L’exposition Raymond Depardon : 1962-1963, photographe militaire, met en lumière la genèse de la carrière du célèbre photographe-réalisateur. Des images réalisées durant son service militaire, alors qu'il était reporter pour le mensuel des forces armées Terre Air Mer (TAM). Visite guidée.
Au cœur du musée national de la Marine de Toulon et du musée du Service de santé des armées du Val-de-Grâce, à Paris, la double exposition rassemble une centaine de tirages inédits, réalisés à partir des négatifs soigneusement conservés par les archivistes de l’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense (ECPAD).
Durant une seule année de service militaire, entre juillet 1962 et août 1963, Raymond Depardon a effectué un véritable tour de France en réalisant 51 reportages et plus de 2 000 clichés. Les prémices d’une grande carrière photographique et cinématographique.
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L’exposition débute par une salle relatant l'itinéraire de jeunesse du reporter. Posé dans une vitrine, son appareil photo, un Rolleiflex, trône au milieu de quelques tirages datant du début des années 60.
Un univers militaire en mutation
La suite du parcours s’intitule « Depardon par TAM ». Elle expose la palette des thèmes traités par le photographe : portrait, paysage, événement sportif et manœuvres militaires. Cette partie rassemble les images sélectionnées par la rédaction du magazine : la progression des chasseurs alpins durant l’ascension du Mont-Blanc, ou un chien militaire qui franchit un obstacle haut, sous le regard attentif de son maître.
Des clichés qui évoquent une armée moderne, professionnelle et cherchent à donner une image positive du monde militaire, en ciblant particulièrement la jeunesse. « Certains apprennent leur métier au service militaire. En 1962, Raymond, poursuit le sien. Il est déjà très polyvalent. Il photographiait dans toutes les conditions. », note la commissaire Lucie Moriceau-Chastagner, chef du département de la médiation et des publics, pôle de conservation et de valorisation des archives de l’ECPAD.
Le troisième temps de l’exposition, « TAM par Depardon » est un témoignage documentaire dénué de toute nostalgie sur une société française engagée dans le bond technologique des « Trente glorieuses ». Le photographe saisit des instants ordinaires empreints de poésie. Un groupe d’enfants monte sur un char, d’autres, sourire aux lèvres, essaient les casques lourds des soldats à l’occasion de l’opération portes ouvertes d’un régiment. « Il n’avait pas qu’un regard utilitaire, toute une palette de sa personnalité s’exprimait. En regardant l’intégralité de sa production, on observe déjà la séquence narrative solide de ses reportages.
On voit ce qui l’intéresse, le temps qu’il passe autour d’un sujet, et puis tac ! Il y a une photo et c’est la bonne », évoque la commissaire.
La France des années 60
Le dernier espace de l'exposition est une carte blanche laissée à Raymond Depardon et aux commissaires. Ils ont choisi des clichés plus personnels dévoilant la maturité photographique naissante de l’artiste. Un parachutiste saisi sur le vif en équilibre sur la ligne d’horizon, véritable funambule entre ciel et mer ; le monde moderne rencontrant la ruralité avec ce berger emmenant ses brebis paître qui croise sur sa route un char français en manœuvre. Une sélection de tirages en couleurs (rares à l’époque) complète ce panorama.
« J’avais le sentiment que ces images n’étaient pas intéressantes. Je n’étais pas un grand photographe, j’avais seulement 20 ans, et puis j’ai découvert quelques photos qui m’ont vraiment surpris. Je ne me souvenais pas vraiment les avoir prises, mais plutôt des situations qui m’avaient amené à les prendre. » « Au départ, j’étais un peu réticent sur ce projet. Ma rencontre avec Lucie (commissaire de l’exposition) m’a fait changer d’avis. Elle a réalisé un travail remarquable.
Elle connaissait toutes mes images par cœur : les lieux, les dates, les parutions de TAM, etc. », s'étonne encore Depardon en balayant du regard, les œuvres accrochées au mur. L'exposition met en lumière les facettes peu connues ou oubliées de la France des années 60. Elle relate une époque durant laquelle un pays, en pleine mutation, renoue avec la paix au lendemain de la guerre d’Algérie. Et un moment où l’armée se modernise et change son image pour séduire la Nation.
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Sources : Ministère des Armées