fortes. En second lieu, il ne faut pas oublier que le général est associé à la guerre d’Algérie, ce qui est un moment de l’histoire controversé. Après la guerre d’Algérie, l’image des armées est extrêmement mauvaise. En trente ans cette image s’est améliorée de plus de vingt points. Si on s’interroge sur les conditions qui ont favorisé l’émergence de ces personnages, il y a de bons aspects mais aussi des aspects que l’on n’aimerait pas revivre aujourd’hui. Enfin, le Général Bigeard est l’un des derniers généraux médiatisés depuis très longtemps.

Pourquoi ne connaît-on pas les jeunes officiers présents en Afghanistan ?

Que l’on n’associe pas un ou deux noms à l’Afghanistan, ce n’est pas étonnant. Ce sont les militaires du rang, les sous-officiers ou de jeunes officiers subalternes qui sont le plus impliqués. Ils n’ont pas l’âge ni la fonction qui permettent la prise de parole. Néanmoins, sur l’Afghanistan, on entend par exemple le colonel Durieu. Malheureusement la communication ne va pas assez loin. Les militaires ont le sentiment de ne pas peser dans l’opinion. Il faut faire en sorte que les militaires soient un peu plus visibles dans l’espace public.

 La suspension du service national a-t-il joué dans l’esprit des Français ? 

Les Français ont été très partagés sur la question au moment de la suspension de la conscription. En 1996, dès que le Président Chirac a pris la décision d’une professionnalisation de l’armée, l’opinion publique a basculé favorablement. Certains militaires prétendent que la suspension du service national a coupé les armées de la population. Mais la population qui faisait son service dans les quinze dernières années de la conscription n’était absolument pas représentative de la jeunesse française. On peut regretter le temps où les armées aidaient à une certaine mixité sociale mais elles ne le faisaient plus depuis longtemps.

L’image des armées est excellente mais 66 % les Français ont peu ou pas d’intérêt pour les questions liées à la Défense et aux armées…

Il y a des Français qui n’ont aucune raison de se poser des questions sur la Défense à partir du moment où, sur le territoire, ils ne sont pas menacés. Pour les opérations extérieures, ceux qui devraient communiquer ne le font pas. Les populations européennes ne soutiennent plus l’opération afghane, c’est un fait. Les gens sont plus préoccupés par les problèmes de chômage. Les questions de sécurité ne sont jamais les premières citées dans les préoccupations. C’est regrettable mais c’est aux politiques d’expliquer clairement nos décisions d’intervention à l’extérieur.

Est-ce que les militaires ne font pas parler d’eux simplement parce qu’ils font bien leur métier ?

Certainement. Il n’y a jamais eu d’articles mettant en cause des militaires dans les opérations en cours. Les sondages le corroborent : les Français ont confiance dans leurs militaires et les trouvent professionnellement tout à fait pointus.


Sources : Ministère des Armées