Fin février 2019, trois écoles spécialisées dans l’ingénierie pour l’une, le commerce pour une autre et la mode pour la troisième, ont co-organisé, avec la Direction générale de l’armement, un hackathon « Smart Clothes / Connected Objects ». L’objectif : faire réfléchir des étudiants sur les vêtements militaires intelligents. L’occasion aussi pour ces étudiants d’échanger avec des militaires sur les équipements et les outils technologiques du soldat du futur
Jour 1. « A quoi ressemblera la tenue du soldat du futur ? Vous avez 51h pour la dessiner ! » Le ton est donné ! 48 étudiants avaient rendez-vous dans le grand amphithéâtre de la Fabrique pour un challenge : imaginer la tenue du soldat du futur. En effet trois grandes écoles, l’ESCP Europe (école de commerce), l’ESIEE Paris (école supérieure d’ingénierie) et la Fabrique (école des métiers de la mode) ont organisé, du 18 au 20 février avec le concours de la Direction générale de l’armement (DGA), un hackathon pour imaginer un vêtement « intelligent » destiné au militaire. A l’issue de trois ces jours, un prix est remis au projet le plus original.
« Ce séminaire entre les trois écoles permet à chacun des étudiants de valoriser ses compétences : les étudiant de la fabrique sont des spécialistes du vêtement, de l’ESIEE sur les aspects technologiques et les étudiants de l’ESCP Europe sur les aspects liés au management, marketing et innovation », explique Michelle Goutagny, chef de projet Innovation à la Fabrique. Huit équipes de six étudiants vont ainsi mettre en commun leur expertise pour présenter à leur « commanditaire » militaire un produit faisable, centré sur l’usager et novateur.
L’ingénieur Carole, de la DGA prend place au centre de l’estrade pour leur présenter le cahier des charges : « Comment améliorer sur la tenue actuelle du soldat ? Vous pouvez imaginer beaucoup de choses : mieux intégrer ses systèmes de protection, de communication ou ses systèmes d’armes. » À ces côtés, un médecin-chercheur de l’Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA) : le médecin-chef Cyprien. A son tour, il prend la parole pour leur donner des consignes précises sur les attentes des militaires : « Le vêtement est notre première protection contre le froid, le chaud, l’humidité mais aussi contre l’ennemi quand nous devons être furtifs… »
Ce hackathon est une véritable opportunité pour la DGA et l’IRBA. « Actuellement nous travaillons sur le soldat du futur, justement sur les problématiques du textile. Travailler avec ces étudiants, est intéressant car ils nous confrontent à des choses que nous n’avions pas imaginées. Ils ont une façon différente de réfléchir », explique l’ingénieur Carole. « De soumettre de tel projets à ces étudiants est bénéfiques, puisque c’est en semant les graines maintenant que nous pourrons récupérer les fruits de leurs réflexions dans quelques années », souligne le médecin-chef Cyprien.
Jour 2. Ce matin les étudiants rencontrent des militaires pour leur poser des questions afin d’affiner les contours de leur projet vestimentaire. Comme un speed dating, huit personnes de l’IRBA, de la DGA et de l’armée de Terre sont venues et passent de table en table pour répondre aux questionnaires des étudiants. Car des interrogations ils en ont ! Dès qu’un militaire vient s’assoir à leur table les questions fusent ! Parfois ce sont des questions surprenantes pour les militaires comme : « Comment vous protégez-vous en cas de pluie ? » ou « comment faites-vous pour manger en opération. Vous avez un pique-nique ? ».
L’armée est un univers qu’ils ne connaissent peu ou pas. « C’est un monde abstrait pour nous », explique Aurélien, étudiant de l’ESSIE. « C’est très intéressant de travailler pour eux, car ils ont un rôle indispensable pour notre sécurité. A Paris, nous croisons des militaires de Sentinelle tous les jours. Autant que le treillis que nous leur imaginons soit confortable et utile. » « Je n’aurai jamais imaginé travailler sur des vêtements techniques pour des métiers comme militaire, poursuit Jordan étudiant à la Fabrique. C’est donc enrichissant de découvrir cet univers. Je me rends compte que je ne connaissais rien de leur quotidien. C’est une vraie découverte ».
Dans une salle adjacente, un atelier « treillis » permet aux étudiants de toucher et tester l’équipement des militaires. Pour évaluer le poids que peut porter un militaire, une des étudiantes essaye un gilet par balle. D’un œil amusé, une infirmière du service de santé (SSA) regarde, avant d’intervenir : « Tu l’as mis à l’envers ! » Tout le monde rit avant que la jeune fille s’étonne du poids total que doivent porter les combattants et surtout les combattantes. « Sous les drapeaux, il n’y a pas de sexe. Homme ou femme nous avons le même équipement et devons porter le même poids même si vous ne pesez que 50 kg », explique l’infirmière à un auditoire féminin captif.
Jour 3. En cette fin d’après-midi, le grand amphithéâtre de la Fabrique est à nouveau plein. Des bustes de mannequin vêtus des créations des étudiants sont postés sur le devant de la salle. Les différents groupes doivent présenter leur projet à leur commanditaire militaire. Plusieurs représentants de la DGA, IRBA, de l’armée de Terre et du Service du commissariat au armées (SCA) sont présents et constitue le jury du prix qui sera remis aux étudiants. Les huit équipes se succèdent sur l’estrade pour présenter leurs projets : sous-vêtement thermo-régulé, exosquelette en tissu, ou encore vêtement connecté favorisant le recueil de données pour un suivi médical. Des projets tout aussi innovants que différents. Après quelques minutes de délibération, le jury vote à l’unanimité pour le gilet par balle constitué de kevlar, de gel D30 (qui absorbe les chocs) et d’écailles en céramique, adapté à la morphologie féminine.
« J’ai été frappé par l’originalité de certains projets », confie l’ingénieure Carole. « Malgré un temps contraint, ils ont vraiment construit des prototypes novateurs et ont cherché des technologies existantes tout en construisant un business model… Ils se sont vraiment investis. Ils nous ont présenté beaucoup d’idées intéressantes qui pourront peut-être nous intéresser dans un avenir proche. »
Sources : Ministère des Armées