Alain Juppé a évoqué la politique étrangère et de défense devant les députés. Pour lui, les baisses de financement qui touchent les pays d’Europe sont une occasion de resserrer les coopérations. Une vision stratégique partagée est également nécessaire.
« Une priorité fondamentale de notre politique étrangère et de défense » qui « s’inscrit dans deux cadres complémentaires et qui se renforcent mutuellement, l’Alliance atlantique et l’Union européenne », a rappelé, à propos de la Défense européenne, Alain Juppé, ministre d’Etat, de la Défense et des Anciens combattants au cours d’une audition, reprenant ainsi un axe essentiel défini par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008.
Le ministre d’Etat s’est exprimé sur la question des évolutions et des perspectives de la Défense européenne, lors d’une audition devant les députés de la Commission de la Défense nationale et des forces armées, ainsi que de la Commission des affaires européennes, de l’Assemblée nationale, mercredi 16 février 2011.
« L’Union ne pourra jouer tout son rôle politique, elle ne pourra peser de tout son poids dans les équilibres du monde que si elle est adossée à une capacité de défense » et que, dans un contexte de « réduction des budgets de défense, les Européens doivent fédérer leurs efforts pour accroître ensemble l’efficacité globale de la dépense militaire. Si une politique européenne a un sens, c’est bien aujourd’hui, à un moment où les ressources sont contraintes », a insisté le ministre d’Etat.
Alain Juppé est ensuite revenu sur les avancées qui ont été initiées par la signature du traité de Lisbonne et qui dotent notamment l’Europe « des leviers nécessaires pour mener une action extérieure cohérente et devenir un acteur stratégique majeur » : c’est-à-dire, la création des postes de Haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et de Vice-président de la Commission européenne, ainsi que la mise en place au 1er janvier 2011du Service européen d’action extérieure.
Remédier à la « faiblesse » militaire européenne
Avancées qui cependant nécessitent certains « ajustements » : « il faudra renforcer la cohérence entre les outils restés en dehors du service européen d’action extérieure - je pense notamment aux outils financiers - et les structures de gestion de crise. Il faudra aussi clarifier la place de ces structures au sein du service. Il faudra enfin que l’Agence européenne de défense puisse jouer tout son rôle », a-t-il déclaré.
Alain Juppé s’est ensuite exprimé sur les deux grands enjeux de la construction européenne. Pour commencer, la nécessité de remédier à la « faiblesse » de l’outil militaire européen.
« Les chiffres européens sont éloquents : coupe de 8,3 milliards d’euros et diminution des effectifs de 40% d’ici 2014 en Allemagne, réduction de 10% sur la période 2011-2013 en Italie, réduction de 8% sur quatre ans et diminution des effectifs de 40 000 personnes au Royaume-Uni. Confrontée à la même tentation, la France a engagé un effort de modernisation sans précédent, qui traduit ses ambitions nationales et européennes », a-t-il justifié.
Puis sur l’importance d’assurer la « pérennité d’une l’industrie européenne de défense autonome et compétitive ».
Enfin, le ministre a réaffirmé la capacité de la France à « donner un nouvel élan à la construction de l’Europe de la Défense », en particulier dans les domaines du développement capacitaire et de la conduite des opérations militaires.
« Si nous voulons contrer le risque de déclassement stratégique, militaire et industriel auxquels nous sommes confrontés, nous devons saisir l’opportunité de la crise budgétaire actuelle pour accélérer de manière décisive le partage et la mutualisation de nos ressources, de nos compétences et de nos capacités militaires […] Face à cette situation, je suis convaincu que nous devons avancer pas à pas, en privilégiant toutes les pistes concrètes de coopération, à différents niveaux : en bilatéral, à quelques-uns ou à 27 », a déclaré le ministre, se référant à titre d’exemple à la signature du traité de coopération franco-britannique du 2 novembre 2010.
Soutenir les opérations structurantes
Dans le domaine de la conduite des opérations militaires, Alain Juppé a d’abord rappelé que, « avec un vingtaine d’opérations ou de missions menées au cours de la décennie passée, l’Europe de la défense a acquis une crédibilité opérationnelle forte pour la gestion des crises ». Le ministre a cependant ajouté qu’il est tout aussi important « de savoir mettre un terme aux opérations qui ont atteint leur objectif opérationnel. Je pense par exemple au volet exécutif de la mission Althéa, en Bosnie-Herzégovine, qui n’a plus raison d’être ».
Egalement, « de soutenir les opérations structurantes, comme Atalante, dont la France reste le premier contributeur […] et mettre en œuvre une approche multidimensionnelle dans la Corne de l’Afrique, seul moyen pour stabiliser durablement la région ». Enfin, « d’optimiser le fonctionnement des structures de gestion de crise : le renforcement des capacités de planification et de conduite des opérations au niveau stratégique reste toujours d’actualité ».
Alain Juppé a terminé son intervention en précisant que « cette action en faveur de la relance de la défense européenne ne portera tous ses fruits que si nous sommes capables de développer une volonté politique commune et une vision partagée du positionnement stratégique de l’Union européenne » et qu’il s’agit d’abord pour l’Union européenne de « définir une politique claire vis-à-vis de ses grands voisins, au premier rang desquels la Russie et la rive Sud de la Méditerranée ».
Et en s’engageant à « tout mettre en œuvre pour parvenir à une relance concrète de la Politique Européenne de Sécurité et de Défense Commune, qui pourrait aboutir à un conseil européen consacré aux questions de défense en fin d’année, sous présidence polonaise ».
Sources : Ministère des Armées